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Cela se passe (trop près) de chez eux...(24 juin 2010)

UNE BUVETTE, ÇA TROMPE ÉNORMÉMENT

 

- Enquête évoquée sur le plateau de "L'info confidentielle Paris Match" sur RTL-TVI, le dimanche  20 juin 2010 et publiée dans l'hebdomadaire "Paris Match" (Belgique), le 24  juin 2010 -

 

michel-buvette.JPGPour la justice, il n'y a rien d'illégal dans ce qui est infligé aux Van Tassel depuis plus de quinze ans : un tribunal a récemment donné raison à la commune de Silly, qui leur impose la présence d'un débit de boisson dans un local mitoyen de leur domicile. En s'installant dans j une zone rurale, cette famille espérait trouver le calme et la sérénité. On leur rétorque qu'ils n'ont qu’à supporter le bruit d'une buvette, ouverte six jours sur sept pendant la saison de balle pelote, parce qu'ils ont choisi de vivre sur une place publique. Les images qu'on a pu découvrir dimanche dernier dans «L'Info confidentielle Pans Match» démontrent que les plaignants seraient encore de «meilleurs citoyens», respectueux du plaisir des autres, s'ils pouvaient être sourds !

 

Souvenez-vous de Jean Rochefort. Claude Brasseur, Victor Lanoux et Guy Bedos – autrement dénommés Etienne, Bouly, Daniel et Simon - dans le mythique «Un éléphant, ça trompe énormément» d'Yves Robert. Ou les déboires comiques de quatre quadragénaires pleins d’enthousiasme, mais déjà un peu sur le retour. Un jour, l'un de ceux-là propose un plan d'enfer à ses amis. Il a trouvé une magnifique maison de campagne près de Paris, où la petite bande pourra se ressourcer au calme avec pour seul bruit de fond le chant des oiseaux. Et - la vie est belle - avec un court de tennis pour s'offrir des parties de double, que les futurs partenaires, enchantés lors de la visite de la propriété, s'imaginent déjà fameuses. Coup de foudre, ils achètent. Oubliant qu'ils ont découvert leur petite maison dans la prairie un jour de grève nationale... Scène suivante : les quatre copains sont enfin sur la terre battue. La partie peut commencer alors que l'aéroport tout proche s’est remis à fonctionner. Les oiseaux ne chantent plus. Pour supporter l'infernal boucan provoqué par le survol constant des avions, les nouveaux propriétaires, l'air con, sont équipés de casques antibruit...

 

Sans doute est-ce un truisme, mais force est de constater que la réalité rattrape souvent la fiction. Et c'est encore le cas dans ce dossier qui nous conduit dans le Hainaut occidental. Plus précisément à Hoves (Silly), sur la place du village, où les Van Tassel vivent dans une belle maison portant le numéro 9. «On a emménagé ici en 1979, peu de temps après notre mariage. A cette époque, le numéro 11 - qui a un mur mitoyen avec notre maison - était occupé par un bureau de poste», explique Liliane Van Tassel.

 

Marc, son mari, enchaîne : «C'était très agréable de vivre ici. Nous avions choisi l'endroit pour des raisons familiales mais aussi pour son caractère rural. La place, devant chez nous, était déjà dédiée à la balle pelote, mais la fréquence des luttes était tout à fait raisonnable : il ne se passait rien en semaine. Le week-end, il y avait un match de temps en temps et, chaque fois, cela se terminait à 18 heures. On savait qu'après cette heure-là, on pouvait inviter des amis. On acceptait la donne initiale : la balle pelote fait partie du folklore local. On pratique ce jeu sur cette place depuis plus cent ans !».

 

Liliane : «Mais un jour, le bureau de poste a fermé, et en 1994, sans étude d'incidence, la commune de Silly a mis le local à disposition du club de balle pelote pour en faire une buvette et un vestiaire ! Avant cela, les adeptes du sport ballant et leurs supporters se voyaient dans un café qui ne donnait pas sur la place, à deux cent mètres de chez nous».

 

Marc : «La première année, on n'a pas eu à se plaindre. Ensuite, la situation a dégénéré. La buvette était ouverte le vendredi, le samedi et le dimanche. Souvent jusqu'à minuit, 1 heure du matin. Cétait devenu le café du village, tous les autres ayant fermé. Les clients étaient toujours plus nombreux. Cela buvait, chantait, gueulait tout le temps. Vu qu'on a un mur mitoyen, on était aux premières loges. Il n'y avait même plus moyen de regarder un programme à la télé sans mettre le son à fond. N'ayant pas de connaissances juridiques, on se sentait complètement démunis. Alors, on s'est adressé au bourgmestre, M. Leclercq (MR), considérant qu'il était le premier dirigeant de la commune et le chef de la police».

