Enseignement de la Communauté française (17/04/2008)
MADAME LE PROVISEUR ACCUSE : "J'EN AI ASSEZ D'ETRE PROVISEUR PROVISOIRE !"
- Enquête évoquée sur le plateau de l'Info Confidentielle Paris Match/RTL-TVI, le 13 avril 2008 et dans l'hebdomadaire Paris Match - Belgique, le 17 avril 2008 -
Cette enquête commence par une lettre envoyée à la rédaction de Paris Match. Il y a quelques semaines, Joëlle Wautelet nous écrivait ces quelques phrases accusatrices : « Madame Arena ne respecte pas le Décret du 1er janvier 1999, art 28§ 1 et 2 relatif aux fonctions de promotion et sélection dans l’enseignement de la Communauté Française. Je suis proviseur à l’Athénée royal d’Evere et victime du non-respect de la loi par ma ministre qui nie mes requêtes. Madame Arena préfère d’abord désigner des personnes qui n’ont pas les titres requis plutôt que les personnes brevetées. Depuis plus de deux ans, je lui écris _ et mon avocat aussi _ afin qu’elle applique la loi, mais jamais aucune réponse ne nous est parvenue. Que doit faire une simple citoyenne pour qu’un ou une ministre-Présidente respecte les décrets ? Que doit faire le citoyen pour que le pouvoir politique applique la loi ? Nous vivons en démocratie et le pouvoir refuse d’appliquer les décrets qu’il vote ! »
Quelle charge ! Pour nous en dire plus, Mme Wautelet nous reçoit dans son appartement à Evere. Enseignante dans le secondaire depuis 1983, elle fut d’abord professeur de français avant d’être désignée « proviseur faisant fonction » dans un établissement scolaire de Nivelles. « J’ai trouvé ce boulot intéressant. Afin de stabiliser mon statut de proviseur, j’ai suivi une formation ; des cours qui sont donnés pendant les périodes de vacances scolaires sur une période de quatre ans et qui permettent d’obtenir un ‘‘brevet’’ : le sésame qui est censé ouvrir la porte à une affectation définitive comme proviseur, directeur ou sous-directeur ».
« Brevetée » depuis 2004 mais toujours « proviseur provisoire » quatre ans plus tard, Joëlle Wautelet n’a pas été récompensée des efforts qu’elle a fournis. « Ma carrière est une succession d’affectations précaires : Nivelles, Braine-l’Alleud, Woluwé-Saint-Pierre, Evere… Selon le bon vouloir des décisions ministérielles puisque c’est le cabinet du ministre de l’Enseignement qui désigne, en tenant compte - normalement (!?)- de critères statutaires ».
Au début de sa carrière de proviseur, Mme Wautelet a été victime de son âge : « Quand j’ai obtenu mon brevet, il n’y avait pas assez de places vacantes pour toutes les personnes issues de ma promotion. En 2004, j’étais en effet l’une des plus jeunes brevetées et le critère d’ancienneté primait pour monter dans le train des nominations définitives… ». D’abord désignée dans un poste de proviseur « faisant fonction » à Braine, Joëlle Wautelet a dû quitter cet emploi parce qu’un « breveté » plus ancien qu’elle avait sollicité le poste. « Rien à redire, c’était légal ». A Woluwé-Saint-Pierre, idem : c’est une dame nommée qui l’a remplacée dans le cadre d’un changement d’affectation conforme à la législation. « Je prends le bon côté des choses », commente-t-elle. « En changeant souvent d’établissement scolaire, j’ai découvert beaucoup de personnes. Sur le plan humain, cela a été une expérience enrichissante. Maintenant, j’aimerais déposer mes valises. Mais pour y arriver, il faudrait que la loi soit respectée par le ministre de l’Enseignement. Sous l’ère Arena, cela n’a pas été le cas. »
1. Appels à candidature tardifs
Mme le « proviseur provisoire » nous explique que l’on ne peut comprendre la portée de ses critiques sans percevoir la différence essentielle entre les notions d’emploi « disponible » et d’emploi « vacant » dans l’enseignement de la Communauté française : l’emploi vacant est un poste dans lequel un membre du personnel breveté, tel Mme Wauthelet, peut demander à être nommé définitivement. Un emploi disponible est un emploi qui ne pourra être occupé que provisoirement. En d’autres termes, un poste est « disponible » quand son titulaire, qui se l’est vu attribué à titre définitif, en est temporairement éloigné. Il devient « vacantpropriété ». Exemple : un préfet, nommé définitivement dans tel établissement scolaire, est chargé de mission à l’extérieur. Pendant la durée de sa mission, le poste est déclaré « disponible ». L’emploi est protégé et sera récupérable lors du retour de mission de l’intéressé. »
Mme le « proviseur provisoire » poursuit son exposé pédagogique : « Tous les deux ans, les personnes brevetées comme moi doivent recevoir la liste des emplois vacants et disponibles dans l’ensemble du réseau. Or, la Communauté française ne s’est plus acquittée de cette obligation depuis septembre 2005 pour les postes de proviseur (sept mois de retard) et depuis janvier 2006 pour les fonctions de directeur ou de sous-directeur (trois mois de retard) ».
