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Olivier Chastel : "Un retour aux urnes serait la meilleure solution"

Un entretien publié dans l’hebdomadaire «La Libre Match», le 31 mai 2007.

 

michel-chastel.jpgIntronisée dans la foulée des "affaires" pour "gouverner autrement", la tripartite PS-CDH-MR n'aura duré que six mois. Et voici qu'à quelques jours à peine des législatives, la cité carolo, sa mauvaise réputation et son interminable liste de casseroles, plus fondamentalement aussi le thème de l'éthique en politique, reviennent au centre du débat électoral. L'homme qui, une nouvelle fois, a mis le feu aux poudres s'appelle Olivier Chastel. Avec son collègue Philippe Sonnet, un fin stratège en politique qui est aussi son conseiller, il vient de claquer la porte du collège des échevins carolos. Côté francophone, ce sera sans aucun doute l'évènement-clé d'une campagne électorale qui était restée très morne jusque là. "Je suis certain d'avoir pris la bonne décision", dit Chastel.

 

La Libre Match. Voilà, c’est fini. Vous n’êtes plus échevin de la ville de Charleroi. En un seul mot, quel est votre état d’esprit alors que vous préparez vos caisses? 

Olivier Chastel. Soulagé!

 

 

Mais encore?

J’ai ressenti les dernières manoeuvres de communication du PS pour créer la confusion dans la population à propos de la démission de l’échevin Jean-Pol Demacq comme une véritable trahison. C’est la goutte qui a fait déborder le vase. De trop nombreux événements avaient déjà alourdi le climat dans la majorité à Charleroi et ils avaient contribué à rendre très difficile le travail de fond auquel nous nous employions depuis le 4 décembre. Malgré cela, le MR avait fait preuve d’une loyauté exemplaire et spontanée. Nous attendions une même loyauté de la part du PS et ce que nous avons reçu, c’est un coup de couteau dans le dos!

 

Lors de la conférence de presse annonçant votre dé mission, vous sembliez avoir les larmes aux yeux...

On n’abandonne pas un travail entrepris aussi facilement. Mais je suis certain d’avoir pris la bonne décision. Je suis intimement persuadé que Charleroi avait besoin de cet électrochoc. Par la faute du Parti socialiste, on allait revivre une banalisation de l’infraction. Quand j‘ai entendu Elio Di Rupo dire qu’il n’y avait rien de neuf dans ce dossier et qu’il ne devait donc pas y avoir de conséquences, j’ai bien compris que le PS ne prenait pas conscience de la gravité de la situation. Quand j’ai entendu un collègue échevin du PS, M. Massin, dire qu’il devait d’abord analyser le dossier avant de se prononcer sur ce que devait faire M. Demacq, je me suis dis qu’il n’y a pas de rupture par rapport au passé dans ce parti. Lors de l’élaboration du pacte de majorité, les échevins socialistes ont signé un document par lequel ils s’engageaient à démissionner sur le champ en cas d’inculpation. Entendre de la bouche d’Elio Di Rupo d’un côté, d’un échevin socialiste dit rénovateur de l’autre, ce genre de considérations, m’a démontré, en vingt-quatre heures, combien le fossé était grand entre eux et nous.

 

Disons les choses sans langue de bois: n’était-il pas naïf d’espérer arriver à quelque chose de positif pour Charleroi en entrant dans un collège notamment composé de trois échevins PS issus de l’ancienne majorité socialiste absolue?

Je vais répondre franchement: oui, nous avons commis une erreur de naïveté! Nous avons été naïfs de croire la parole du PS qui nous garantissait qu’il n’y aurait plus de problèmes de justice aux conséquences graves pour la ville. Au moment de la négociation de cette majorité, nous aurions dû être plus fermes sur la présence au sein du collège de ceux qui avaient exercé des responsabilités sous la législature précédente. Au lendemain des élections communales, nous avons accordé notre confiance au PS quand il a choisi ses échevins. Nous l’avons maintenue quand, après l’inculpation du bourgmestre Jacques Van Gompel, il a fallu remanier l’équipe avec l’intervention de M. Di Rupo lui-même. Ce que nous venons de vivre nous montre que nous nous sommes trompés.

 

Ces derniers événements ne sont-ils pas du pain béni pour les écolos, seul parti démocratique de la ville à ne pas s’être embarqué dans ce navire qui prend l’eau?

