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Affaire Nathalie et Stacy : Ait Out, "le joueur d'échecs" (06/07/2006)

Stacy Lemmens et Nathalie Mahy

Stacy Lemmens et Nathalie Mahy

Une enquête publiée dans l'hebdomadaire belge "Ciné-Télé Revue", le 6 juillet 2006

Sur les pas du suspect n°1

«Pour moi, Abdallah était parfait. Je n’aurais pas vécu avec cet homme pendant six mois si il avait été violent ou méchant avec moi». Si l’on en croit cette seule et brève déclaration qu’accepte de nous faire son ancienne petite amie – Christelle, serveuse occasionnelle au Café «Les Armuriers», Abdallah Ait Out était un amant charmant et attentionné. Pourtant, c’est le même personnage qui est aujourd’hui – et pour de bonnes raisons- le suspect numéro 1 dans le cadre de l’enquête de l’assassinat de Stacy et de Nathalie (Ndlr : Au moment de boucler cet article, les résultats des analyse d’ADN pouvant confondre leur bourreau n’étaient pas encore connus).Docteur Jeckyl et Mister Hyde ? Qui est vraiment ce délinquant récidiviste que tout accuse dans l’horrible assassinat des fillettes du quartier Saint-Léonard ?

 

Autant que faire se peut, nous avons suivi sa trace, depuis son enfance jusqu’aujourd’hui. S’il devait s’avérer qu’Abdallah Ait Out est bien le pervers criminel qui a enlevé la vie à deux petites filles, on pourrait sans hésitation l’appeler «le tueur silencieux» : partout où il est passé durant ses dernières décennies, et il a beaucoup déménagé, le violeur n’a soit laissé aucun souvenir à ses voisins ou alors, le plus souvent, il a laissé l’empreinte d’un homme réputé calme, discret, voire même serviable. Si la culpabilité de l’intéressé devait être confirmée, son aspect très «normal» et son étonnante capacité à cacher sa perversité seraient des éléments de nature à faire froid dans le dos. Il se confirmerait alors qu’Abdallah Ait Out est bel et bien un psychopathe doué d’une intelligence et de facultés d’adaptation redoutables. «C’est en effet un grand stratège, on pourrait aussi le surnommer le «joueur d’échecs», nous dit d’ailleurs l’un des médecins qui a eu à connaître l’inculpé.

 

D’origine marocaine, le suspect principal dans le dossier Nathalie et Stacy est né à La Hestre le 23 juillet 1967. A l’époque, ses parents sont domiciliés à Anderlues. Dans cette famille, il y a huit frères et sœurs et Abdallah est l’un des plus jeunes. Il est à peine âgé de deux ans lorsque son père décide de s’installer en région liégeoise, rue Mathieu de Lexhy à Grâce-Hollogne. Cinq ans plus tard, la famille déménage de nouveau pour élire domicile dans une maison située dans une impasse, à proximité immédiate de la Place de l’Eglise à Grâce-Hollogne. C’est à cet endroit qu’Abdahlah Ait Out passe l’essentiel de son enfance, soit jusqu’à ses 17 ans. Vu les faits dont il est actuellement suspecté mais aussi en raison de ses antécédents judiciaires, on se prendrait facilement à fantasmer sur un milieu familial difficile. Ainsi, on verrait bien grandir le meurtrier présumé de Nathalie et Stacy dans un environnement rappelant celui dépeint par Ettore Scola dans son inoubliable «Affreux, sales et méchants»… Mais rien de tout cela.

 

Dans les environs d’Engis, nous avons retrouvé Marianne Collin, une dame qui a connu les Ait Out à l’époque : «Les souvenirs dont je vous parle datent d’un temps où je devais avoir 13 ou 14 ans. Je me rappelle assez bien de cette famille marocaine qui habitait dans l’impasse Braibant. J’ai joué avec l’une des sœurs aînées d’Abdallah… Les Ait Out étaient des gens sans histoire, polis mais très discrets. Les gosses semblaient bien élevés. Ils ne se signalaient pas par des dégradations ou des chapardages. Au contraire, ils étaient fort calmes et il semblaient très curieux de tout». Le père de ce témoin vit encore place de l’Eglise et il ne se souvient pas du tout des Ait Out qui habitaient à moins de cinquante mètres de chez lui. C’est une information en soi… «Il n’est pas nécessaire qu’une famille dysfonctionne pour produire des psychopathes», décode un expert psychiatre qui travaille régulièrement pour les tribunaux belges. «Des gens qui sont atteints d’un tel handicap aux relations sociales et qui n’ont pas le moindre sens moral, on en trouve dans tous les milieux sociaux et dans toutes les configurations familiales. Mais on peut aussi faire le raisonnement inverse : des gens biens, doués d’altruisme, de bonté et de générosité, on les trouve aussi dans tous les milieux, même ceux qui sont qualifiés de difficile».