Contacté par Paris Match, le frais émoulu ministre de l’Enseignement ne conteste pas ces retards mais ne comptez évidemment pas sur lui pour émettre la moindre critique à l’endroit de la camarade qui l’a précédé. « Dès ma prise de fonction, j’ai demandé que l’on mette tout cela à plat. Les appels à candidatures seront lancés dans les prochains jours ou les prochaines semaines », nous dit Christian Dupont. Dont acte.
2. Qui dirige ?
Mme Wautelet formule un autre constat interpellant, bien connu dans le petit monde des enseignants mais peut-être pas dans celui des parents d’élèves : « De très nombreuses écoles sont dirigées par des gens qui n’ont pas les titres requis ; des personnes qui, parfois, n’ont même pas tenté de passer le brevet. Trop souvent, il s’agit de gens qui ont su montrer patte blanche dans l’une ou l’autre sphère d’influence ; des gens dépendants du monde politique. Quand on fait fonction sans brevet, c’est que le ou la ministre de l’Enseignement le veut bien. Les mieux lotis bénéficient de désignations jusqu’à ‘‘solution statutaire’’. Et cette ‘‘solution statutaire’’, c’est justement l’appel à candidature qui tarde à arriver. Tant qu’il n’a pas lieu, rien ne change pour les gens redevables : ils peuvent rester en place. Le petit jeu du politique, c’est de mettre en place des gens qui n’ont pas les titres et de les maintenir ainsi le plus longtemps possible, pour ne pas dire indéfiniment ! ».
« Nous sommes tout à fait contre une logique de politisation dans les nominations dans l’enseignement », assure en contrepoint Tony Pelosato, l’actuel chef de cabinet du ministre Dupont, un homme qui occupait déjà cette fonction dans l’équipe de Marie Arena. En désaccord évident avec l’analyse de Mme Wautelet, il ne peut lui donner tort à propos du nombre important de personnes non brevetées qui occupent des fonctions dirigeantes dans les établissements scolaires. Au travers d’une nouvelle batterie de formations et d’examens, la situation devrait être « régularisée ». Wait and see…
3. Appel à candidature « tronqué » ?
« Parfois la vacance de certains postes ne fait l’objet d’aucune publicité car, plutôt que d’y nommer un breveté en ordre de positionnement, on préfère permettre à certains d’être nommés plus vite », dénonce Joëlle Wautelet. « Lors du dernier appel à candidature pour les postes de proviseur et de sous-directeur, la ministre-Présidente a communiqué la liste de postes vacants et disponibles à tous les ‘‘brevetés’’. Dans ce relevé gouvernemental, aucun emploi vacant n’était repris. Il y avait seulement des emplois disponibles… Pourtant, sur le terrain, un emploi de proviseur était vacant à l’Athenée Victor Horta de Saint Gilles. »
La liste évoquée par Mme Wautelet a été établie par le cabinet Arena en août 2005 avant d’être complétée en novembre 2005. De fait, elle mentionne qu’un poste de proviseur est « disponible » à Victor Horta. Pourtant, des renseignements pris à bonne source établissent que cet emploi a été déclaré « vacant » par l’établissement scolaire concerné dès le 1er juillet 2005 ! « A l’époque, je ne savais donc pas qu’il y avait une possibilité d’être nommé définitivement en passant par une affectation à Victor Horta. J’avais toutefois mis cet établissement parmi d’autres dans la liste de mes candidatures pour l’année 2005-2006. Et j’ai été affectée en tant que proviseur provisoire à Evere. Début août, j’ai découvert le pot aux roses ; j’ai appris qu’un collègue ‘‘breveté’’ moins ancien que moi avait été nommé à Victor Horta. Ce qui voulait dire que le poste était vacant et que le cabinet de Mme Arena n’en avait pas fait la publicité.»
