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Affaire Mawda : L’instruction est terminée

Dessin : Manu Scordia

Dessin : Manu Scordia

Un article publié sur le site Paris Match.be, le 22 juin 2020.

Accélération dans l’affaire Mawda, l’instruction est terminée. C’est en tous cas le point de vue de la magistrate qui a instruit les faits et celui du parquet de Mons. Ce vendredi 26 juin, le dossier sera examiné par la chambre du conseil, une juridiction qui pourrait déjà décider, sauf remise demandée par l’une des parties, du renvoi (ou non) devant le tribunal correctionnel, des inculpés parmi lesquels se trouve le policier qui a tiré.

Dans la nuit du mercredi 16 au jeudi 17 mai 2018, sur une autoroute belge, près de Mons, un policier tirait un coup de feu en direction d’une camionnette en mouvement transportant des migrants. Mawda, une petite fille de 2 ans, touchée en pleine tête, était tuée.

Dans les semaines qui ont suivi les faits, Paris Match a révélé que ce dossier comportait de nombreuses zones d’ombre :  présentation chaotique et trompeuse des faits par les autorités judiciaires montoises au lendemain des faits, procès-verbal initial transformant les faits de manière abracadabrante au bénéfice de l’auteur du coup de feu (thèse de l’enfant-bélier : Mawda aurait été tué par les migrants eux-mêmes, pas un tir policier…), comportements suspects de certains policiers sur le parking après les faits ( l’auteur du tir se promenant sur la scène de crime, conversant avec un collègue du « distpatching »,  lequel l’invite à ne pas se confier sur les faits dans cet échange téléphonique qui a été enregistrée et qui se termine par ces mots «  Moins on en sait, mieux c’est »).

Nous avions aussi relevé les déclarations contradictoires du policier tireur et de son collègue sur les circonstances de l’intervention et tir (connaissance ou non de la présence de migrants à bord du véhicule avant l’intervention, etc…). Impossible d’être exhaustif à propos de ce dossier plein de bizarreries.

Comme si on voulait clôturer cette affaire par un sprint après une marche lente qui durait depuis plus de deux ans

Alors que le dossier est considéré comme terminé par l’instruction et par le parquet de Mons, les différentes parties vont pouvoir avoir accès à l’intégralité du travail réalisé par la juge d’instruction Pamela Longfils. Elles pourront constater si les différents devoirs d’enquête complémentaires demandés pour éclairer les nombreuses zones d’ombre de cette affaire ont été réalisé. Et, le cas échéant, de quelle manière. Toutefois, on ne leur laisse guère de temps : les convocations pour la chambre du conseil ont été envoyée le vendredi 19 juin, la consultation des pièces par les avocats sera possible à partir de mardi 23 juin et la chambre du conseil se réunit le 26 juin. C’est un peu comme si on voulait clôturer cette affaire par un sprint après une marche lente qui durait depuis plus de deux ans. Dans un tel contexte, vu cette accélération surprenante, il n’est pas impossible que l’une ou l’autre des parties demande une remise de cette chambre du conseil, au motif que des devoirs complémentaires devraient encore être réalisés ou, tout simplement, pour avoir le temps de prendre connaissance de l’ensemble des pièces. On peut aussi s’interroger sur un calendrier qui, en cas de remise ou d’appel d’une décision devant être examiné par la chambre des mises en accusation, conduirait la justice à prononcer des jugements durant la période estivale, notamment au motif que l’un des inculpés (le chauffeur de la camionnette) est détenu.

Qui sera renvoyé vers le tribunal correctionnel ?

Rappelons que la chambre du conseil est une juridiction dont le rôle est aussi de contrôler la régularité de l’instruction. Elle a la faculté de « surseoir à statuer » si elle estime que l’instruction n’est pas complète. Dans ce cas, ce serait à la chambre des mises en accusation qui devrait, dans une étape de procédure ultérieure, enjoindre au juge d’instruction l’accomplissement de devoirs complémentaires. La chambre du conseil peut aussi prononcer une ordonnance de non-lieu, estimant qu’il conviendrait d’abandonner les poursuites parce que les fait ne seraient pas punissables ou que les charges ne seraient pas suffisantes pour renvoyer le (s) inculpés (s) devant le tribunal correctionnel. La troisième option est une « ordonnance de renvoi » d’un ou de plusieurs inculpés devant la juridiction de fond compétente, le tribunal correctionnel compétent. Autrement dit, de considérer qu’il y a des charges suffisantes qui nécessitent la tenue d’un débat public en présence de toutes les parties au procès. Une personne qui est renvoyée devant le tribunal n’est pas un « coupable ». Seul le tribunal correctionnel en jugera.

Pour rappel, le policier qui a tiré sur la camionnette a été inculpé pour « homicide involontaire » en janvier dernier. Le chauffeur du véhicule, un jeune homme arrêté en Grande-Bretagne et ensuite extradé en Belgique ou il est détenu, a été inculpé « d’entrave méchante à la circulation avec la circonstance aggravante que cette entrave méchante a causé la mort de l’enfant Mawda. » Il est aussi inculpé de « rébellion avec arme », la camionnette étant considérée en l’espèce (par le parquet et l’instruction) comme une arme. Un troisième homme, qui se trouvait à l’avant du véhicule, fut aussi arrêté, fin 2019, en Hollande. Il a été inculpé des mêmes charges que le chauffeur du véhicule. Qui parmi ceux-là se retrouvera bientôt devant le tribunal ? La réponse approche.

Le temps d’une plus grande transparence commence

De même qu’approche à grand pas le temps d’une plus grande transparence dans cette affaire alors que toutes les pièces du dossier vont maintenant être connues et étudiées en profondeur par toutes les parties et qu’un débat public et contradictoire va bientôt pouvoir se tenir. On constatera alors que les zones d’ombres évoquées dans les mois passés étaient bien réelles et surtout on verra si la justice a fait œuvre utile en les éclairant. C’est en tous les cas, ce qu’il convient d’espérer pour la crédibilité de l’institution judiciaire dans un climat de contestation de plus en plus forte à l’encontre des violences policières.

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Michel Bouffioux


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