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Marius Gilbert à cœur ouvert : "Des autres, on ne sait jamais tout"

Un entretien publié par l'hebdomadaire Paris Match Belgique, le 30 juin 2022. Et par le site Paris Match.be, le 4 juillet 2022.

L’été est là. La pandémie est moins commentée (NDLR : l’entretien a été réalisé début juin). On ne vous voit plus sur les plateaux télé. Ce retour à la vie normale, c’est un soulagement ?

Marius Gilbert. Très clairement. Au plus fort de la crise sanitaire, je devais être en veille permanente. Parfois, on m’appelait à 7 heures du matin pour une interview, les réunions d’experts mordaient sur mon emploi du temps à l’Université libre de Bruxelles. Je devais être au courant des derniers chiffres, des publications scientifiques, des débats en cours… Toute cette charge mentale, je m’en passe très bien.

Comment s’organise votre quotidien ?

Le travail y occupe une grande part. Depuis quelques mois, il a changé de nature. J’étais chercheur en épidémiologie, une activité passionnante mais assez solitaire. Me voici vice-recteur à la recherche et à la valorisation de l’ULB, un job qui implique énormément de relationnel. Je suis au service de quelque 3 600 chercheuses et chercheurs de l’institution. Je dois les aider dans leurs démarches et permettre, autant que faire se peut avec des finances insuffisantes, que leurs activités se déroulent au mieux. Il s’agit aussi de diffuser, de valoriser tout le travail de recherche de l’université vers la société. Ce n’est pas qu’une transmission de savoirs : on vise à populariser la démarche scientifique, à montrer que les connaissances sont en mouvement, à éveiller des vocations. En sus, je suis en rapport régulier avec différents responsables politiques au niveau fédéral, régional et communautaire, avec mes alter ego d’autres universités et avec le monde de l’entreprise.

Et quand vous ne travaillez pas ?

J’aime beaucoup les activités manuelles. À la maison, c’est moi qui cuisine, il s’agit de ma principale contribution aux tâches du quotidien. J’apprécie aussi le bricolage, particulièrement le travail du bois. J’adore visiter des expos, des musées, aller à des concerts. Mais ma passion, bien que j’y consacre trop peu de temps, c’est la photo.

Êtes-vous l’auteur de cette image qui orne l’un des murs de votre salon ?

Oui. Je l’aime beaucoup parce qu’elle joue avec les couleurs et les reflets. Elle brouille les pistes. Il y a des choses qui sont nettes, d’autres qui sont floues. Que voit-on ? Ce n’est peut-être pas évident au premier regard. J’aime bien les images qui, en plus de leur esthétisme, créent des interrogations.

La guitare, à proximité, c’est pour décorer ?

Non, j’en joue, mais en dilettante, sans prétention. J’ai appris quelques accords quand j’étais chef louveteau. Comme la photo, la musique est un loisir qui permet d’être créatif, et c’est cela qui m’intéresse.

Pendant la crise sanitaire, vous avez souvent convoqué la notion d’incertitude, n’ayant cesse de rappeler que les scientifiques devaient se montrer modestes dans leurs évaluations d’un nouveau virus pouvant connaître des évolutions surprenantes. Cette prudence professionnelle faisait-elle écho à un trait de votre personnalité ?

Certainement. Dans mes relations aux autres, je suis quelqu’un de très circonspect. Cette préoccupation toute scientifique de vérifier avant d’affirmer, je l’applique aussi dans mes rapports humains. J’évite les jugements hâtifs. Je n’aime pas les étiquettes qu’on colle aux gens pour les ranger trop rapidement dans des cases. Des autres, on ne sait jamais tout ! Chacun a un chemin, une histoire, des motivations. Les êtres humains sont si complexes que cela prend du temps de les découvrir. Il convient d’avancer vers les autres en tâtonnant, parfois par essais et erreurs. En tout cas, il faut le faire en gardant l’esprit ouvert.

Donc avec une bonne dose de bienveillance ?

Oui, j’y crois profondément : il faut cultiver la bienveillance.

Seriez-vous bouddhiste ?

(Il sourit) Pas du tout ! Ou alors, je le suis sans le savoir. En tous cas, je suis convaincu que le respect mutuel est fondamental dans les relations humaines. Ce qu’on dit à l’autre, on doit pouvoir se l’entendre dire. Il faut se mettre à la place des personnes avec lesquelles on interagit. C’est encore plus vrai quand on use d’un pouvoir de décision qui est de nature à affecter la vie des autres. Cela dit, j’ai parfois cultivé le souci des autres à l’extrême… pour me rendre compte qu’à force de ne pas vouloir heurter, on peut paraître ambigu, voire contradictoire.

J’ose enfin me dire que les autres ont, eux aussi, une capacité d’absorption qui devrait leur permettre d’entendre l’expression d’un désaccord

Auriez-vous tendance à fuir les conflits ?

Pendant une période de ma vie, je crois que ce fut le cas. Cela correspondait sans doute à une forme de repli sur moi, à une manière que je croyais efficace de me protéger.

Vous parlez à l’imparfait ?

Je crois avoir mûri. Désormais, je n’évite plus les situations conflictuelles. Bien sûr, je cherche à les apaiser, mais j’ose enfin me dire que les autres ont, eux aussi, une capacité d’absorption qui devrait leur permettre d’entendre l’expression d’un désaccord. C’est une évolution récente. Elle se marque tant sur le plan professionnel que dans ma vie personnelle.

La question est éminemment complexe, et peut-être est-elle culpabilisante quand on voit l’état du monde, mais affirmeriez-vous être un homme heureux ?

Un homme heureux ? Considérant que le bonheur ne saurait être un état constant, je ne dirais pas cela. Je crois qu’il y a des temps fugaces de l’existence qui offrent une sensation de plénitude, des moments d’émerveillement. Parfois on les perçoit en temps réel, parfois rétrospectivement. Une vie heureuse est sans doute constituée de l’accumulation d’instants comme ceux-là. Mais l’idée de permanence est un leurre, car la vie nourrit inévitablement d’autres ressentis comme le doute, la tristesse ou le désespoir.

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Michel Bouffioux


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