Ce n’est du pain béni pour personne.

 

Quel est le processus de réflexion qui vous a conduit à dire, dans un premier temps, que vous alliez continuer dans la tripartite qui dirigeait la ville et puis, dans un second mouvement, deux jours plus tard, d’annoncer votre démission et celle de votre collègue Philippe Sonnet?

D’abord, il faut savoir que Jean-Jacques Viseur et moi, samedi dernier, nous avons dû négocier pendant quatre heures avec les socialistes pour obtenir la démission de Jean-Pol Demacq!

 

Ce dernier n’en voulait pas?

Dans un premier temps, non. M. Demacq estimait n’avoir pas grand chose à se reprocher et je peux le comprendre. Les chefs d’inculpation précisent globalement qu’il a manqué de réaction lorsque l’ancien collège s’est lancé dans des procédures douteuses. Il n’empêche: nous avions convenu qu’une inculpation, quelque soit son motif, équivalait à une démission.

 

Pourquoi alors a-t-il fallu discuter de cela pendant quatre heures?

Parce que ce débat a été émaillé de multiples suspensions de séances demandées par la majorité socialiste qui était, de son propre aveu, en liaison permanente avec M. Di Rupo et son entourage. Et qu’à ce niveau supérieur des instances socialistes, la consigne était très claire tout faire pour éviter que M. Demacq démissionne pendant la campagne électorale.

 

En contradiction avec l’accord de majorité?

C’est très clair, oui. Quand nous sommes entrés en réunion, samedi matin à 10 heures, Jean Jacques Viseur (CDH) et moi, nous avons tout de suite dit au bourgmestre que pour surmonter cette énième crise, il faudrait une attitude sans équivoque. La première phrase de Léon Casaert a été d’une toute autre nature: «En ce qui nous concerne, on ne voit pas très bien pourquoi M. Demacq démissionnerait ! ». Il a fallu trois heures de discussion, un long cheminement, étape par étape, pour arriver à la démission. D’abord, M. Demacq voulait tout de même terminer l’année scolaire. Il imaginait réunir un conseil communal pendant les vacances afin d’officialiser sa démission à ce moment-là.

 

Pour quelles raisons?

Il voulait faire les remises des prix dans les écoles! On lui a dit non. Stade suivant: il voulait démissionner au conseil communal du 25juin en continuant son mandat jusque là pour «régler un certain nombre de problèmes». On lui a signifié que c’était impossible éthiquement ; qu’on ne pouvait délivrer un tel message négatif à la population. On ne pouvait imaginer qu’il continue, après son inculpation, à participer au collège, à des manifestations publiques, qu’il prenne encore des décisions pour compte de son département. Et finalement, à 13 heures, M. Demacq nous a rédigé sa lettre de démission, un acte uni latéral et sans délai. On a encore discuté pendant une heure sur la question de la redistribution des compétences au sein du collège. Viseur et moi, nous étions arrivés à nos fins. J’étais rassuré et, le samedi après-midi, c’est dans cet état d’esprit que j’ai participé à une conférence de presse avec le bourgmestre et l’échevin des finances. Ce n’est que quelques heures plus tard que j’ai compris que le PS nous avait poignardé dans le dos. Le CDH autant que le MR d’ailleurs...

 

De quelle manière?

Je me suis rendu compte en écoutant des commentaires que me faisaient des journalistes et au travers d’une dépêche Belga que le mes sage était brouillé. La presse semblait vouloir annoncer que Demacq resterait provisoirement en fonction, qu’il continuerait dans l’intérêt de l’enseignement carolo d’exercer son mandat jusqu’à la fin de l’année scolaire, qu’il présenterait sa dé mission au conseil communal du 25juin... Dès lors, je me suis demandé qui était allé communiquer ce genre d’information alors que nous avions été très clairs en conférence de presse. J’ai téléphoné à l’auteur de la dépêche Belga qui m’a révélé que c’était un communiqué officiel de la ville sur papier à en-tête, au nom du collège, qui avançait toutes ces contre-vérités!

 

Qui est l’auteur de ce vrai-faux « communiqué»?