Reconstituons la chronologie des faits. Le 1er juillet 2005, l’emploi est déclaré « vacant » par la direction de Victor Horta. Les 30 août et 27 novembre 2005, l’emploi est déclaré « disponible » dans l’appel à candidature. En mars et avril 2006, les commissions des nominations zonales et interzonales constatent que le poste de Horta n’est demandé par aucune personne nommée en termes de changement d’affectation. Le 6 avril 2006, un certain L.D., qui est à ce moment proviseur faisant fonction à Uccle 1, est désigné proviseur faisant fonction à Horta par le cabinet Arena. Le 1er juillet 2006, L.D. est nommé définitivement dans l’emploi de Horta même s’il est moins « ancien » que d’autres brevetés comme Mme Wautelet qui avait mis cet emploi dans sa liste de souhaits. Etant déjà dans la fonction à titre provisoire, même de quelques jours seulement, L.D. échappait ainsi au critère d’ancienneté pour obtenir le poste. Quelques semaines après sa nomination, il bénéficiera en outre d’un changement d’affectation à Ottignies…
Une source dans l’administration préférant garder l’anonymat nous explique que le parcours de L.D. est vraiment formidable : « L.D. avait déjà été proviseur faisant fonction à Ottignies. Mais un autre candidat à ce poste, un certain Y.P., avait fait remarquer que la désignation de L.D. n’avait pas été correcte. Y.P. étant plus ancien, c’est lui qui devait obtenir le poste. L.D. avait donc été éjecté d’Ottignies par Y.P. En 2006, ces deux proviseurs faisant fonction œuvraient dans d’autres établissements. L.D., catalogué comme socialiste, a été nommé à Horta. Et Y.P., catalogué comme libéral bien qu’il soit affilié à la C.g.s.p., s’est vu refuser une nomination définitive à Uccle 1 où le poste était vacant. Recours a été introduit au Conseil d’Etat. Au final, les deux hommes visaient encore le poste de proviseur à Ottignies qu’ils pouvaient obtenir via un changement d’affectation dès qu’ils seraient nommés. C’est L.D. qui a gagné la course ».
L.D. est présenté par d’aucuns comme un « camarade » très proche d’un élu socialiste puissant dans le Brabant wallon. A-t-il bénéficié d’informations privilégiées lui ayant permis d’accélérer sa progression professionnelle au détriment de candidats brevetés plus anciens que lui ? « Pas du tout ! Vous nous faites des procès d’intention inacceptables », s’indigne Tony Pelosato lorsque nous lui posons franchement la question. « Ce monsieur D. (que je ne connais pas) a simplement postulé pour un emploi qui était « disponible ». Quand il était dans la place, le poste est devenu « vacant » et, en fonction d’un article 28 &2 du décret, il était prioritaire pour ensuite demander sa nomination définitive dans ce poste ». L.D. aurait eu du flair, c’est tout.
Cette version nous vaudra de longues discussions avec un Tony Pelosato, qui fera plusieurs allers-retours auprès de son administration pour trouver des réponses à nos questions apparemment ennuyantes. D’abord, pourquoi l’emploi a-t-il été qualifié en août 2005 de « disponible » alors qu’il était « vacant » depuis le 1er juillet 2005 ? La réponse vaut le détour. On résume : dans les listes données par le gouvernement aux « brevetés », le mot « disponible » serait « polysémique » pour reprendre un beau terme utilisé par M. Pelosato. Il a deux sens : il signifie autant « disponible » que « vacant sous réserve »… Dit autrement par le chef de cabinet après consultation des spécialistes de son administration : « L’emploi de Victor Horta était certes « vacant » mais il a été présenté comme « disponible » parce qu’il pouvait statutairement être soumis à affectation jusqu’au printemps 2006, c’est-à-dire qu’il pouvait encore être demandé par un enseignant déjà nommé. C’est donc un emploi « vacant » qui ne l’était pas encore tout à fait et, dans ce cas, cela rentre dans la catégorie des emplois dits disponibles ».