 

Liliane : «Bien du temps s'est écoulé avant que l'on n'obtienne la tenue d'une réunion de conciliation avec la commune et les gens du club. Ce n'est qu'en 2001 qu'un premier accord fut pris pour limiter les heures d'ouverture de la buvette à 22 heures, et uniquement les jours de lutte. L'année suivante, une nouvelle convention a été signée, obligeant la buvette à fermer à 21 heures les jours de lutte et à 20 heures les jours d'entraînement».

 

Marc : «En fait, ce qu'on est arrivé à gagner en termes d'heures d'ouverture, on l'a vite perdu par ailleurs. Grâce aux recettes de la buvette et à l'influence du trésorier du club devenu conseiller communal (MR), le sport ballant local s'est fortement développé. De nouvelles équipes sont apparues. Les luttes et les entraînements se sont multipliés. D'un match de temps à autre, on en est arrivé à une occupation quasi quotidienne de la place. Six jours sur sept durant la saison, qui s'étale de d'avril à octobre. Et la buvette, suivant le mouvement, ne nous laisse plus guère de répit. En fait, il n'y a que le lundi que rien ne se passe».

 

Liliane : «J'insiste : le mur de notre salon est mitoyen de celui de la buvette. On entend le brouhaha permanent des conversations, les verres qui s'entrechoquent, les "santé !" et, les jours de fête ou de victoire ou quand il fait chaud, des cris et des chants : "II est des nôtres...", 'A glou, à glou..." Depuis qu'on a rouspété, on apparaît comme des emmerdeurs aux yeux de certains clients de la buvette. On a commencé à se faire narguer, moquer. A être montrés du doigt. Des fois, on n'ose pas sortir de chez nous. Parfois, du bruit est fait exprès, pour nous provoquer. Par exemple, laisser une voiture fenêtre ouverte devant notre domicile avec la sono à fond. Donc, en 2007, on a introduit une action en justice pour obtenir la disparition de cette buvette, mais on s'est cassé les dents. Le Tribunal de 1ère instance de Mons nous dit essentiellement qu'on ne prouve pas les nuisances dont nous sommes victimes !» (Voir encadré : «Les nuissances dénoncées ne sont absolument pas prouvées », Quoique…)

 

Marc : «Après ce jugement qui leur était favorable, ils se croyaient tout permis (NDLR : II se lève et introduit un CD dans un ordinateur). Regardez : ce sont des images que nous avons prises après ce jugement qui estime que nous ne sommes victimes de rien d'illégal (NDLR: on entend les chants et les cris des clients à l'intérieur de la buvette et sur la terrasse, des bruits de sono, des tambours, en journée comme le soir. On voit les voitures garées, fenêtres ouvertes, musique plein tube devant le domicile des Van Tassel, on constate des attroupements déjeunes pratiquement devant la porte du n°9... Des images diffusées ce dimanche dans «L'Info confidentielle Paris Match».) Peut-être qu'il n'y a rien d'illégal là-dedans, mais c'est parfaitement insupportable. Ces images, on pourra les produire si on va en appel contre ce jugement qui ne nous a pas encore été signifié !».

 

Liliane : «On est désespérés. C'est pour cela qu'on s'est adressé à vous. N'y a-t-il pas moyen de repartir à zéro ? De trouver un compromis ? Les autorités communales pourraient- elles enfin comprendre que cette buvette devrait naturellement se trouver ailleurs ? On l'a supportée pendant quinze ans, n'est-ce pas suffisant ? En moyenne, elle est ouverte trente heures par semaine. C'est bien plus que les quinze heures de l'administration communale !».

 

Marc : «II y a d'autres endroits où installer cette buvette. L'un des habitants de la place dispose d'un espace à côté de sa maison. C'est un passionné de balle pelote. Ne la veut-il pas à côté de chez lui ? Il y a même des terrains dans le coin qui permettraient d'aménager une aire spécifique pour se livrer à la balle pelote. C'est une question de volonté politique. Dans l'entité d'Hellezelle se trouve un ballodrome et on ne joue plus sur la place du village de Wodecq. Mais ici, on crie un peu dans le désert. Nous sommes totalement transparents. Insignifiants électoralement, il est vrai. Alors que faire plaisir au sport ballant, cela peut rapporter des voix».