 

«Je reste persuadé de l’innocence de mon frère»

 

Il n’empêche qu’une enfance à la Oliver Twist aurait pu être, sinon une justification ou une cause d’excuse, à tous le moins un début de circonstances atténuantes pour le suspect Ait Out. Mais à en croire le propre frère de l’intéressé qui nous a reçu brièvement devant son domicile dans les environs d’Ans, les avocats d’Abdallah ne pourront même pas plaider en ce sens lors d’un prochain procès d’Assises que certaines sources proches de l’enquête judiciaire actuelle jugent déjà inéluctable. «Tant que les résultats des analyses ADN n’ont pas parlé, je reste persuadé de l’innocence de mon frère», nous dit Mohamed Ait Out avant de nous préciser qu’il ne voit pas trace d’un quelconque évènement dans l’enfance d’Abdallah qui aurait pu le faire disjoncter. Ce serait donc l’histoire d’un type qui n’a pas souffert et qui a fait souffrir…

 

Quelques semaines avant ses 18 ans, le 2 juillet 1985, Adallah Ait Out décide de quitter le nid familial. Une expérience de très courte durée. Cinq mois seulement pendant lesquels, il va vivre rue Grande à Grâce-Hollogne. Dès le 11 décembre 1985, il s’installe officiellement chez son frère aîné Mohamed. Ce dernier a 15 ans de plus que lui et il habite une zone résidentielle assez chique du côté d’Ans (région liégeoise). Aujourd’hui encore, le grand frère demeure dans cette belle maison bourgeoise qui est protégée par un système de caméras. Lorsque nous sonnons à sa porte, le chien aboie longtemps avant que Mohamed nous ouvre enfin. Cet homme aux cheveux grisonnants a un regard qui nous rappelle celui de son frère mais ce qui frappe le plus c’est son air terriblement accablé; Mohamed Ait Out semble porter tout le poids de la terre sur ses épaules : «Avec toute cette histoire, j’ai arrêté le boulot. J’ai fait coupé le téléphone.Je reste chez moi et j’essaye d’encaisser le coup mais c’est très difficile.». On l’a déjà mentionné plus haut, Mohamed veut continuer à croire que son frère est innocent : «Je ne peux pas imaginer que c’est lui».

 

Lorsque nous lui rappelons qu’Abdallah tire tout de même derrière lui un encombrant passé judiciaire, Mohamed tente maladroitement de relativiser les crimes passés du petit frère : «On m’a parlé des déclarations de Nadia dans Ciné-Télé Revue. Elle a exagéré». Exagéré ? Dans notre édition de la semaine dernière, Nadia E., la nièce d’Abdalah Ait Out témoignait pour la première fois des sévices sexuels dont elle a du souffrir dès l’âge de 6 ans et jusqu’à ses 12-13ans. L’auteur des faits, son oncle Abdallah, profitait des périodes où il était hébergé chez sa sœur pour aller se glisser, la nuit, dans son lit. Aujourd’hui encore, Nadia n’est pas remise de ces années d’abus sexuels répétés et elle a notamment ces phrases qui en disent long sur son état psychologique : «Impossible d’aller dormir sans penser à ce qui s’est passé pendant si longtemps. Je suis foutue à cause de cela. En apparence, je suis encore en vie mais en réalité ce salop m’a tué… Je pourrais aussi formuler cela autrement : il aurait mieux fait de me tuer que de me laisser avec ce poids là !» Exagéré ? Abdallah Ait Out a été condamné à 5 ans de prison en 1994 pour les faits dont il s’est rendu coupable à l’encontre de sa nièce et aucun avocat de ce pervers sexuel n’a jamais crié à l’erreur judiciaire…