Donc, sur les appels à candidature de la Communauté française, il y a deux colonnes : celle présentant les « emplois vacants » et celle présentant les « emplois disponibles ». A charge pour les candidats de savoir que « disponible » veut aussi parfois dire « vacant sous réserve ». Pourquoi ne ferait-on pas tout simplement trois colonnes ? « Il faudrait simplifier tout cela », admet le ministre Dupont. « C’est extrêmement complexe, j’en conviens. Moi-même, je m’y perds un peu. Bonne chance pour expliquer cela au grand public de manière compréhensible ! », complète M. Pelosato, qui n’est certainement pas dénué d’un sens certain de l’humour.
De son côté, Mme Wautelet n’a pas envie de rire : « C’est vraiment n’importe quoi. Il y a des emplois disponibles et des emplois vacants. C’est la première fois que j’entends parler de cette troisième catégorie d’emplois ‘‘vacants’’ qu’on appellerait ‘‘disponibles’’ ! On vous dit cela pour vous embrouiller ». La vraie question est sans doute la suivante : comment le candidat proviseur qui reçoit l’indication par le gouvernement qu’un emploi est « disponible » peut-il savoir que ce même emploi est en fait « vacant sous réserve » ? Par un bon contact avec le cabinet ? Peut-être. M. Pelosato dit que c’est aussi possible en prenant contact avec l’administration. Mme Wautelet confirme qu’en téléphonant à l’administration, on peut parfois avoir un renseignement de ce genre : « Il faut mener sa petite enquête ». En termes de transparence et d’égalité des chances, on pourrait certainement imaginer un meilleur système…
4. Non respect de l’ordre des priorités dans les nominations ?
Quoiqu’il en soit des appels à candidatures éventuellement tronqués ou tardifs, Joëlle Wautelet affirme aussi qu’elle aurait déjà pu être nommée à plusieurs reprises ! Selon Mme le proviseur, « il y a dans le décret un article 28 § 2 selon lequel le détenteur d’un brevet, candidat à un emploi vacant, doit toujours être préféré à un membre du personnel non détenteur d’un brevet. En vertu de ce paragraphe 2 de l’article 28, vers la mi-2007, j’ai officiellement postulé pour deux emplois. Le premier était un poste de proviseur dans un établissement de Koekelberg dont j’avais appris
– bien entendu pas par la ministre mais par ouï-dire – qu’il était vacant à partir du 1er juillet 2007. Etant un proviseur ‘‘breveté’’ désigné à titre temporaire dans un emploi disponible mais non vacant, ma candidature ne pouvait être barrée que par un breveté plus ancien qui aurait été dans une situation statutaire comparable à la mienne. C’est la loi ! Eh bien, sans justification aucune, en toute illégalité, le cabinet de Marie Arena a préféré y affecter une personne non brevetée. »
Au cabinet du ministre, le son de cloche est tout à fait différent. Pour M. Pelosato : « Elle n’avait pas droit au poste de Koekelberg. On applique là une lecture tout à fait constante du décret. L’article 28 & 2 vise les membres du personnel qui occupent une fonction provisoire devenue vacante. Ce n’est pas un moyen de « bypasser » les appels à candidature. En clair, si le poste de proviseur à Evere devenait vacant, Mme Wautelet, qui l’occupe actuellement à titre provisoire, deviendrait prioritaire pour une nomination définitive. Par contre, si un poste devient vacant dans un autre établissement, il ne peut être question d’y nommer quelqu’un définitivement sans que cette personne soit passée préalablement par le filtre légal de l’appel à candidature. Pour Koekelberg, si on avait donné raison à Mme Wautelet, cela aurait voulu dire qu’elle aurait bénéficié d’une sorte de délit d’initié. Elle savait que le poste était vacant, mais d’autres brevetés pouvaient ne pas le savoir et ils auraient pu se plaindre à juste titre d’un traitement de faveur si Mme Wautelet se l’était vu attribuer ».
