16 Septembre 2010
Cette lettre a été écrite par Anne, victime du religieux Paul Mathen, le 14 octobre 2002. A l'époque, elle n'avait pas encore obtenu gain de cause devant la justice des hommes (dossier déclaré prescrit sur le plan pénal en 1997) mais elle obtiendra une réparation financière au civil en 2005.
A toi qui m’a violé.
Aujourd'hui je peux te dire enfin en face tout le mal que tu m'as fait.
Tu m'as violé pendant plus de deux années et tu as cru que je ne parlerais jamais.
Mais un viol ne s'oublie pas, il laisse des traces indélébiles. Un viol c'est un acte grave, lâche, égoïste qui laisse chez ses victimes des séquelles pour toute leur vie entière.
En parlant aujourd'hui, je ne cherche pas à me venger, car la vengeance ne résout rien.
Mais il est important pour moi de me reconstruire et c'est uniquement possible en mettant cette vérité à plat et dans tout son entier été, que j'y arriverai. C'est en me permettant enfin de parler, non à un mur, mais à une personne responsable de ces actes que je pourrai enfin, commencer ce travail de reconstruction. Sache que s'il n'y avait pas prescription au pénal, ta place serait aujourd'hui en prison pour de longues années ceci afin d'être puni ! Car tout acte de viol ou d'abus sexuel est punissable par la loi.
Être en prison te permettrait aussi d'être pris en charge médicalement, afin qu'à ta sortie, il n'y ait plus de récidive. Je ne peux pas accepter que la prescription te permette d'oublier et de minimiser la gravité de tes actes. Ils sont d'autant plus grave, que je n'en sois pas la seule victime.
J'ai eu accès aux 280 pages du dossier que j'ai lu avec attention et écœurement aussi !
Je connais le nom de toutes les victimes, et elles sont nombreuses. Quand tu m'as violé pour la 1er fois, il y a plus de 25 ans, j'ai été tétanisée de peur. Je ne m'attendais pas du tout à cela de toi. Tu as trahi ma confiance alors que j'avais confiance en toi.
Tu t'es approprié de ma vie sexuelle, avant que moi-même je ne puisse la découvrir; Tu connaissais ma gentillesse, mais aussi ma naïveté. Quand je suis arrivée dans cette communauté, j'étais en rupture avec ma famille, en manque d'affection, tu en as profité.
Tu t'es fait gentil, mielleux, tu savais comment m'apprivoiser et tu m'as piégé par tes approches, tes caresses.
Tu avais l'art de minimiser, car tu disais à tes victimes qu'il fallait accepter ta tendresse, celle de Dieu, qu'il fallait se laisser faire et tu ma violé. Je me suis tue car tu avais tellement l'art de paraître un homme correct, respectueux, que si j'avais parlé à l'époque, si je t'avais dénoncé, personne ne m'aurait probablement cru tant on te mettait sur un piédestal.
Tu aurais crié « au complot » tu aurais dit que j'inventais, que j-avais un passé de psychiatrie et qu'il ne fallait pas me croire. A cette époque, je n'étais pas capable de me défendre, j'étais fragile, je ne me rendais pas compte que je n'étais pas la seule abusée et c'est ainsi que tu m'as manipulée.
Je me suis senti sale, honteuse, coupable (de n'avoir pas su repousser tes déviances.) Je n'étais pas prête à en parler, je ne voulais pas retourner dans ma famille, car j'étais en conflit avec mon père. Je n'avais donc pas d'autre endroit pour partir. Heureusement que j'avais des responsabilités qui me plaisaient dans mon travail à Dinant c'est cela qui m'a aidé à me taire.
MAIS PEUT-ON PARLER D'AIDE QUAND ON SE TAIT ? Tu as continué de me violer pendant plus de 2 années. DEUX ANNEES DE VIOL, DE SALISSURES, DE TRAHISON, D'ESCLAVAGE, DE SOUSMISSION, DE SILENCE ORGANISE !
Pourtant un jour, j'ai eu le courage de te demander d'arrêter.
C'était avant un pèlerinage à Lourdes. Je t'ai écrit sur un papier "qu'il n'était pas normal que tu aies ce genre de comportement en tant personne d’église je t'ai demandé d'arrêter." Tu as lu le papier et tu m'as dit : "oui, tu as raison" et tu ne m'as plus jamais touché.
