Rumeurs et réglements de compte à la police fédérale (18/09/2008)
SYLVIE RICOUR ET ANJA SAVONET DENONCENT LA JALOUSIE ET LES PREJUGES SEXISTES
- Dossier évoqué sur le plateau de l'Info Confidentielle Paris Match (RTL/TVI) le 14 septembre 2008 et dans l'hebdomadaire Paris Match (Belgique), le 18 septembre 2008 -
Sylvie Ricour et Anja Savonet n’acceptent plus d’être l’objet des rumeurs calomnieuses et complètement déplacées qui sont nées il y a un an déjà, après qu’elles aient chacune été « commissionnées » pour travailler dans l’immédiat entourage du patron de la Police fédérale, Fernand Koekelberg. Cette polémique, on le sait, a déclenché une enquête du Comité P et la suspension provisoire des deux secrétaires, tandis que certains médias n’ont pas hésité à évoquer des « promotions canapé ». Blessées, ces femmes témoignent pour la première fois : « Cela fait plusieurs mois qu’on est dans la tourmente. Telles des criminelles, on nous a interrogées pendant des heures. Maintenant, cela suffit ! On veut retrouver notre travail, car il n’y a absolument rien à nous reprocher. A travers nous, c’est Fernand Koekelberg, notre patron, un homme parfaitement droit, qui est visé. Dans cette affaire, il y a de la jalousie, des préjugés sexistes et beaucoup de médiocrité ! » Des larmes aussi. Ne pouvant être contenues. Celles qui viennent aux yeux de Mmes Ricour et Savonet lorsqu’elles songent à leurs équilibres familiaux et personnels fortement perturbés. Cette épreuve ne restera pas sans suite.
Anja Savonet a les yeux rouges lorsqu’elle confie que, depuis des semaines, elle ne dort plus. Sauf, bien sûr, si elle prend des somnifères. Jusqu’il y a peu, c’était pire encore. Anja n’avait même plus la force de sortir de chez elle. Trop fragilisée qu’elle était par des accusations qu’elle ne parvenait pas à digérer. D’expression néerlandophone mais parfaitement bilingue, cette femme travaillait, jusqu’en juillet dernier, dans l’équipe rapprochée – on pourrait dire aussi le « cabinet » ou la « cellule stratégique » – du grand patron de la Police fédérale, Fernand Koekelberg. Elle en a été provisoirement écartée à la suite d’une campagne de presse menée, principalement, au nord du pays.
Il s’est en effet trouvé des plumes dans notre bonne presse démocratique pour suggérer lourdement que cette femme « couchait » et qu’elle « intriguait », telle une espèce de Mata-Hari des faubourgs de Bruxelles… Pas la moindre preuve de ces allégations, mais le poison a suffi. La récente nomination d’Anja au sein du Commissariat général a été mise entre parenthèses et son patron a été éclaboussé.
Aujourd’hui, Anja est assise devant nous dans un établissement du haut de la ville à Bruxelles. Elle est venue au rendez-vous que nous lui avons fixé mais, pour elle, c’est déjà le maximum. Pas encore la force de témoigner. Elle nous dit que c’est son amie, assise à côté d’elle, qui va tout nous raconter. Son amie, c’est Sylvie Ricour, une autre collaboratrice directe de Fernand Koekelberg. Une « écartée », elle aussi. En juillet également. Après la même campagne de presse nauséabonde. Blonde et belle, bien sûr. Bref, une coupable idéale pour certains moustachus aux préjugés sexistes. Mais bon sang, c’est sûr, si elle a connu un bel avancement il y a un an, ce ne pouvait être qu’une « promotion canapé »…
Paris Match Belgique. Sylvie Ricour, vous êtes donc l’une de ces « sorcières » que certains aimeraient voir brûler en place publique ?
