Sac de nœuds
Chronique Si on me laisse dire, publiée dans le quotidien belge "La Dernière Heure", en marge du procès de Marc Dutroux et consorts (3 - Le 3 mars 2004)
« Toute personne impliquée dans ce procès historique a une responsabilité pour la recherche de l’ultime vérité. Il y a tellement de questions sans réponse, depuis tellement d’années. Vous devez la vérité aux victimes. » Hier, Me Quyrinen, l’avocat des Marchal, a pris pour la première fois la parole. Non sans émotion, il nous a rappelé ce qui est au centre du procès d’Arlon : la recherche de la vérité sur le sort des victimes de Marc Dutroux et consorts. La recherche de la vérité, notamment, sur la nature et surtout le mobile des sévices infligés à une « jeune fille de 17 ans ». A « une jeune fille qui ne devait pas mourir ». Certes, l’appel lancé par la famille d’An aux accusés pour qu’ils disent enfin «la seule et vraie vérité » apparaîtra peut-être naïf. Les sept années d’instruction menées à Neufchâteau ont démontré à suffisance que les quatre personnes qui sont dans le box ont la même propension à mentir et mentir encore. Peut-être, Me Vercrayes, l’avocat de la famille d’Eefje Lambrechts, est-il plus lucide en pronostiquant que, d’ores et déjà, «il faut s’attendre à tout entendre de la bouche des accusés » … Sauf la vérité.
Comment les jurés vont-ils s’y retrouver ? C’est peut-être la vraie question du jour, car même du côté des victimes, le discours est loin d’être univoque. Me Jan Fermont, l’avocat de Laetitia Delhez, voudrait en savoir plus sur l’association de malfaiteurs qui est jugée à Arlon : " Ma cliente sait qu’elle a été enlevée, mais elle ne sait pas pourquoi. Pour quel dessein ? Dutroux s’est contenté de deux explications : il voulait agrandir sa famille ou alors il voulait livrer une copine à Sabine Dardenne. C’est une insulte à l’intelligence des victimes et surtout, c’est odieux. Cela revient à faire de Sabine le commanditaire de l’enlèvement de Laetitia ! Ma cliente veut une vraie réponse. » Sans évoquer l’existence, non étayée par le dossier, d’un réseau pédophile impliquant de hautes personnalités du Royaume, la défense de Laetitia confirme donc qu’elle ne croit pas, pour autant, à la thèse d’un Dutroux isolé. Problème : le conseil de Sabine Dardenne, Me Rivière, ne va pas du tout dans ce sens et on ne peut certainement pas lui reprocher de s’être privé de le faire savoir, médiatiquement, depuis plusieurs semaines. Ici, le discours se résume à « Sabine n’a vu que Dutroux, il n’y a donc que Dutroux ». Ce qui fut aussi, on le sait, l’a priori de l’instruction menée par le juge Langlois.
Julie et Melissa, elles, ne sont pas représentées. Et pour ajouter à la confusion… c’est l’avocat de Dutroux qui occupe le vide. Mᵉ Magnée reprend à son compte, une multitude de critiques de l’instruction qui, ces dernières années, furent aussi celles des parents des fillettes enlevées à Grâce-Hollogne. C’est notamment cet avocat qui, désormais, se plaint que l’on ne sache pas exactement comment ces deux enfants ont été kidnappées, le 24 juin 1995. Il ne faut tout de même pas exagérer ! N’est-ce pas à son client d’éclairer enfin la justice et les familles à cet égard ? Sans doute, Me Rivière a-t-il raison de souligner que l’avocat de Dutroux crée un « écran de fumée » en évoquant, les unes après les autres, toutes les zones d’ombre du dossier d’instruction. Mais là encore, il s’agit d’être nuancé. Car dans le flux des ‘tuyaux crevés’ évoqués par le ténor du barreau bruxellois – les fouilles de Jumet, la secte Abrasax…- il y a aussi des vraies questions qui restent à ce jour sans réponse.
Il en va notamment de ces analyses scientifiques qui ont révélé la présence de 26 ADN d’inconnus dans le dossier de Neufchâteau. En ce compris, cette tache de sang découverte le 15 août 1996 dans la cache de Marcinelle. Son étude ayant fait ressortir des traces de l’ADN de Julie Lejeune mêlé à celui d’un inconnu. Qui est cette personne de sexe indéterminé qui est entrée dans le sinistre cachot construit par Marc Dutroux ?