Une enquête publiée par l’hebdomadaire Paris Match Belgique le 19 septembre 2024 et par Paris Match.be, le 22 septembre 2024.
Violée par son père à d’innombrables reprises, pendant des années, sous le regard passif de sa mère, cette femme de 38 ans, maman de trois enfants, vient d’être définitivement reconnue en tant que victime par la justice belge. Elle témoigne pour « rompre la loi du silence, car ce sont les non-dits qui permettent à de telles abjections d’exister ». Plongée dans les abysses d’une famille incestueuse.

Avertissement : À l’exclusion de celui de Jennifer, tous les prénoms mentionnés dans ce texte sont fictifs. Mais tous les faits racontés sont réels : ils ressortent de notre enquête, d’un dossier judiciaire et des jugements prononcés par des tribunaux belges.
Dans cette localité de la province de Namur, la maison où se sont déroulés la plupart des faits est attenante à une école primaire. Elle fut autrefois le logement de fonction de l’instituteur du village. En juillet 1995, la famille F. obtint de s’y installer pour un loyer modeste, signant un bail de neuf ans avec le CPAS local. Une belle opportunité pour les locataires Albert et Françoise, âgés à cette époque de 35 et 31 ans, tous deux sans emploi, père et mère de cinq enfants. Ces derniers servirent, en quelque sorte, de monnaie d’échange : l’école locale cherchait de nouveaux inscrits pour assurer son financement et les F., en situation sociale délicate, avaient besoin d’un logement. Dans les années précédentes, Albert avait perdu un premier emploi à la SNCB à la suite d’une affaire de vol, selon ce que croient savoir ses enfants. Ce licenciement avait été suivi d’une faillite dans le cadre d’un commerce de jouets initié par les F. à Anderlecht.
S’ils trouvèrent un toit grâce à leurs enfants, Albert et Françoise ne leur en furent pas reconnaissants. Bien au contraire, ils les brimèrent et les blessèrent bien plus qu’ils ne les élevèrent, faisant de la maison près de l’école une zone de non-droit, de maltraitance, d’abus d’autorité et de délinquance sexuelle. Saura-t-on un jour tout ce qui s’est passé là-bas ? La réponse est non, car les abuseurs bénéficient du passage du temps. Ils misent sur les amnésies traumatiques de leurs victimes, ces courts-circuits qui permettent aux enfants maltraités de survivre en remisant l’indicible dans des zones difficilement accessibles de leur cerveau. Ils tirent aussi grand profit de leurs manipulations mentales : il est facile de jouer avec l’estime de soi des jeunes esprits, tellement le rapport de force est déséquilibré. La mémoire des victimes demeure souvent embuée : les ex-enfants martyrs devenus adultes se débattent entre cauchemars et souvenirs imprécis, voire contradictoires. Parfois même, il leur arrive d’être complices ou à tout le moins protecteurs de leurs bourreaux qui demeurent, malgré tout, « Papa » et « Maman ».
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