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30 Mars 2004
Chronique "Si on me laisse dire" publiée dans le quotidien belge "La Dernière Heure" en marge du procès de Marc Dutroux et consorts
Pas vu, pas pris (22 - Le 31 mars 2004)
Que s’est-il passé le 13 décembre 1995 lors de la perquisition de la BSR de Charleroi dans la maison de Marc Dutroux à Marcinelle ? Ce n’est pas l’audience d’hier à la cour d’assises qui nous a permis d’y voir enfin plus clair. Il est vrai que les questions qui ont été posées à cet égard par certaines parties civiles manquaient parfois de précision. Et que les réponses du célèbre ex-gendarme René Michaux n’étaient pas, disons, de la plus grande transparence. Quelques éléments neufs tout de même. Ils concernent d’abord les cassettes vidéo qui ont été saisies, ce jour-là, par René Michaux et ses collègues. Pour l’anecdote, on soulignera que le témoin parle désormais de 97 cassettes. Pendant la commission d’enquête, il avait été tantôt question de100 cassettes, puis de 94. Dans le dossier de Neufchâteau, on en mentionne 93 et le président de la Cour a même cité un document où il est question de 92 cassettes… Soit.
Quant à ces nombreux supports vidéo, la question se pose de savoir si Michaux et ses collègues les ont regardé à l’époque de leur saisie. En effet, le carnet de travail rédigé par l’ex-gendarme renseigne qu’une heure après le début de la perquisition, il avise un substitut de Charleroi de la présence de «nombreuses cassettes» dans la maison de Dutroux et que ce magistrat réagit en ordonnant la rédaction d’un «procès verbal initial». Un PV initial ? Ce type de document est rédigé par un policier quant il vient découvrir une nouvelle infraction. Comment découvre-t-on un délit au départ de cassettes vidéo ? Je crois pouvoir affirmer que c’est en les regardant!
Donc, la question a été posée à M. Michaux : avez-vous regardé des cassettes sur place ? A moins que certains de vos collègues l’aient fait ? Réponse du témoin : «Non. Chez Dutroux, la télévision ne fonctionnait pas. Ensuite, à la gendarmerie, un collègue a voulu commencer à visionner mais l’adjudant Leblanc (ndlr : chef de service à la BSR de Charleroi) nous a interdit de le faire». Dont acte. La gendarmerie amasse des informations sur le suspect principal de l’enlèvement de Julie et Melissa pendant plusieurs mois et lorsque les enquêteurs saisissent des cassettes… on leur dit de ne pas les regarder.
On soulignera tout de même que les déclarations de René Michaux sur cette question du visionnage des cassettes n’ont pas toujours été «constantes». Le 2 mars 1986, il déclarait à la commission d’enquête : «Quand nous sommes rentrés (à la gendarmerie) avec ses cassettes nous en avons visionné quelques unes avec notre unique appareil». Hier, le serrurier Alain Lejeune - qui était présent sur les lieux de la perquisition- a apporté un élément supplémentaire : «J’ai constaté que deux gendarmes qui visionnait des cassettes sur la télé de Dutroux». Ah bon, finalement la télé fonctionnait ? Qu’ont-ils vu alors ? De quoi rédiger un procès-verbal initial ? On n’en saura pas plus.
De même que sur le mystère des «voix d’enfants» entendues par Michaux dans la cave. Désormais, le policier parle de «chuchotis»… Mais là encore, le serrurier contredit : «il s’agissait des voix de deux petites filles. On les entendait distinctement. C’était très proche». Et de conclure sur cette phrase lourde de sens : «Je ne savais pas qu’on cherchait des enfants lors de cette perquisition. Elle avait l’air banale. Comme s’il s’agissait d’une affaire de vol. Rien de plus. Si l’on cherchait des enfants qui pouvaient se trouver dans une cache, alors je ne puis comprendre que l’on ait pu sortir aussi vite de cet immeuble après avoir entendu ces voix.»
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