 

Dans le même veine, Mohamed nous lance aussi cette petite phrase sur le deuxième fait qui a valu a Abdallah d’être arrêté en 2001 : «Mon frère a agit sous l’effet de la drogue. La jeune fille de Flémalle avait 14 ans mais par la suite on l’a vue et elle en faisait au moins 19 !» Rappelons ici la véritable teneur des faits évoqués par Mohamed. Ce soir de printemps 2001, il n’était pas question de drogue. Abdallah avait été interpellé par des connaissances dans un débit de boissons. Celles-ci l’avaient raillé sur le fait qu’il avait été condamné pour des faits de pédophilie. Très énervé, Abdallah avait d’abord voulu en découdre avant d’en être dissuadé par certains de ses copains. Il avait alors pris sa voiture et voyant une jeune fille sur sa route, il l’avait agressé à coup de pierres avant de la violer. Il laissait ensuite sa victime dénudée et anéantie dans une petite rue, près du Croteux à Grâce-Hollogne (ndlr : Nous sommes allés sur place : c’est à trois cent mètres à vol d’oiseau de l’endroit où Julie et Melissa ont été enlevées en juin 1995). Cette gamine de 14 ans avait ensuite été recueillie par des habitants du lieu. On voit mal en quoi l’argument selon lequel la victime de Flémalle aurait eu l’allure d’une «fille de 19 ans» serait une quelconque cause d’excuse…

 

A moins, bien entendu, d’épouser la logique de psychopathe de l’auteur des faits. Comme l’a révélé le journal télévisé de RTL-TVI, Abdallah Ait Out a aussi une tendance à revisiter son passé d’une manière très particulière. Interrogé le 14 juin 2006, il passe sous silence les années d’abus sexuels infligés à sa nièce évoquant plutôt un fait ponctuel lié à une pulsion incontrôlée qui se serait produite au moment où Nadia E. était déjà adolescente : «Sur le moment, j’avais été pris d’une envie que je n’avais pas pu maîtriser. Je me suis relativement vite rendu compte de ce que je faisais. J’ai arrêté et j’ai quitté la maison où je me trouvais pour garder les enfants de ma sœur. (…) Un pédophile est un individu attiré par les enfants ce que je ne ressens absolument pas en moi. L’attirance que j’ai ressentie envers Nadia était une attirance envers une jeune fille qui était déjà formée et qui selon moi n’était plus à considérer comme un enfant.». Insistons : Nadia a du subir la présence de son oncle dans son lit dès l’âge de 6-7 ans et elle a été abusée pendant plusieurs années… A propos de la jeune fille violée à Flémalle, Abdallah joue aussi sur l’âge de la victime qui «à ses yeux n’était plus une enfant». Un peu comme s’il considérait que violer une personne majeure était un acte «acceptable»… : «En roulant sur une petite route, j’ai croisé ou dépassé une jeune fille qui promenait un chien. Je me suis arrêté, j’étais toujours en rage. Je ne sais pas ce qui s’est passé dans ma tête mais j’ai embarqué assez violemment la fille dans la voiture et je l’ai violée complètement. Je l’ai fait ensuite sortir de la voiture. Cette jeune fille était mineure, 15 ou 17 ans si mes souvenirs sont bons et de nouveau, comme pour Nadia, elle n’était plus à mes yeux une enfant.»

 

 

Nous aurions aimé confronter le grand frère Mohamed avec la réalité des faits. Mais, visiblement épuisé et las, l’homme ne nous en laisse pas le temps : «Je n’ai pas envie d’en dire plus. J’attends comme tout le monde de voir ce que les expertises scientifiques révéleront». Nous lui proposons de le revoir plus tard, au moment éventuel où des preuves irréfutables apparaîtraient à l’encontre d’Abdallah. L’homme hésite. Finalement il refuse. La porte de la villa d’Ans se ferme. Fin de l’entretien. On peut comprendre cette attitude : la famille d’Abdallah est complètement retournée par ce qui se passe en ce moment. Mais dans le même temps plusieurs questions restent ouvertes laissant la place à des supputations qui ne sont peut-être pas justifiées. Dont celle-ci : le suspect a-t-il toujours été surprotégé par une famille qui en serait devenue myope à son égard ? C’est ce que nous laissait entendre Nadia la semaine dernière : «La pression familiale est devenue insupportable. J’étais la mauvaise. Celle par qui le scandale était arrivé. J’aurais dû la fermer, voilà ce qu’on attendait de moi! Plus personne ne me parlait dans la famille.»