Sylvie Ricour. Je sens bien l’ironie qu’il y a dans votre question mais, personnellement, je n’ai pas envie de rire. De fait, je suis l’une des personnes qui a été montrée du doigt dans
certains médias. Et si j’ai décidé de parler, en mon nom mais aussi en celui d’Anja, c’est que je n’en peux plus. J’en ai assez des rumeurs et des mensonges.
A propos de votre privée ?
Ecoutez, ma vie privée ne devrait regarder que moi. Mais la rumeur a décidément une force incroyable. Je me vois contrainte de dire, de crier pour qu’on l’entende, que je suis une femme mariée et heureuse de l’être depuis près de vingt ans ; que je suis aussi la maman comblée de deux enfants. Je n’ai jamais eu la « relation privilégiée » que certains médias m’ont prêtée avec le patron de la Police fédérale. J’aime mon mari et je suis stupéfaite de constater que la presse puisse se faire le réceptacle de telles affirmations gratuites, d’allégations mensongères qui sont de nature à détruire l’équilibre familial et professionnel d’une personne. Je trouve cela aussi stupide que cruel. Et j’en souffre moins pour moi que pour ma famille. En fait, je ne supporte pas les dégâts collatéraux que tout cela a produit sur mes proches. Mes deux enfants ont rencontré des difficultés inédites dans leur scolarité. Sur son lieu de travail, mon mari s’est parfois senti toisé par certaines personnes. Mes parents sont aux abois… C’est d’autant plus injuste que, depuis neuf ans maintenant, j’ai énormément investi dans mon travail au service de l’Etat. Comme ma collègue Anja, je n’ai jamais compté mes heures, délaissant parfois ma famille pour mener à bien ma tâche. J’ai toujours été loyale avec les différents ministres pour lesquels j’ai travaillé. Désormais, je me sens trahie. Ecœurée.
Dans quelles circonstances avez-vous rejoint la Police fédérale ?
En 1999, j’ai été recrutée par le cabinet du ministre de l’Intérieur, Antoine Duquesne. Contrairement à un mensonge médiatique, je disposais d’un diplôme de secrétaire de direction et j’avais déjà une expérience de plusieurs années dans le secteur privé. A l’époque, le ministre de l’Intérieur constituait une cellule pilote pour préparer la réforme des polices. C’est là que j’ai rencontré Anja qui, auparavant travaillait pour le SGAP (Service général d’appui policier). Dans ce groupe, il y avait des représentants des différentes polices de l’époque : Fernand Koekelberg (gendarmerie), Jean-Marie Van Branteghem (police communale) et Bernard Ista (P.j.), qui deviendra ensuite le chef de cabinet de Louis Michel. Jusqu’en 2001, nous sommes restées au cabinet Duquesne. Ensuite, ce ministre a créé le « SAT Intérieur ».
En d’autres termes ?
Le secrétariat administratif et technique du ministre de l’Intérieur. Un service identique existe au ministère de la Défense et on vient d’en créer un, récemment, à la Justice. Le SAT
a quitté le cabinet et son directeur a été désigné : c’était Fernand Koekelberg. Toute l’équipe a suivi le mouvement. En termes de statuts, nous dépendions désormais de la Police fédérale. Nous avons continué à travailler avec la même intensité. Anja et moi restions des civiles,
ce qu’on appelle des « Calog » à la Police fédérale. Nous étions chargées de l’organisation du service, du secrétariat de différentes commissions. On peut dire qu’on a participé de près à la naissance de la police intégrée.
Le 1er mars 2007, Fernand Koekelberg est nommé commissaire général de la Police fédérale. Une date clé ?
Certainement. Et à la fin avril de cette année-là, un arrêté signé par le ministre de l’Intérieur nous « commissionne », Anja et moi, au Commissariat général.
Vous « commissionne » ?
Oui, ce n’est pas une nomination. C’est un « commissionnement », une affectation à titre précaire parce que la hiérarchie estime que vous êtes la personne la plus apte à pouvoir immédiatement occuper une fonction. Officiellement, nous devions commencer le 1er septembre 2007, date à laquelle entrait en vigueur le nouveau statut du personnel civil.