Au moment où je vous parle, je ne le sais toujours pas! J’ai pourtant essayé de contacter le bourgmestre et son entourage que l’on sait performant puisqu’il a été désigné par M. Di Rupo... Personne n’a su m’expliquer pourquoi, alors que nous étions en discussion pour imaginer la sortie de cette crise, quelqu’un a profité des nombreuses suspensions de séances, dans le dos de Jean-Jacques Viseur et de moi-même, pour rédiger un communiqué de presse et le publier au nom du collège. C’est de la trahison ! Le communiqué a été diffusé une heure avant la fin de la négociation. Et on y explicitait l’inverse de ce à quoi nous allions aboutir!

 

Comment décodez-vous cette stratégie du « communiqué parallèle»?

C’est une stratégie de campagne électorale du PS. Ce parti a voulu brouiller le message au tour de l’« affaire Demacq », afin de minimiser l’impact de la démission et de l’inculpation de l’un de ses échevins. Le PS a fait en sorte que la population de Charleroi n’y comprenne plus rien. Samedi, vers 18heures 30, j’ai découvert le contenu du communiqué. C’est là que j’ai pris conscience de ce travail de sape et de désinformation; du piège électoral qui avait été tendu par les socialistes. A ce moment-là, je voulais déjà faire un esclandre. Mais le dimanche, je me suis rendu compte que la situation était encore plus grave que cela...

 

C’est-à-dire?

Comme tous les dimanches matins, je me suis promené sur le marché de Charleroi. Quel contraste dans l’accueil des gens par rapport aux dimanches précédents! C’était affolant. Effectivement, ils ne comprenaient plus rien et les questions critiques fusaient: «Demacq ne dé missionne pas tout de suite ? », «Vous êtes tom bés sur la tête ? », «Vous le laissez en fonction jusqu’à la fin de l’année scolaire? ».

 

Comme si le MR était prêt à avaler n’importe quelle couleuvre pour rester au pouvoir à Charleroi?

Exactement ! Toute une série de commentaires allaient dans ce sens-là. Sur ce marché, j’ai rencontré ma collègue Véronique Salvi (CDH). Je lui ai fait lire ce communiqué de la ville dont elle n’avait aucune connaissance. Elle était effondrée et scandalisée. Elle m’a dit alors qu’elle comprenait mieux l’hostilité des gens sur le marché... Le piège du PS avait parfaitement bien fonctionné. Alors, je me suis dit que des milliers d’autres personnes à Charleroi avaient dû être abusées par la manoeuvre des socialistes. Qu’elles devaient être révoltées en ayant perçu comme message que le pouvoir communal semblait accepter sans broncher une inculpation de plus d’un échevin... Et que toutes les familles politiques de Charleroi réagissaient en ce sens de manière soudée, sans trop s’émouvoir, puisqu’on laissait à M. Demacq la possibilité de terminer l’année scolaire. Pour moi qui me suis inscrit dans un combat pour retrouver l’éthique et l’efficacité à Charleroi, c’était parfaitement insupportable. Comme je vous l’ai dit, avant de prendre attitude, j’ai essayé d’avoir plusieurs fois le bourgmestre au téléphone pendant ce long week-end, mais sans succès. En fait, le seul responsable politique socialiste qui m’a répondu, c’est Jean-Pol Demacq lui-même. Je lui ai visible ment révélé l’existence du communiqué. Il m’a dit: «Si j’avais participé à la rédaction d’un tel texte, je ne pourrais plus te regarder en face. C’est exactement l’inverse de ce à quoi je m’en gage dans ma lettre de démission ». Quand il a découvert que ce communiqué était sorti alors que nous étions encore en cours de négociation, il m’a dit qu’il ne voyait qu’une possibilité: une intervention d’une autorité supérieure à Casaert.

 

Autrement dit, le communiqué aurait été inspiré par le boulevard de l’empereur?

Je pense en effet que c’était clairement une stratégie électorale diligentée par les instances supérieures du PS.A Charleroi, je vous le rap pelle, Léon Casaert et son entourage ne répondent qu’à Elio Di Rupo...

 

Dans le même temps, vos adversaires politiques ne cessent de répéter que votre démission n’est pas votre décision, mais celle de Didier Reynders...