« Délit d’initié ? C’est plutôt dans ‘‘l’affaire Horta’’ que le terme devrait être utilisé. Je maintiens que, légalement, je devais obtenir ce poste. D’ailleurs, dans une affaire tout à fait semblable, un autre enseignant n’a pas hésité à contester l’attitude de la Communauté française devant le Conseil d’Etat », réplique Mme Wautelet. Nous avons évoqué plus haut cette information : cet autre « proviseur provisoire breveté » postulait pour un emploi devenu vacant à Uccle 1. Y.P. était le seul candidat breveté, aucun proviseur déjà nommé n’avait fait de demande pour être affecté à ce poste, la candidature avait été déposée dans les formes… En bref, défend-t-il dans son recours au Conseil d’Etat, il devait « nécessairement » décrocher sa nomination définitive… Mais le cabinet Arena a choisi de désigner à titre provisoire une enseignante qui n’était pas titulaire du brevet. Nous avons demandé au proviseur évincé de nous donner son point de vue mais, se disant tenu par le « devoir de réserve », il n’a pas désiré répondre à nos questions. Selon nos informations, son recours au Conseil d’Etat met en cause « la motivation interne fausse, inexacte et abusive » de la décision qui avait été prise par le cabinet Arena. Ce recours qui dénonce aussi un « excès de pouvoir » sera évalué par le conseil d’Etat dans quelques années… Le chef de cabinet du ministre Dupont, M. Pelosato, rétorque qu’il ne veut préjuger de la décision du Conseil d’Etat. Mais dans ce dossier aussi, dit-il, « la Communauté française a scrupuleusement respecté la législation».
Mme Wautelet poursuit le récit de sa quête : « J’ai aussi postulé pour un emploi de directrice dans un établissement spécialisé d’Auderghem, car ce poste était occupé temporairement par un membre du personnel non breveté. Vu ma situation statutaire, je devais obtenir l’emploi mais cela n’a pas été le cas. Pour reprendre l’expression utilisée dans un courrier de mon avocate à Mme Arena, courrier qui, évidemment, n’a pas reçu de réponse, les ‘‘refus non motivés et manifestement fautifs’’ dont j’ai été victime me conduiront peut-être à entamer une action en dommages et intérêts contre la Communauté française ».
Nouvelle réplique de Tony Pelosato : « Mme Wautelet était proviseur faisant fonction à Woluwé-Saint-Pierre (Athénée royal Crommelinck) lorsque l’emploi dans l’établissement d’Auderghem s’est libéré. On le lui a proposé. Et elle a fait savoir qu’elle le refusait. On a une lettre de son préfet à l’époque qui en témoigne ». Une version démentie par Joëlle Wautelet : « Je n’ai reçu aucune proposition officielle venant du cabinet. Tout au plus, mon préfet d’alors, un ancien du cabinet Arena, avait fait une allusion à la vacance de ce poste dans une conversation ».
Poursuivant, le chef de cabinet du ministre Dupont ajoute que « l’emploi qu’occupait Mme Wautelet à Woluwé-Saint-Pierre était soumis au changement d’affectation. Et il se fait qu’un proviseur nommé l’a sollicité et obtenu. A ce moment, soit elle retournait dans sa classe, soit elle retrouvait un autre poste de proviseur. Elle a abouti comme proviseur faisant fonction à Evere où il semblerait que les choses se soient moins bien passées. Du coup, elle est redevenue demandeuse du poste d’Auderghem où il y avait un proviseur faisant fonction qui avait été désigné et qu’on ne pouvait pas faire partir comme cela. »
Entendant cette argumentation, Mme Wautelet s’énerve : « Je veux bien qu’on n’ait pas la même lecture du décret, mais ce Pelosato ne doit pas m’inventer des difficultés professionnelles pour se défendre. Tout se passe très bien pour moi à Evere ! (N.d.l.r. : comme nous l’a confirmé la préfète de l’établissement.) L’explication du chef de cabinet tend à me présenter comme quelqu’un de versatile, mais cela n’a aucun sens sur le plan juridique. Si on lit correctement le décret, la personne désignée à titre provisoire devait me laisser la place d’Auderghem comme moi, j’avais précédemment libéré l’emploi de Woluwé-Saint-Pierre ».