Malheureusement le mal était fait et jamais je n'ai pu oublier. J'ai continué mon travail de mon mieux, mais je sentais que tu avais peur, peur que je parle un jour. Pourtant je n'étais pas prête, j'avais moi-même peur de toi, de tes réactions. La confiance était tout à fait cassée et j'ai pris de la distance de plus en plus en me disant qu'il me fallait oublier car je me sentais sale, coupable.
Mais coupable de quoi ?
Qui était l'adulte ?
Qui était l'enfant fragile ? L'enfant manipulé.
Pendant des années je me suis tue, pourtant ma colère était immense et elle grondait
intérieurement.
En février 1994, j'ai rencontré une personne Chrétienne, une vraie ! Qui m'a dit qu'il fallait apprendre à tout pardonner. Quand elle a su que je trouvais qu'il y avait des actes impardonnables, elle m'a demandé quel était ce lourd secret. Pour la premières fois j'ai raconté ma souffrance, j'ai pleuré, pleuré en racontant ces cinq années passées dans cette communauté.
Elle m'a écoutée jusqu'au bout, et elle a eu pour moi enfin de vrais mots de délivrance, 5 mots libérateur. TU N'ES PAS COUPABLE ! ET SI TU NE PARLES PAS, CETTE PERSONNE VA CONTINUER ! Enfin, une personne qui me disait que je n'étais pas coupable. Ce fut donc pour moi le début d'un long chemin qui était celui de parler, dénoncer et reconstruire.
Mais comment reconstruire face à toutes ses portes qu'on m'a fermées. En général après de tels crimes, le déni, la lâcheté est malheureusement très courante de la Dès que j'ai commencé à te dénoncer auprès de certaines personnes avoir un appui, on ne m'a pas cru, ils ont tout minimisé. Toi, tu as crié au complot, tu m'as traitée de menteuse, de fabulatrice !
Tu as cherché pour te protéger des personnes de ton coté. A ceux qui te questionnaient, tu as dis que j'étais psychologiquement troublée. A l'Abbé, tu as dit que tu refusais toutes ces accusations. A une autre personne dit que ce que je disais de toi, était de la calomnie. Tu as osé dire à une personne que toi, tu étais blanc comme neige et à un diacre tu as dit que si je continuais de parler, tu me poursuivrais pour diffamation. Comment pouvais-je me reconstruire avec de telles paroles blessantes ? Tu m'avais déjà détruite par ces viols répétés et tu continuais de le faire moralement. Quand on a violé des personnes, il faut savoir en assumer l'acte et les conséquences, car si toi tu as pris du plaisir pendant des années, sache que pour nous les victimes, nous en avons souffert pendant des années et que nous continuons d'en souffrir.
Mais, maintenant, ça suffit ! Ce n'est plus à nous de souffrir. Nous avons le droit de nous relever, à toi d'en subir les conséquences et de porter ce boulet. J'ai le droit de clamer mon honorabilité dans tout son entièreté et cela aussi auprès de toutes les personnes à qui tu as menti.
Sache que: IL Y A UN SEUL COUPABLE ; LE VIOLEUR, ET D'AUTRE PART,
IL Y A LES VICTIMES !!!! N'inversons pas les rôles ! Un VIOL, ce n'est pas une histoire d'amour, ce n'est pas de la tendresse que tu donnes !!!! Un viol c'est un acte lâche, égoïste et qui laisse chez les victimes des séquelles pour toute leur vie entière. Pour moi, mais aussi pour mon couple et mes enfants les conséquences furent très lourdes.
Car comment prétendre à des relations sexuelles épanouies, quand tout me rappelle ce passé et ce malgré des années de thérapie.
A la naissance de ma fille, les premières paroles furent, toi ma fille tu risque de souffrir ( à savoir ; J'avais peur pour elle qu'elle se fasse violer un jour.) Pendant des années ma fille n'a pu inviter de garçon à la maison, tant j'avais la crainte des hommes ( si petit soit-il ). A la naissance de mon fils, tout me rappelait ton image, je voyais en lui un futur violeur. J'ai cru, à sa naissance, tout oublier et que je l'aimerais.