 

 

A 20 ans, Abdallah décroche un emploi de soudeur salarié et il se domicilie chez son grand frère Mohamed et c’est précisément à ce moment que commence sa carrière connue de pervers sexuel : il s’en prend à sa nièce de 7 ans, Nadia E.

 

Nous sommes maintenant en 1987-88. Ait Out fréquente régulièrement un café situé à Flémalle, le «Mont Michel». Sur place, des clients qui l’on bien connu le décrivent comme un «type d’apparence normal». «En tous cas, je n’aurais jamais cru qu’il était pédophile.Je l’ai vu plusieurs fois avec des copines, c’était des filles majeures», précise l’un d’eux. A quoi s’intéressait Ait Out ? «La boxe était sa véritable passion. Il s’entraînait dans un club des environs». Un type violent ? «Il ne fallait pas le provoquer, il était assez soupe au lait. Mais pour autant, ce n’était pas quelqu’un qui cherchait lui-même les problèmes», explique un homme accoudé au bar du Mont Michel. Ses fréquentations ? «Abdallah faisait régulièrement des virées avec plusieurs membres de la famille C.», nous affirme aussi l’un de ses anciens copains entre deux gorgées de Jupiler. (ndlr : Certaines personnes de la famille C. sont bien connues de la justice, à Grâce-Hollogne, dans le cadre de divers petits trafics et de vols. Ces personnes avaient été interrogées dans le cadre de l’enquête sur l’enlèvement de Julie Lejeune et Melissa Russo parce qu’il était apparu qu’elles avaient eu des contacts avec certains suspects dans le dossier Dutroux et consorts. Que le monde est petit…).

 

Transparent, incolore, inodore

 

En novembre 1990, Abdallah se domicile chez un autre de ses frères qui est de deux ans son aîné. Officiellement, Il cohabite aussi à cette époque avec sa sœur et son beau-frère Jamal O. Tout le monde loge dans un petit appartement au rez-de-chaussée situé rue du Geï à Saint-Nicolas. Mme Esposito qui était voisine de palier de cette famille se souvient de «gens très biens» et «toujours prêts à rendre service». Elle n’a jamais eu le moindre problème avec eux. Pas de bruit, pas de cris. Une famille très discrète. En bref R.A.S.! Mais visiblement, Abdallah a la bougeotte et les déménagements succèdent aux déménagements. Toujours dans la même zone géographique. Le 24 janvier 1992, il se domicilie rue Xhavée à Saint-Nicolas comme isolé et, un an plus tard déjà, il revient s’installer à Grâce-Hollogne, rue Jean Volders. Abdallah habite donc officiellement à cette adresse lorsqu’il est arrêté pour avoir violé sa nièce en 1994. Cela a fait du bruit ? Rien du tout! Personne dans la rue, pas même la boulangère qui vend son pain aux habitants du coin depuis des lustres n’a gardé de souvenir du personnage. «Le suspect dans l’affaire Stacy et Nathalie a habité ici ? Première nouvelle», nous dit une dame qui habite depuis des années dans la maison qui fait face au petit bungalow occupé naguère par Abdallah… Le domicile suivant de l’assassin présumé de Nathalie et Stacy est connu : Lantin où il réside pendant 21 mois. Début 1996, lorsqu’il recouvre la liberté, il reste sans domicile fixe – en tous cas officiellement- jusqu'au 4 juillet 2000.