C’est ce « commissionnement » qui a été dénoncé dans une lettre anonyme au Comité P en août 2007 et qui a ensuite fait l’objet de plusieurs campagnes de presse ?
Oui, et je ne comprends vraiment pas pourquoi. Depuis la réforme intervenue au printemps 2007, le commissaire général dispose de l’opportunité de s’entourer de conseillers de son choix. Il désigne ainsi des personnes qui peuvent lui donner des conseils stratégiques et constituent une sorte de « cabinet ». Il n’y a pas de critère de diplôme, d’âge, de langue. Et même pas de sexe ou de couleur de cheveux ! C’est laissé à la discrétion du patron. Fernand Koekelberg a fait une proposition qui semblait parfaitement légale pour tout le monde. Après qu’il eut consulté un juriste à la Police fédérale, après aussi que le ministre Dewael eut demandé un avis motivé au patron des ressources humaines de la Police fédérale, Alain Duchatelet. Au bout d’un an d’investigations, le Comité P dit qu’il y a eu une erreur quelque part dans l’interprétation de la loi et des statuts. C’est possible, mais si tel est vraiment le cas, elle a été commise collectivement et de bonne foi. C’est alors un débat compliqué, pour des juristes, mais rien d’autre. Certainement pas une « affaire Koekelberg » !
Etiez-vous demandeuse de cette promotion ?
Pas du tout. Et Anja non plus. C’est juste la résultante logique d’un parcours professionnel commun. Alors qu’il était déjà désigné à la tête de la Police fédérale, le ministre de l’Intérieur a demandé à M. Koekelberg d’encore conserver temporairement la fonction de directeur général du S.a.t., de rester son conseiller technique. Anja et moi demeurions donc ses collaboratrices directes, des personnes de confiance. Tous les grands patrons soumis à de fortes pressions s’entourent de collaborateurs expérimentés et loyaux. Il n’y a rien d’extraordinaire à cela. Petit à petit, on a aussi assuré le suivi de ses dossiers de commissaire général. En avril 2007, on était en fin de législature et le ministre Dewael a annoncé à M. Koekelberg qu’il estimait qu’Anja et moi devions recevoir une amélioration de traitement, vu le travail fourni depuis de nombreuses années. Nous avions travaillé dans des dossiers importants pour ce ministre. En ce qui me concerne, j’ai notamment suivi le dossier
de Ghislenghien. Je l’ai croisé aussi dans l’élaboration de textes pour la restructuration de la
Police fédérale…
Ce soutien du ministre était une bonne nouvelle…
Oui, bien entendu. Et, de son côté, M. Koekelberg voulait garder son équipe dans ses nouvelles fonctions de commissaire général. Il nous a donc annoncé qu’il ferait étudier notre changement d’affectation par le service juridique de la Police fédérale. Il voulait qu’on soit désignées parmi ses conseillers sans que nous y perdions financièrement. En passant au commissariat général, on perdait en effet une allocation et des frais de détachement que nous percevions au S.a.t., soit l’équivalent d’environ 250 euros.
Les juristes ont donc étudié la situation…
Et, fin mai, on a appris que le ministre avait signé les arrêtés de « commissionnement » qu’ils avaient rédigés. Par rapport au S.a.t., on allait recevoir une augmentation d’environ 300 euros net par mois. C’était appréciable. On était très contentes, mais cela n’a rien à voir avec les 1 000 euros d’augmentation évoqués dans la presse. Si vous voulez constater de telles augmentations, il faut chercher dans un autre arrêté évoqué ces jours-ci (N.d.l.r. : Mme Ricour évoque certainement, mais sans le dire, un arrêté signé par le ministre Dewael et qui concerne notamment la promotion barémique de l’une de ses anciennes collaboratrices à l’Inspection générale). J’ajouterai que les syndicats ont vu les arrêtés prévoyant le commissionnement de ma collègue et de moi-même avant qu’ils prennent effet et qu’il n’y a eu aucune contestation. Ils savent très bien comment on s’investit dans notre travail.
