8 Septembre 2016
A lire désormais sur ce site. Une rencontre avec des travailleurs de Caterpillar publiée dans Paris Match, le 8 septembre 2016
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Extrait :
Comment quitter ces ouvriers meurtris sans penser aux « Raisins de la colère », le chef-d’œuvre de Joseph Steinbeck ? Décrivant un autre drame social, celui de métayers chassés des terres qu’ils cultivent dans l’Oklahoma parce qu’ils sont moins rentables que les machines qui vont les remplacer, le Prix Nobel de littérature traduisait leur compréhensible rancœur : « Dans l’âme des gens, les raisins de la colère se gonflent et mûrissent, annonçant les vendanges prochaines. » La phrase est devenue célèbre.
Cette vieille histoire ressemble à celle d’aujourd’hui et à tellement d’autres déjà vécues en Belgique (Renault Vilvorde, Arcelor Mittal-Liège, Opel Anvers, Duferco La Louvière, Ford Genk, Volkswagen Forest…), sauf que, dans le roman, ce n’était pas une multinationale qui mettait la vie de travailleurs en péril, mais des banques. Steinbeck considérait à ce propos qu’« il se trouve que chaque homme dans une banque hait ce que la banque fait, et cependant la banque le fait. La banque est plus que les hommes. C’est le monstre. Ce sont les hommes qui l’ont créé, mais ils sont incapables de le diriger. » L’écrivain nous parlait aussi de ce directeur financier américain venu expliquer aux travailleurs belges qu’ils étaient très bons mais que – désolé – il y en avait de plus rentables qu’eux. Dans le roman, ce directeur avait les traits d’un conducteur de bulldozer qui aplatissait les fermes pour forcer le départ de leurs occupants. Et Steinbeck écrivait : « L’homme assis sur son siège de fer (…) faisait partie du monstre, un robot. Il fonçait droit dans la campagne, coupait à travers une douzaine de fermes, puis rebroussait chemin. Un coup de volant aurait fait dévier la chenille, mais les mains du conducteur ne pouvaient pas tourner parce que le monstre qui avait construit le tracteur avait trouvé le moyen de pénétrer dans les mains du conducteur, dans son cerveau, dans ses muscles, lui avait bouché les yeux, avait paralysé son esprit, avait muselé sa langue, avait paralysé ses perceptions, avait muselé ses protestations. »
Aux métayers, ce conducteur disait : « Les temps ont changé, vous devriez le savoir. On ne peut plus vivre de sa terre maintenant. »
Un expulsé lui avait répondu :
« Faut que je réfléchisse. Faut qu’on réfléchisse tous. Y a sûrement moyen d’arrêter ça. Ce n’est pas comme le tonnerre ou les tremblements de terre. Y a là quelque chose de mauvais qui a été fait par les hommes et faudra bien que ça change, nom de Dieu ! »
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