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9 Mai 2004
Chronique "Si on me laisse dire", publiée dans le quotidien belge "La Dernière Heure", en marge du procès de Marc Dutroux et consorts
Les maillons faibles (47 - Le 10 mai 2004)
Plusieurs audiences ces dernières l’ont clairement démontré : le procès de Dutroux et de ses trois acolytes présumés pourrait connaître des avancées intéressantes si les accusés étaient régulièrement soumis à un feu nourri de questions. Certes, les accusés mentent. C’est d’ailleurs leur droit. Bien sûr, ils manipulent. Mais au jour le jour, un constat se fait de plus en plus évident : ces tactiques de diversion ne sont pas sans failles. En d’autres termes, on voit très bien les limites de ces manipulateurs lorsqu’ils sont confrontés à des questions précises et logiques ou lorsque, avec systématisme, ils sont interpellés sur les contradictions patentes de leurs récits.
C’est à mon sens l’un des enseignements du procès : le trouble causé par ce dossier dans l’opinion publique a sans doute contribué à une mauvaise perception de la véritable carrure des personnes jugées à Arlon. Oui, ce dossier est extraordinaire par l’horreur des faits qui ont été commis, mais aussi ne l’oublions pas, par les ratés policiers et judiciaires incompréhensibles qui ont émaillé les différentes enquêtes. Mais ce ne pas cette part d’inexpliqué qui doit nous donner des accusés une image de personnages dotés d’un diabolisme tel qu’il ne pourrait être pris en défaut. Lorsqu’ils sont systématiquement confrontés à leurs contradictions, ces quatre-là s’emmêlent vite les pinceaux.
Bien entendu, je n’irais pas jusqu’à «rêver» -pour reprendre l’expression du juré révoqué la semaine dernière- que Dutroux, Martin, Lelièvre et Nihoul soient subitement pris par un élan de sincérité. En d’autres termes, je n’oserais imaginer que l’un des quatre se lève et déclare : «Monsieur le Président, voilà maintenant je vais enfin vous donner toutes les clés». En effet, on sait que trop bien que le remord n’est pas présent dans le boxe d’Arlon. Toutefois, par le jeu des questions-réponses, il y a moyen de conduire un accusé qui ment à battre en retrait, à donner des éléments inédits. Ne fût-ce que parce que celui-ci cherchera à garder une apparente cohérence au regard des ses juges.
Un exemple : il y a quelques jours, Michelle Martin a été interrogée utilement sur sa présence récurrente à Marcinelle durant l’été 1995. Poussée dans les cordes par Me Beauthier et le président Goux, l’ex-Madame Dutroux a tenté de se justifier en tirant, comme à son habitude, sur la corde de la «femme soumise». Mais dans le même temps, et sans s’en rendre compte, elle a admis pour la première fois s’être trouvée dans cette maison en connaissance de cause : c'est-à-dire en sachant que quatre victimes de Dutroux y étaient alors détenues : Julie, Melissa, An et Eefje. Voulant démontrer qu’elle était sous influence, Martin a ajouté que Dutroux voulait qu’elle lui serve de «vitrine» pour les habitants du quartier. Sa mission était donc de passer régulièrement par là, notamment avec ses enfants, pour donner l’apparence d’une «famille normale». De cette manière, l’accusée a surtout donné des éléments supplémentaires de nature à démontrer qu’elle participait activement à la construction des alibis de son ex-mari. Et circonstance aggravante, qu’elle utilisait aussi ses propres gosses à cette fin!
De toute évidence, les maillons faibles sont nombreux dans les histoires incroyables que nous racontent les accusés d’Arlon. Or, le président Goux a démontré que, lorsqu’il les interpelle, son esprit logique et sa grande intelligence pouvaient être redoutables. Malgré la fatigue, après dix semaines de procès, il serait regrettable de s’en priver. Il n’y a aura pas de seconde chance.
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