Oh là ! Vous n’oubliez pas une étape ? On a écrit dans la presse qu’il y avait eu un rapport négatif d’un juriste de la police à propos de votre « commissionnement ».
Il n’y a eu aucun rapport négatif.
Mais on a même parlé d’une « douce contrainte » de Fernand Koekelberg sur le juriste afin qu’il change son rapport…
C’est vraiment n’importe quoi. La presse a mélangé des informations relevant de trois dossiers distincts qui sont l’objet d’investigations du Comité P.
Mais encore ?
Primo, il y a notre dossier. Soit les arrêtés concernant Anja Savonet et moi-même. Secundo, un dossier qui porte sur ce qu’on a appelé « l’arrêté inspection ». Il concerne plusieurs personnes qui ont été nommées à un grade supérieur. C’est dans ce dossier-là qu’on trouve un rapport négatif d’un juriste. Mais je ne suis pas concernée. Je ne ferai donc pas d’autre commentaire.
Et c’est donc dans ce dossier-là que Koekelberg est intervenu par sa « douce contrainte » ?
Alors là, pas du tout ! Pour la bonne et simple raison qu’il n’est pas concerné par ces nominations à l’Inspection générale. Il est totalement étranger aux décisions prises dans ce dossier.
Par conséquent, cette histoire de « douce contrainte », c’est vraiment du vent !
A moins de considérer que le commissaire général a fait pression sur un juriste pour qu’il modifie un rapport qui n’avait jamais été écrit. Dans un épisode de « X-Files », cela pourrait peut-être tenir la route…
Il y a donc un troisième dossier au Comité P ?
Oui, il porte sur la gestion de son service par Mme C., la porte-parole de la Police fédérale, sur les motifs pour lesquels elle a été écartée de sa fonction par Fernand Koekelberg.
On dit qu’il y a derrière cet écartement une histoire de deux femmes de tête qui voulaient la peau l’une de l’autre… En fait, elle et vous, c’était la guerre, non ?
Si vous voulez relayer cette autre rumeur selon laquelle j’aurais obtenu la tête de la porte-parole par mes « bonnes relations » avec le chef de la Police fédérale…
Quoi, c’est faux ?
Non seulement c’est faux, mais c’est aussi abject de suggérer de pareilles choses dans les médias. Je ne suis pour rien dans cet écartement et je n’ai d’ailleurs aucun commentaire à faire sur le travail de cette personne (lire l’encadré).
Finalement, que reste-il ?
En termes de charges ? Rien, ou pas grand-chose. Nous avons été « commissionnées » et, au bout d’un an, le Comité P a estimé qu’il y avait une faille dans le dispositif juridique de l’arrêté de nomination. On peut d’ailleurs se demander si c’est son rôle de constater cela, si ce n’est pas plutôt le travail d’une juridiction administrative comme le Conseil d’Etat. Au passage, je vous précise d’ailleurs que dans la fonction publique, au niveau fédéral, il y a 70 agents « commissionnés » comme nous l’avons été…
Cette affaire laissera des traces ?
