19 Avril 2004
Chronique "Si on me laisse dire", publiée dans le quotidien belge "La Dernière Heure" en marge du procès de Marc Dutroux et consort
Sexe, mensonges (?) et vidéo (34 - Le 20 avril 2004)
Hier, deux policiers nous ont parlé d’une enquête impeccable. Celle qui a consisté, à partir d’une cassette vidéo saisie chez Marc Dutroux, à l’incriminer dans une affaire de viol. Celui d’Henrietta P., une jeune slovaque qui avait eu le malheur de croiser sa route, une nuit de juin 1995. N’exagérons rien, les investigations dont je vous parle ici ne nécessitaient pas le talent d’un Sherlock Holmes ou d’un Columbo. Mais bon : le travail a été fait consciencieusement et complètement. On ne saurait trop le souligner dans ce dossier qui a témoigné de tellement de lacunes.
Sur la cassette saisie, les images saisies montrent une jeune fille nue, allongée sur le dos, genoux relevés. Paraissant droguée, elle gémit et pleure. On voit la main d’un homme qui ausculte son corps. Filmée dans un véhicule, cette scène ne laisse pas de doute sur les sévices sexuels dont la victime a été l’objet. Cette dernière présente plusieurs particularités physiques et vestimentaires qui sont autant d’indices pour l’identifier. En plus, elle s’exprime dans une langue étrangère aux consonances slaves.
Fort de cette découverte, les enquêteurs de Neufchâteau n’auront aucun mal à faire le rapprochement avec des informations qui se trouvaient antérieurement dans leur dossier. A savoir la dénonciation par les autorités slovaques d’un viol commis le 4 juin 1995 dans les environs de Topolcany, une région souvent fréquentée par Marc Dutroux. Méthodiquement, ils recenseront tous les objets apparents sur les images. Ceux-ci apparaissent sur d’autres films de Dutroux et la même cassette recèle d’autres séquences qui montre la maison de Marcinelle. Bref, après ce travail, ce Dutroux est complètement confondu. Il a beau nier le viol d’Henrietta P. : les preuves rassemblées l’accablent.
Tout cela serait fort bien si cette enquête impeccable n’avait pas été faite avec près de quatre années de retard ! En effet, la cassette dont il est ici question avait été saisie… le 13 décembre 1995 lors des perquisitions de René Michaux et consorts à Marcinelle. Vous vous souvenez ? C’était l’époque de l’opération Othello, celle où l’ex-gendarmerie travaillait en secret sur Marc Dutroux et son implication éventuelle dans l’enlèvement de Julie et Melissa. Quoi ? Michaux a saisi une cassette avec des images de viol et il ne s’en est pas rendu compte? Et bien oui, puisque, dit-il, ses supérieurs lui ont intimé l’ordre de ne pas regarder les cassettes saisies chez Dutroux. Qui a alors regardé cette cassette en 1995? Des membres d’un service spécialisé de la gendarmerie à Bruxelles. Ah bon ? Et il n’on rien vu ? Et bien oui, diront les pandores de ce service. Cette cassette sera déposée le 23 mars 1996, au greffe du tribunal correctionnel de Charleroi. Le 28 août 1996, après l’arrestation de Dutroux, elle sera transférée au parquet de Neufchâteau mais plutôt que d’être déposée au greffe chestrolais, elle prendra illico la direction des locaux de la BSR de Bastogne.
On ne parlera plus de cette pièce à conviction jusqu’en janvier 1999. C’est à ce moment qu’elle est déposée officiellement au greffe de Neufchâteau. Un mois plus tard, le gendarme Barthelemy la regardera et, surprise, voilà donc que l’on découvrira –enfin!- le viol de Melle Palusova.
Je ne peux m’empêcher de terminer par une petite considération sur l’ex-BCR de la gendarmerie. Car lui aussi est intervenu dans le parcours chaotique des cassettes, dont celle contenant les images du viol. Le 15 décembre 1995, le sous-lieutenant Remue, de la «Cellule Disparition», avait donné l’ordre de copier tous les films saisis chez Dutroux, deux jours plus tôt. Mais, finalement, cela n’aurait pas été fait. Ah bon ?
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