 

C’est à cette date qu’Abdallah Ait Out se rend à l’administration communale pour signaler qu’il réside dans un kot qu’il loue au sein d’une grande maison bourgeoise de la rue Hullos, près du centre-ville de Liège. Les locataires actuels n’ont pas de souvenirs de leur tristement célèbre prédécesseur. «Nous sommes arrivés ici en 2003, à une époque où il n’était déjà plus là. Mais on sait qu’il a habité les lieux parce que du courrier est encore arrivé à son nom. On l’a remis au propriétaire.» Ce dernier n’est guère plus disert : «Il y a quelques jours, j’ai remis le courrier à la police. Nous sommes propriétaires depuis 2003, nous n’avons donc pas connu ce monsieur». Nous rencontrons aussi un voisin direct de l’immeuble où séjournait Abdallah : «J’habite ici depuis trente ans et je connais parfaitement l’immeuble où vous me dites que Ait Out a habité. Mais, personnellement, il ne m’a laissé aucun souvenir». Transparent, incolore, inodore…

 

Dès le 20 avril 2001, Abdallah Ait Out a un nouveau domicile : Route de Glons à Pfaive. Mais cette adresse-là, il ne l’a pas choisie. C’est celle du Centre de défense sociale où il est interné à la suite du viol de la jeune fille de 14 ans sur les hauteurs de Flémalle. S’il se retrouve là, c’est à la suite d’une expertise –elle ne fait paraît-il que deux pages- rédigée par le psychiatre Walter Denis. Ce dernier a déclaré Ait Out irresponsable de ses actes et donc il a échappé à un procès et à un emprisonnement. Des membres du personnel du Pfaive s’en sont confiés dans plusieurs quotidiens : pendant les quatre années qu’il séjourne à Pfaive, Abdallah Ait Out est un patient modèle. Il participe sans difficulté aux activités et se soumet aux traitements que les médecins lui prescrivent. R.A.S. Encore une fois… De plusieurs sources autorisées, il ressort qu’à l’occasion de ces nombreux rapports avec la justice ou avec des psychiatres et autres membres du personnels soignant de Pfaive, Abdallah Ait Out est une personne intelligente qui s’exprime avec cohérence, maniant son argumentation avec beaucoup de logique et même une certaine anticipation par rapport à ce qu’on pourrait lui rétorquer comme contre argument. «C’est en effet un grand stratège, on pourrait le surnommer le «joueur d’échecs. Il essaye toujours d’avoir deux coups d’avance. Il a l’esprit du mal ! Son seul point faible, c’est sa famille. Là, c’est tabou. Il ne veut pas en parler», nous dit d’ailleurs un des médecins qui a eu à connaître l’inculpé.

 

Erreur de diagnostic

 

Lors de son passage à Pfaive, plusieurs médecins et intervenants en arrivent à considérer qu’une grossière erreur de diagnostic est à la base de l’internement d’Abdallah Ait Out. Ce type, ils le jugent responsable de ses actes et ils en tirent comme conclusion que sa place aurait été en prison plutôt que dans un centre de défense sociale. Saisie des faits, la commission de défense sociale réagit dans un premier temps en demandant à l’expert Walter Denis de réexaminer Abdallah. Ce psychiatre confirme son diagnostic. En réaction, les médecins de Pfaive continuent à contester le fait qu’Ait Out puisse être considéré comme un malade irresponsable de ses actes pour lequel ils pourraient être d’une quelconque aide sur un plan thérapeutique.

 

C’est un autre expert, le docteur Pierre Lux, qui est amené à trancher la question. Il examine Abdallah et il estime lui aussi que ce patient ne relève pas de la défense sociale et cela même, note-t-il dans son rapport, «si cela ne veut pas dire que l’intéressé ne représente pas un danger pour la société». Selon nos informations, ce rapport du docteur Pierre Lux ne laisse planer aucun doute sur le fait qu’Abdallah ait est un vrai psychopathe, un homme extrêmement manipulateur. Que ce soit durant ses nombreuses auditions en justice ou devant du personnel médical, il n’a d’ailleurs jamais exprimé le moindre remord quand aux actes criminels qu’il a posé. Il en est totalement incapable. «Son passé le laisse complètement froid, totalement insensible. Il n’a aucune capacité de remise en question par rapport à des faits qu’il ne peut contester avoir commis, la compassion envers ses victimes, même a posteriori, n’existe pas», nous précise une source autorisée au sein de l’enquête actuelle. Et cette même personne de se dire bien consciente qu’il faudra «jouer fin avec cet inculpé qui n’avoue jamais. On a relu le dossier de la petite flémalloise. La victime l’avait reconnue derrière une glace sans teint au milieu d’autres personnes. Mais il continuait à nier en prétendant qu’elle était folle. Il a finalement été confondu par l’ADN et on ne lui a même plus demandé des aveux».