Mais le mal était plus profond, lui ne se sentait pas aimé, reconnu, et à trois ans, tu entends à 3 ans seulement. Il a fait de l'anorexie ( refus total de s'alimenter) Nous avons entrepris une thérapie avec lui et toute la famille. Il n'a pu retourner à l'école maternelle et a du lui aussi se reconstruire. Et si à l'adolescence il me pose cette question : "Tu ne m'aimes pas Maman parce que, quand j'étais petit tu m'as rejeté?" Vois-tu quels dégâts tu feras encore !
Le fait d'avoir été violé a entraîné d'autres blessures qu'il a fallu soigner et qu'il faudra soigner encore. ( Je ne vais pas te les détailler ici car j'ai droit ma vie privée.) Mais si j'ai pu te dire ces quelques exemples, c'est pour que tu te rendes compte que 25 ans après j'en subis encore les conséquences. Pourquoi tout ce gâchis? Dès le début de tes interrogatoires à la police de Dinant. Tu as d'abord tout nié, ensuite, dans l'après-midi tu admis certains faits mais en minimisant et disant que j'étais consentante! "'Encore une lâcheté 'de ta part !
Je ne saurais ici te citer le nom de toutes tes victimes tant elles sont nombreuses. D'autres témoins ou victimes dont tu connais sûrement leur nom, ont parlé de toi en tant qu'instituteur abuseur. Je t'ai dénoncé à la P.J. de Dinant que le 1er juillet 1994 et je regrette de ne pas l'avoir fait beaucoup plus tôt.
As-tu déjà une seule fois pensé à la souffrance de tes victimes !! ! Ta carrière d’instituteur à commencée en 1944-45.Tu as été professeur à Verviers. Éducateur à la plaine « la sapinière ». Ensuite professeur à St Joseph à Ciney en 1965.Tu recevais aussi des enfants pour la catéchèse. Tu participais à des pèlerinages à lourdes chaque année. Tu as ouvert une communauté de frères et de laïc pour l’accueil de personnes handicapées.
Je n'ose imaginer le nombre de toutes tes victimes (vivantes ou décédées). Ils doivent se compter par dizaines. Il y a eu des jeunes filles, des jeunes garçons, Pire, des enfants mineures et encore plus monstrueux, des enfants handicapés incapables de se défendre.
Ce genre de comportement à un nom et je n'ai pas peur de le nommer : CELA S'APPELLE DE LA PEDOPHILIE. C'est un comportement qui doit être sévèrement puni et s'il le peut, être soigné.
Moi, aujourd'hui je me bats pour retrouver mon honorabilité. En tant que victime, j'ai le droit de parler et de te dénoncer.
Saches que VIOLER quelqu'un, même de manière douce, sournoise ou manipulatrice,
RESTE L'ACTE LE PLUS INHUMAIN EL LE PLUS DEGRADANT QUE L'ON PUISSE FAIRE A UNE PERSONNE.
Sache aussi que toute les personnes qui savaient depuis longtemps, qui ont caché la vérité ou pire l'ont ignorée, minimisée, sont coupables elles aussi de non-assistance à personne en danger ainsi que de complicité.
A toi maintenant de réfléchir sur les conséquences de tes actes et de tout ce que cela implique.
Aie le courage, cette fois, de te regarder enfin en face honnêtement.
L'HOMME LACHE, EST UN HOMME PETIT, MISERABLE, ET QUI NE SAURA JAMAIS SE RELEVER. Je n'ai plus peur de toi et je n'ai plus peur de déclarer que: OUI, TU ES UN VIOLEUR OUI, TU ES UN PERVERS, OUI, TU ES UN PEDOPHILE ET UN MANIPULATEUR, ET JE TE DECLARE COUPABLE ET ENTIEREMENT RESPONSABLE DE TES ACTES SANS UNE QUELQUONQUE RESPONSABILITE DE MA PART.
Maintenant a toi de réagir ! Sauras-tu être un homme et tout reconnaître par respect pour toutes tes victimes? Ou préfères-tu rester petit, méprisable, lâche et pédophile pour le restant de ta vie sans jamais te relever. A toi de voir !
Mais sache que moi, maintenant je suis forte.
Jamais je ne baisserai les bras et si tu refuses de prendre entièrement tes responsabilités,
tu en supporteras toutes les conséquences
Anne
Pour consulter l'enquête parue dans l'hebdomadaire Paris Match du 16 septembre 2010, cliquez ici
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