 

Liliane : «Cette saison est plus calme. Comme si des consignes avaient été données aux tenanciers de ce débit de boisson. Mais cela ne suffit pas à nous rassurer. On vit dans la crainte que cela ne recommence. Qu'un jour quelqu'un qui aurait trop bu s'en prenne à nous, les "emmerdeurs". Il faut que cette buvette parte, ou alors c'est nous... Mais là encore, on subit un préjudice, car il est évident que la situation créée par la mauvaise décision de la commune cause une perte de valeur».

 

En route chez le bourgmestre de Silly. Au début de l'entretien qu'il nous accorde, Christian Leclercq (MR) tente de fragiliser la position de ses contradicteurs en faisant part de son étonnement que nous puissions accorder de l'intérêt à leurs doléances. Argument qu'il tente de crédibiliser en affirmant : «Ils ont déjà essayé de contacter des collègues à vous dans d'autres médias. J'ai eu des journalistes à ce sujet et il n'y a pas eu de suivi». En réalité, avant que nous les rencontrions, les Van Tassel ne s'étaient encore jamais confiés à la presse...

 

Christian Leclecq (MR) attaque ensuite la position des plaignants : «Ils ont choisi d'habiter sur une place publique et, qui plus est, dans une région où le sport ballant est le sport le plus pratiqué. Comment peuvent-ils s'étonner qu'il y ait des luttes et des entraînements pendant la semaine ? Cela fait partie du quotidien de nos places publiques, et pas seulement de celle de Hoves. De plus, je n'ai pas d'autres plaintes. Eux-mêmes ne font d'ailleurs jamais ou presque appel à la police...»

 

M. Leclercq admet cependant que les Van Tassel sont venus le trouver à plusieurs reprises : «On a balisé les heures d'ouverture du local. Il s'agit d'un horaire décent qui est respecté. Je m'en suis toujours assuré. Le contexte local fait qu'il n'y a plus de café sur la place de Hoves et que c'est devenu évidemment le lieu de retrouvailles. In fine, n'est-ce pas cela une place publique, un lieu de retrouvailles ? (...) Je peux entendre qu'il peut y avoir de temps en temps des désagréments, mais si on veut être au calme en permanence, on ne vit pas sur une place publique. Les Van Tassel sont aussi embêtés par la foire aux artisans et par la brocante nocturne, qui ont lieu une fois par an (NDLR : les Van Tassel démentent cette allégation). A un certain moment, il faut être raisonnable, et je n'ai pas l'impression de trouver toujours ce côté raisonnable chez ces personnes». Nous montrons les images filmées par les Van Tassel et nous continuons à converser.

 

«- Vous aimeriez avoir cela à côté de chez vous ?

- Cette question, on me l'a déjà posée dix fois.

 

- Mais encore ?

- Je n'ai pas choisi d'habiter sur une place publique. De l'animation, des enfants qui jouent sur une place publique, on en trouve ailleurs.

 

- Ce ne sont pas des enfants qui jouent qu'on regarde, mais des gens saouls qui braillent.

- On ne peut pas interdire que les gens se rassemblent».

 

Les images montrent des personnes éméchées qui interpellent les Van Tassel. Le bourgmestre commente : «Quand on attise les passions, on les attise des deux côtés (...). Il est bien clair que je ne cautionne en rien les provocations. Je me suis entretenu avec le responsable du club, en lui disant qu'on a balisé les choses. A partir du moment où M. et Mme Van Tassel n'acceptent rien, il est évidemment difficile de trouver un compromis. Des images comme celles-là, je ne pense pas ce soit cela... (NDLR : II ne finit pas toujours ses phrases) Moi, je m'en suis référé à d'autres personnes sur la place, qui habitent pas très loin, qui sont des amis, leur demandant s'il y a lieu maintenant de prendre des mesures contraignantes. Ils me disent que non. Les jours de luttes plus importantes, quand ils ont gagné, il y a un peu plus de bruit. Mais bon... Et quand il y a des entraînements, cela se passe assez sereinement».

 

Nous expliquons au bourgmestre que les Van Tassel seraient satisfaits d'un compromis qui consisterait à ce que la balle pelote continue, mais que la buvette soit déplacée. Il souffle d'abord le chaud : «Je ne veux pas faire une promesse que je ne pourrais tenir. S'il y a un autre local, il sera sur la place et je ne sais pas si cela apportera une solution. Il y a, c'est vrai, une salle polyvalente que la commune envisage de construire avec la société d'habitation sociale à la Clergerie. C'est juste derrière. On pourrait aussi songer à y déplacer le terrain, mais avant de concrétiser cela, il faudra des années...». Et puis le froid : «De toute manière, la majorité des clubs de balle pelote jouent sur des places publiques, et vous allez certainement trouver sur chacune d'entre elles un mécontent d'avoir cette animation devant chez lui».