C’est faux. Si Didier Reynders m’avait de mandé de démissionner contre ma volonté, je ne l’aurais pas accepté. Philippe Sonnet et moi, nous avons consulté nos mandataires communaux. Après l’exposé de la chronologie des faits, ils ont ressenti une telle trahison qu’ils nous ont très clairement demandé de démissionner. Pour être tout à fait clair, sachez qu’en entrant en réunion au siège du MR avec nos mandataires, Philippe Sonnet et moi, nous n’avions pas cette intention! Nos mandataires nous ont convaincu que c’était l’intérêt de Charleroi de poser un acte fort. En allant vers la maison de la presse pour annoncer cette décision, j’ai appelé Didier Reynders. Il m’a répondu: «Es-tu certain de la décision qui a été prise ? ». Je veux dire par là qu’il n’a donné aucun ordre. Il était plutôt sur pris, mais il a respecté le débat démocratique au sein du MR de Charleroi.

 

Sans le PS, il n’est pas possible de former une majorité pour gouverner Charleroi. Dès lors, ne se trouve-t-on pas désormais dans une impasse?

C’est ce que prétendent certains en criant à «l’irresponsabilité» des échevins MR. Moi, je vois que le CDH n’est pas du tout embarrassé de travailler avec le partenaire socialiste dans ces conditions. Ils ont une majorité. Si le CDH estime devoir mettre son éthique et ses convictions de côté pour continuer avec le PS sans rien changer, c’est son problème. Son cas de conscience à lui.

 

André Antoine (CDH) a clairement dit aussi qu’il faudra un troisième partenaire pour reformer un pacte de majorité à Charleroi...

C’est le seul CDH à dire cela! Et c’est de nouveau une façade électorale! Qu’a déclaré Joëlle Milquet dès le lundi soir? «Nous restons! ». Le CDH est très accroché à son siège d’échevin. Et pour cela, il en arrive à cautionner les manoeuvres du PS après en avoir été scandalisé. Ce parti, comme à son habitude, est capable de toutes les contorsions pour avoir un petit bout de pouvoir! Pour que l’on ne parle plus de tout cela jusqu’aux élections, la majorité résiduelle a décidé de mettre la ville en affaires prudentes. On fait miroiter qu’après le scrutin, dans le calme revenu, toutes les familles démocratiques reviendront autour de la table, que le MR pourrait même revenir dans la majorité... Tout cela n’est que stratégie électorale ! Nous le savons de mandataires CDH: dans ce parti, on connait déjà les noms des échevins qui nous remplaceront. Leur stratégie consiste à mettre le voile pendant les dix jours qui nous séparent de l’élection. Ensuite, mais ensuite seulement, vous verrez que tout sera limpide! D’ailleurs, le PS est beaucoup plus clair sur ce point. Il a déjà annoncé la couleur en laissant entendre que le pacte de majorité modifié le conduira à gouverner avec le seul CDH. Bien évidemment!

 

Et si on vous propose tout de même, de revenir?

Dans les circonstances actuelles, c’est niet. Mais nous avons énoncé lundi plusieurs conditions indispensables pour accepter une éventuelle discussion d’ouverture. Une communication sans ambiguïté sur la démission de Demacq. Que le collègue décide collégialement de la redistribution des compétences de cet échevin démissionnaire; que la majorité prenne conscience de la véritable ampleur de la situation dans la quelle se trouve l’administration communale de Charleroi : sans une administration motivée, performante et bien gérée, aucune politique ne peut être mise en place.

 

Vous pourriez donc envisager de retravailler avec des personnes comme MM. Casaert et Parmentier, qui ont appartenu à l’ancienne majorité socialiste absolue?

Non, aujourd’hui, je ne commettrais pas la même erreur.

 

Si c’est pour revenir, ce serait donc sans Casaert?

Oui.

 

Un retour aux urnes serait-il souhaitable?

Ce serait la meilleure solution. On nous a déjà volé les élections en octobre 2006 puisque l’appareil judiciaire s’était calmé durant le mois de septembre qui précédait... Pour inculper Jacques Van Gompel au lendemain du scrutin communal alors qu’il était tête de liste ! On ne m’enlèvera pas de l’idée que si le judiciaire avait suivi son cours normal, le résultat de ce vote au rait été bien différent. Oui, je pense que la situation exceptionnelle que connaît Charleroi aujourd’hui mériterait un remède exceptionnel. Que l’on consulte une nouvelle fois l’électeur !

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