26 Mars 2004
Chronique "Si on me laisse dire", publiée dans le quotidien "La Dernière Heure" en marge du procès de Marc Dutroux et consorts.
En venir aux faits ! (19 - Le 26 mars 2004)
Un mois ! Cela fait déjà un mois que le procès de Dutroux et de sa clique a commencé. Et, à ce jour, il faut bien le constater, pas un seul témoin des faits qui sont jugés à Arlon n’a déjà eu l’occasion de s’exprimer. Pour autant, je ne veux pas dire par là que l’on a perdu son temps à la cour d’assises du Luxembourg. D’abord ce procès pourrait être comparé à un immense paquebot qui prend la mer. Ce n’est qu’après un certain temps que les lourdes machines naviguent à leur vitesse de croisière. Il convenait de régler les appareillages, de trouver un cap et de déterminer le rôle que chacun jouera à son bord.
En d’autres termes, ce premier mois de débat aura permis déjà répondre à de nombreuses questions. La première, capitale, était de savoir si un jury populaire serait capable de digérer une quantité impressionnante de données, parfois contradictoires et souvent interprétées de manières radicalement opposées par les diverses parties au procès. A en juger au travers de questions qui ont été posées, au cours de la semaine écoulée, on peut être rassuré. Les jurés de ce procès sont attentifs, perspicaces et surtout très curieux. C’est sans doute là le gage le plus important de la bonne marche de ce procès.
On pouvait aussi s’interroger sur la manière dont les débats seraient conduits par le président Goux. Certes, celui-ci a parfois tendance à venir un peu vite au secours de témoins qui ne trouvent pas leurs réponses mais il apparaît aussi que toutes les parties sont en mesure de poser leurs questions. Pratiquement toutes les questions. Le président laisse même parler Dutroux. Cela choquera peut-être. Mais même cet accusé, aussi horribles soient les actes qu’il a commis, dispose du droit démocratique de pouvoir s’exprimer. Ce n’est pas parce que cet homme est un monstre que la société doit réagir de manière monstrueuse à son égard. C’est là l’honneur et le devoir de la démocratie. Toutefois, il convient aussi de faire taire Dutroux lorsqu’il pousse la manipulation trop loin. Le président Goux l’a également fait.
Troisième enseignement essentiel de ce premier mois : la fin d’une certaine pensée unique que l’instruction chestrolaise avait tenté d’imposer. Il a été démontré que le juge Langlois et ses enquêteurs n’ont pas répondu à toutes les questions –ce qu’on ne peut pas leur reprocher- mais aussi que les mêmes ont voulu présenter leur thèse comme la seule possible et surtout, c’est la faute la plus grave, comme répondant à tout ! Les questions des jurés – à la suite du travail impressionnant de certaines parties civiles- ont clairement indiqué que l’instruction d’audience serait déterminante. Et qu’autant que faire se peut, à ce stade de la procédure, le jury tentera de trouver des parts de vérités alors que certains mythes sont désormais balayés – les 104 jours de Julie et Melissa dans la cache, le seul et unique témoin Henrotte…
Enfin, les positions de chacun des accusés sont désormais clairement définies. Dutroux tirera tous azimuts plutôt que de dire ce qu’il sait. Martin jouera la femme soumise. Lelièvre, le tox repenti. Et Nihoul jouera l’innocente victime d’une erreur judiciaire.
Maintenant, il est plus que temps d’entendre les témoins directs. De parler des faits. D’évaluer les actes posés par les quatre accusés.
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