5. Silences coupables
Outre la non prise en compte de son « brevet », Mme la proviseur provisoire nous dit avoir été très choquée par une certaine impolitesse teintée de nonchalance dont le cabinet Arena a fait preuve à son endroit. « En août 2006, j’ai écrit une première lettre à la ministre. C’était juste après avoir appris la nomination du collègue moins ancien que moi à Horta. J’écrivais à Mme Arena : « J’aimerais connaître la raison pour laquelle l’emploi de proviseur à l’A.R. Horta n’était pas présenté comme vacant mais comme disponible. Pourquoi, dans ce cas, y avoir nommé un proviseur ? Permettez-moi de penser que ‘‘certains sont plus égaux que d’autres’’ (G. Orwell) et que cela devient une fâcheuse habitude dans l’enseignement de la Communauté française… ». Pas de réponse, même pas un accusé de réception. Ensuite, j’ai encore écris plusieurs courriers. Même adressés aux domiciles privés de Mme Arena et de M. Pelosato. Mon avocate a écrit aussi. Jamais de réponse. Impossible également d’avoir quelqu’un au téléphone. Une non communication totale. Blessante. Dans tous les décrets et les discours des représentants de la Communauté française, il est question d’émancipation, de tolérance, de respect… En ce qui me concerne, je trouve que le cabinet Arena n’a rien respecté du tout ».
Dans l’un des courriers envoyés directement envoyé à M. Pelosato, resté, comme les autres, sans réponse, le 22 novembre 2007, Joëlle Wautelet traduisait ainsi son sentiment : « Je me permets de marquer mon étonnement quand à la non-gestion du courrier par votre cabinet. (…) A plusieurs reprises, j’ai écrit, téléphoné et jamais la moindre réponse, jamais le moindre accusé de réception (…). Que me reste-t-il pour me faire entendre, pour faire respecter mes droits ? (…) Je me trouve devant un mur d’indifférence ! (…) Permettez-moi de penser que votre façon de procéder est en total désaccord avec les valeurs défendues dans le décret ‘‘Missions’’ : communication, écoute, justice, émancipation sociale, chances égales pour tous… Je doute également de la transparence dans vos désignations aux fonctions de sélection et de promotion (…) Où est le respect des lois ? Si j’agissais comme vous au sein de mon école, ce serait la révolution chez les élèves et parents. »
Bien que ce courrier-là soit arrivé à son domicile, M. Pelosato nous donne cette réponse : « J’ai piqué une colère au sein du cabinet en apprenant qu’on ne lui avait pas répondu. Le principe est bien entendu de répondre à toutes les personnes qui nous écrivent. Il y eu un couac quelque part, des courriers qui se sont perdus au service juridique… »
Lors de notre visite chez elle à Evere, Mme Wautelet a aussi ces mots : « Parler ne me fait pas peur, je suis nommée prof de français. On peut me faire des rapports négatifs mais tant pis : ce que je dis est juste. Je lance un appel à Christian Dupont pour que mes droits soient respectés. Il doit certainement être plus compétent que la dame qui l’a précédé. C’est un ancien prof… ».
Dans une conversation téléphonique, le ministre Dupont nous répond favorablement à cette demande : « Bien entendu, ma porte est ouverte pour discuter avec Mme Wautelet ». Ce mardi 15 avril, Joëlle Wauthelet devait rencontrer le ministre…
Happy end ?
Au bout d’une telle enquête, il ne peut évidemment être question pour nous de trancher le débat de manière définitive. Qui a raison ? La prof en colère ? Les politiques ? La législation est si compliquée que nous avons constaté que même le chef de cabinet du ministre Dupont avait parfois du mal à s’y retrouver… Il faut simplifier, c’est évident, car les textes actuels suscitent trop d’interprétations, de suspicions. Mais le dialogue est souvent la clé de beaucoup de problèmes… Mme Wautelet, après son coup de gueule médiatique, va enfin l’obtenir ! Terminons sur cette note positive que l’on doit à Tony Pelosato: « Le poste que demandait Mme Wautelet dans l’école spécialisée d’Auderghem a été soumis au changement d’affectation et aucun nommé n’a demandé à être muté là-bas. Par conséquent, cet emploi va pouvoir être déclaré « vacant » lors du prochain appel à candidature… Mme Wautelet, si elle est toujours intéressée, pourra poser sa candidature… ».
Mise à jour : En septembre 2008, Mme Wautelet a bel et bien été nommée au poste de directeur cette école spécialisée.