 

Fin décembre 2005, la commission de défense sociale décide de libérer Abdallah Ait Out en considérant que c’est à tort qu’il se trouve à Paifve. Les psychiatres s’accordent généralement aujourd’hui pour estimer que les psychopathes ne peuvent être considérés, comme on le faisait encore il y a trente ans, au titre de «débiles moraux». En d’autres termes, ces personnes ont une structure psychique anormale mais celle-ci ne peut être assimilée à une «maladie mentale» qui pourrait être soignée. «Pour prendre une comparaison», nous précise un psychiatre, «on ne va dire d’un mongole qu’il est malade mais plutôt qu’il souffre d’un handicap. Le psychopathe, c’est aussi un handicapé. Il a un défaut génétique du cerveau, c’est en tous cas ce que pense de plus en plus de gens dans la profession actuellement». Où se trouve la place de ces gens dangereux pour la société ? «Pas en asile psychiatrique ou en centre de défense sociale», nous confirme ce psychiatre. «Ils doivent se trouver en prison parce qu’ils sont responsables de leur actes mais peut-être faudrait-il envisager la création de sections spéciales pour ce type de profil». Puisqu’on ne peut pas soigner ces gens, est-il prudent de libérer ? «On n’a pas encore trouver le moyen de laver leur cerveau. Le temps ne change rien à leur structure psychique», nous dit ce psy…

 

Un type «discret et gentil»

 

Ait Out ne pouvant être redirigé vers un établissement pénitentiaire, vu qu’on ne pouvait le juger une deuxième fois pour les faits de 2001, retrouve donc la liberté à la toute fin de l’année 2005. Il va s’installer dans le quartier Saint-Léonard à Liège où il loue, à partir de février 2006, un petit appartement au dessus d’une épicerie turque. Et c’est le même topo que précédemment. Le garçon qui fait le service dans l’épicerie en témoigne : «Quand on l’a arrêté, je ne pouvais pas croire qu’il avait quelque chose à se reprocher. Il venait souvent faire ses courses ici. C’était un type discret et gentil. Je ne comprends pas». Des jeunes avec lesquels nous entamons une discussion sur la place Bonne Nouvelle, tout près de la rue Saint Léonard se souviennent de lui dans les mêmes termes : «Bien sûr qu’il frimait un peu avec son éternel bonnet noir sur la tête, mais c’était un gars plutôt sympa. Il ne nous a jamais fait de problèmes». Son ancienne copine, Christelle est encore plus radicale : «Pour moi, Abdallah était parfait. Je n’aurais pas vécu avec cet homme pendant six mois si il avait été violent ou méchant avec moi».

 

Rue Vivegnis à deux pas de la voie de chemin de fer où les corps de Nathalie et Stacy ont été retrouvés, nous rencontrons aussi Frédéric Vaessen. Ce jeune homme a bien connu Abdallah Ait Out. Ensemble, ils fréquentaient un groupe musical où ils jouaient du djembé. La vertu de ce témoignage est surtout de confirmer le fait que le suspect principal dans cette affaire connaissait bien les rues proches du lieu de dissimulation des cadavres des victimes. Pour le reste, le récit de Frédéric nous renvoie à ce que nous avons entendu à de très nombreuses reprises aux cours des enquête sur les pas d’Abdallah Ait Out : «Il se faisait appeler Abdel. Je ne connaissais pas son vrai passé judiciaire. Il m’avait dit qu’il avait eu des ennuis avec la justice pour des faits de vol et de drogue. Dans notre groupe, il s’est directement mis en valeur parce qu’il avait beaucoup de talent. C’était un excellent joueur de Djembé. Il avait le rythme dans la peau. On a sympathisé. Il est venu chez moi, rue Vivignis. Jamais il n’a fait allusion à des enfants ou à des goûts sexuels bizarres. C’était un gars qui paraissait tout à fait normal et je dirais même qu’il avait un sens certain de l’humour. Pendant les répétitions -deux fois par semaine, où il arrivait toujours à l’heure- on blaguait pas mal. Il avait de la répartie et on s’est tapé de nombreux fou rire. Je n’y a pas cru quand on l’a arrêté mais quand on voit les éléments qui s’accumulent contre lui, je me pose comme tout le monde beaucoup de questions».

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