 

Nous restituons le contexte. C'est la buvette qui gêne ! Dans ce dossier, l'évolution négative du cadre de vie des Van Tassel a été provoquée par la décision de la commune. Avant cela, il n'y avait pas de problème : le café de la balle pelote se trouvait ailleurs, sans vision sur le terrain. Et nous en profitons pour souligner qu'il y a un élu du parti du bourgmestre dans le club. «Tous les élus se sont ralliés à ce que nous avons pris comme décision. A l'époque, ce membre du club ne siégeait pas encore au conseil communal. Et il n'était pas encore dans mon parti !» rétorque le bourgmestre. Et de lancer menaçant : «Si la commune décidait de vendre ce local et qu'on en fasse un débit de boisson permanent, ce serait bien pire encore. C'est le travers des lieux comme celui-là».

 

En fin d'entretien, le bourgmestre se veut cependant plus conciliant : «Je le répète, s'il y avait des débordements fréquents, on baliserait une nouvelle fois. Si je peux trouver une solution pour que cette buvette soit ailleurs, je le ferai. Mais vous ne pouvez pas donner ce que vous n'avez pas. C'est le seul bâtiment dont la commune est propriétaire sur la place. Et avant que le projet de salle polyvalente se mette en place, il y aura certainement encore deux saisons de sport ballant. En attendant, rien ne peut nous être reproché. Après analyse, on a permis à une communauté d'exercer son sport et cela a été décidé de manière démocratique, cadré et cautionné par la justice».  Autrement dit, recours judiciaire ou pas, les Van Tassel vont devoir encore s'armer de patience...

 

michel-buvette2.JPG

 

Mitoyen : Avec une façade blanche, la maison des Van Tassel.  Le bâtiment en

brique rouge est celui de la buvette et du vestriaire du club de balle-pelote.

 

Encadré : «Les nuisances dénoncées ne sont absolument pas prouvées », Quoique…

 

Juridiquement, cette affaire doit être appréciée à la lumière de l'article 544 du Code civil. Lequel prévoit qu'un trouble de voisinage créé par un pouvoir public doit être compensé, en tenant compte des charges supportables par le particulier qui en est victime au regard de l'intérêt collectif. Dans un jugement rendu en avril 2008, le Tribunal de 1re instance de Mons a estimé que la commune avait été suffisamment «soucieuse de l'intérêt de ses administrés», en l'occurrence les Van Tassel, en réglant la question des heures d'ouverture de la buvette par convention.

 

Le grief de l'amplification du nombre de matches sur la place de Hoves est aussi balayé par le tribunal. Arguments : «La maison des Van Tassel est située au fond d'une place publique relativement importante qui, par nature, constitue dans un village un lieu de rencontres et de festivités diverses ; beaucoup de places publiques villageoises sont réservées à la pratique de la balle pelote, sport régional au même titre que l'est la pétanque dans le sud de la France».

 

Quant au bruit, le magistrat pratique l'art de l'euphémisme avec une habilité remarquable : «Si ces activités sont source d'une animation particulière, force est de constater que les nuisances dénoncées ne sont absolument pas prouvées, il n'est pas démontré que les matches sont quasi quotidiens (...) et qu'ils sont source de "beuveries" ou de vacarme à des heures dépassant l'horaire qu'ils ont agréé en 2002». Certes, les images de vacarme et de beuveries dont des extraits ont été montrés dimanche dans «L'Info confidentielle Paris Match» ne mentionnent pas d'heure. Mais n'importe quelle personne de bonne foi devrait admettre qu'elles témoignent de nuisances sonores difficilement supportables.

 

Il est vrai que ce jugement va jusqu'à in peller les Van Tassel de manière plutôt oiseuse : «S'ils prétendent sans le prouver que les troubles qu'ils subissent sont excessifs, comment expliquent-ils les avoir supportés depuis 1994 et que cette situation anormale n'ait jamais été dénoncée in tempore non suspecto de manière unanime par leurs nombreux voisins ?». Les réponses à ces questions se trouvent dans l'article ci-contre. Primo, les Van Tassel sont seuls à partager un mur mitoyen ave buvette. Secundo : ils ont cherché pendant des années à parlementer avec l'autorité communale avant d'en venir à une procédure judiciaire...

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