16 Mai 2024
Un entretien publié par l'hebdomadaire Paris Match Belgique, le 16 mai 2024 et par le site Paris Match.be, le 19 mai 2024.
Dans un monde en croissance démographique et au climat déréglé, l’eau douce deviendra une ressource toujours plus précieuse. Pour anticiper le risque d’une catastrophe planétaire, les humains doivent changer leur rapport à l’or bleu. Professeur en sciences de gestion à l’Université Paris-Panthéon-Assas, Simon Porcher est expert en gestion des services publics de l’eau. Il vient de publier un ouvrage intitulé « La Fin de l’eau ? », chez Fayard.
Vous publiez un livre intitulé "La Fin de l'eau" et, dans son prologue, vous citez le théoricien de l'effondrement Jared Diamond : "Les sociétés les plus avancées et les plus créatives peuvent aussi s'effondrer. " Votre intention est-elle de nous faire peur ?
Simon Porcher. Pas du tout ! J'invite plutôt à une prise de conscience. Mon intention est d'alerter sur le risque de pénurie globale d'eau douce. Ces trois dernières années, nous avons connu des périodes de sécheresse très importantes, des événements extrêmes qui, désormais, ne se limitent plus aux zones arides de la planète, mais touchent également les zones humides, par exemple les pays du nord de l'Europe ou l'Amérique du Nord. En somme, la moitié de la population mondiale est désormais exposée à la rareté de cette ressource vitale. Sait-on que le stock d'eau des principaux lacs mondiaux a été divisé par deux ces trente dernières années ? Mesure-t-on suffisamment que l'activité humaine a " brisé le cycle de l'eau", comme le soulignait récemment le secrétaire général de l'ONU, António Guterres ? Je ne le crois pas. Pourtant, c'est un fait : alors que la population mondiale ne cesse d'augmenter et que nos modes de vie sont plus consommateurs d'eau, les pénuries se font ressentir dans de nombreuses régions du monde.
Or, selon les projections des Nations Unies, la population mondiale devrait atteindre 9,7 à 10,9 milliards de personnes en 2050…
Cette croissance démographique aura pour conséquence que la demande d'eau douce pourrait être supérieure d'environ 50 % en 2050 par rapport à l'année 2000. Il faut aussi prendre en compte la hausse du niveau de vie dans certaines régions du monde, le développement de pays déjà très peuplés – la Chine, l'Inde, par exemple – dont les activités économiques et industrielles provoquent une consommation d'eau accrue. En synthèse, à l'échelle planétaire, le déséquilibre entre l'offre et la demande d'eau va fortement s'aggraver dans les trente prochaines années. Le risque d'une crise mondiale de l'eau à l'horizon 2050 doit donc être pris en compte et les humains doivent s'adapter en conséquence. C'est ce qui m'amène à plaider que l'eau devrait être tout au sommet de l'agenda politique international : elle devrait avoir son groupe d'experts internationaux, l'équivalent du GIEC qui, depuis de nombreuses années, étudie scientifiquement les causes et les conséquences du réchauffement climatique.
En cas d'inaction, les générations futures n'auront-elles pas bien des raisons de nous en vouloir ?
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