C’est évident. Anja et moi avons été traitées comme des criminelles. Près d’un an après la
lettre anonyme qui dénonçait notre commissionnement, le Comité P s’est décidé à entendre ma collègue. Pendant plus de trois heures. Moi, j’ai eu droit à cinq heures et quarante minutes d’interrogatoire. On nous a fait prêter serment et on n’a pas pu recevoir copie de notre audition (N.d.l.r. : renseignement pris auprès de juristes, ceci pourrait être constitutif d’un vice de procédure). Pendant l’interrogatoire, je n’avais même pas le droit d’aller seule aux toilettes. J’ai eu le sentiment qu’on voulait m’intimider. J’ai eu droit à trois interrogateurs successifs. Ils ont suggéré que j’avais triché dans un examen de staturisation en 2002, alors que c’était un examen à livre ouvert pour tous les agents qui y participaient ! On m’a dit que, dans ma déclaration fiscale, je faisais état d’un véhicule comportant huit chevaux moteurs au lieu de dix… Je tombais des nues. C’est à peine si je sais où se trouve la roue de secours de mon véhicule ! Après de telles auditions, Anja et moi, on ne savait plus comment on s’appelait. Le médecin du travail nous a dit de nous mettre en congé de maladie. D’oublier…
Et c’est possible ?
Mais non ! Cela fait plusieurs mois qu’on est dans la tourmente. Maintenant, cela suffit ! On veut retrouver notre travail, car il n’y a absolument rien à nous reprocher. A travers nous, c’est Fernand Koekelberg, notre patron, un homme parfaitement droit, qui est visé. Dans cette affaire, il y a de la jalousie, des préjugés sexistes et beaucoup de médiocrité. Aux yeux de certains, à la police fédérale, on représente un changement qui n’a pas été accepté par tous. On a participé de près à une réforme qui a suivi les dysfonctionnements de l’« affaire Dutroux » et certains nous ont pris en grippe rien que pour cela. Par exemple, un membre du Comité P qui est actif dans l’enquête actuelle n’hésite pas à nous appeler « Julie et Melissa » quand il parle d’Anja et moi. Vous savez, certains regrettent encore la gendarmerie de jadis… Comme les dinosaures, ils disparaîtront.
Que pourrait-il encore vous arriver s’il n’y a rien dans le dossier à votre charge ?
Qu’il n’y ait rien dans le dossier ne suffit pas. D’après ce qu’on a cru comprendre, Anja et moi, on va tout de même payer les frais de tout cela. Je viens d’apprendre que l’arrêté qui nous commissionnait va être purement et simplement annulé… On continuerait en définitive à travailler au Commissariat général parce que c’est vraiment le souhait du patron, qui nous considère comme une partie de sa « mémoire ». Mais on le fera au niveau C. On n’aura donc plus l’allocation de cabinet et la prime de détachement qu’on avait précédemment au S.a.t. La
morale de l’histoire, en tout cas pour le moment, c’est qu’on est venu nous chercher pour notre dévouement et nos compétences. Et qu’en termes de valorisation de ces qualités reconnues par notre patron, on va perdre plusieurs centaines d’euros par mois. Il n’y a que pour le personnel civil de la Police fédérale que l’on prend de telles décisions.
Deux jolies femmes blondes
Cette « affaire » a commencé – comme c’est étonnant ! – par une courageuse lettre anonyme envoyée à la mi-août 2007 au Comité P. D’expression néerlandophone, le corbeau se présentait tel un civil travaillant pour la Police fédérale et dénonçait le caractère non réglementaire des promotions d’Anja Savonet et de Sylvie Ricour. Le mystérieux correspondant soulignait que ces deux secrétaires de niveau C allaient – de par la seule volonté de Fernand Koekelberg, le frais émoulu big boss de la Police fédérale – passer à des fonctions de niveau A41. En d’autres termes, qu’elles allaient faire un bon spectaculaire tant en termes d’avancement que de salaire.
Dans les mois qui ont suivi, au fil de diverses « révélations » médiatiques, le dossier s’est chargé de quelques rumeurs permettant de lui donner un sens facile à comprendre pour tout Belge en âge de voter et ne disposant pas obligatoirement d’un diplôme de l’enseignement primaire. En bref, c’était devenu l’histoire de deux blondes qui avaient su coucher pour obtenir une promotion. Avec, bien entendu, la mise à jour d’« éléments de contexte » censés cautionner le sérieux de cette thèse : Ricour et Savonet auraient été promues malgré un avis défavorable du service juridique de la Police fédérale ; l’une des deux – soit Mme Ricour –, pouvant tout obtenir de son amant, aurait été à l’origine de la mise à l’écart de l’emblématique Els Cleemput, la porte-parole de l’institution depuis douze ans ; les deux secrétaires promues ne disposeraient que de diplômes de l’enseignement inférieur alors qu’elle accédaient à des fonctions réservées à des universitaires ; grâce à ces promotions, elles auraient bénéficié d’une augmentation de salaire immédiate de quelque 1 000 euros par mois.
Comme on le découvre dans l’entretien ci-contre, tout ces « éléments de contexte » s’envolent en fumée. Mais il fallait bien que ces rumeurs nauséabondes soient d’abord distillées tel un venin pour que l’affaire des secrétaires devienne l’« affaire Fernand Koekelberg », qui sera d’ailleurs lui-même l’objet de fausses accusations lorsqu’il sera dit par certains médias qu’il était dans le collimateur du Comité P pour plusieurs autres nominations litigieuses à l’Inspection générale. Le 9 juillet dernier, en attendant le résultat de l’enquête en cours, Mmes Savonet et Ricour étaient provisoirement écartées de leur fonction par le patron de la Police fédérale. Il s’avère aujourd’hui qu’elle conserveront sans doute leurs fonctions avec une forte perte sur le plan financier par rapport à leur place précédentes. Drôle de récompense pour des agents de l’Etat qui ne demandaient rien et qu’on est venu chercher en louant leurs compétences. En Flandre, ce « scandale » qui fleure bon les années 30 a été essentiellement dénoncé par un mouvement populiste et flamingant qui rappelle ces années noires qui ont mis les démocraties européennes en péril : la Liste Dedecker. Il est plus regrettable encore de devoir constater que dans la société belge du XXIe siècle, l’imaginaire de beaucoup d’hommes – et même de femmes – se nourrit de clichés sexistes tels, par exemple, celui qui consiste à croire qu’une belle femme, blonde de surcroît, ne peut connaître de promotion professionnelle avantageuse que par la voie de l’oreiller.
Le « troisième » dossier qui expliquerait la tornade médiatico-politique ?
Le troisième dossier, c’est celui qui concerne Els Cleemput, la porte-parole écartée de ses fonctions par le commissaire général, Fernand Koekelberg. A notre connaissance, cette décision d’écartement a été prise par le commissaire général en consensus avec ses directeurs généraux. Elle est formellement contestée par le Comité P : des vices de procédure qui pourraient être constitutifs d’atteintes aux droits de la défense de Mme Cleemput ont été constatés. Sur le fond, la polémique est difficile à démêler : est-ce Mme Cleemput qui voulait la peau de Mme Ricour ou est-ce l’inverse ? Dans l’enquête du Comité P, on trouve des déclarations qui accusent l’ex-porte-parole d’avoir conseillé à des équipes de télé de prendre des images de Mme Ricour parce que cela allait servir… Sylvie Ricour se contente d’hypothèses en ne formulant aucune accusation directe : « Dans mes nouvelles fonctions, je suis responsable de l’image du Commissariat général et elle a peut-être eu l’impression que j’empiétais sur son territoire. Il faut dire qu’elle avait été “Mme Gendarmerie” puis “Mme Police” pendant des années, et voilà que d’autres femmes arrivaient à des postes clés. Elle devait désormais me signaler les demandes d’interview, me donner les textes des conférences de presse. Je devais donner un avis au commissaire général. Alors qu’avec le précédent « boss », elle avait plus de latitude. Je remarque aussi que la dernière campagne de presse qui a conduit à notre écartement provisoire, en juillet dernier, est survenue quelques jours à peine après son écartement à elle. C’est peut-être un hasard, mais je ne peux m’empêcher de me poser des questions… »