12 Mai 2011
Article publié dans l'hebdomadaire "Paris Match Belgique", le 12 mai 2011.
La libération de Michelle Martin est une tache qui salit un système judiciaire belge déjà tellement décrié. Une justice inefficace dans ses recherches: le psychopathe récidiviste Dutroux, avec sa complice de femme et deux bras cassés, a pu enlever six fois des enfants, violer des dizaines de fois, tuer cinq fois... Avant qu'il soit enfin arrêté en août 1996, et que toute la Belgique constate, effarée, les yeux remplis de larmes et d'effroi, que ce tueur aurait dû être empêché de nuire quelques jours après les premiers de ses enlèvements, en juin 1995.Une justice lente à instruire les faits : il a fallu huit ans pour que la cour d'assises d’Arlon entame le procès de Dutroux, Martin et consorts. Sur base d'un dossier gruyère ne répondant pas à des questions essentielles comme les circonstances de la mort de plusieurs victimes.
Ce n'est pas qu'une obstination de bon aloi dans la quête de la vérité ait débouché sur un mur infranchissable. Non, malheureusement, ce n'est même pas l'explication: le mur a été édifié par la justice elle-même, laquelle a totalement éludé des points cruciaux de cette affaire. Le plus symbolique de ces errements judiciaires a sans aucun doute été accrédité par l'histoire racontée par Dutroux et Martin sur les circonstances de la séquestration de Julie Lejeune et de Melissa Russo dans la sinistre cache de Marcinelle. Et plus particulièrement, le roman bête et stupide que cette même justice a accepté d'accréditer, à savoir le fait que deux petites filles de 8 ans auraient pu survivre dans ce réduit, sans jamais en sortir, sans approvisionnement, pendant plus de trois mois !
Ce qui nous amène tout droit à Michelle Martin. Celle qui n'a pas nourri ces enfants pendant qu'ils étaient séquestrés. Celle, surtout, qui n'a jamais tout dit sur les circonstances de leur mort. Pas seulement au procès, comme tous les observateurs du grand barnum d'Arlon en 2004 l’avaient constaté... Non. Depuis toujours. Dès le premier jour de l'enquête de Neufchâteau. Qui se souvient aujourd'hui qu'au moment des arrestations de 1996, Michelle Martin fut la dernière à lâcher des aveux qu'il n'était plus possible d'éviter, vu les confessions préalables de Marc Dutroux et Michel Lelièvre ? Elle a menti dès le premier jour de l'enquête, elle a menti pendant le procès, elle continue à mentir. Et peut-être sans doute à se mentir à elle-même en se présentant comme étant seulement la victime dominée de celui dont elle était plutôt la complice active.
Doit-on rappeler ici que cette femme, qui a connu Dutroux en 1981, était déjà sa complice en 1986, dans un premier dossier d'enlèvements d'enfants, de séquestration et de viols? Faut-il souligner qu'elle l'a épousé après, en 1988? Doit-on rappeler ici que celle qui a voulu se faire passer pour une future nonne au procès d’Arlon, se laissait prendre comme une chienne par Dutroux, sur une chaise, le 20 mars 1996. Un jour que la justice venait de libérer cette crapule ? Etait-ce les bruits de cet accouplement ou les râles des enfants en train de mourir d'épuisement et de faim dans la cave qui étaient le plus perceptibles ce jour-là? A moins que ces enfants ne fussent déjà plus là, déjà enterrés ailleurs? Où étaient-ils, Martin, où étaient-ils ? Comment sont-ils morts ? Doit-on rappeler que pendant que Dutroux enfouissait des corps à la pelleteuse, cette femme qui va être libre lui faisait des tartines ? Que pendant qu'il enlevait et violait, elle fermait les yeux ? Et que quand il mentait, qu'il se créait des alibis, elle mentait avec lui?
Doit-on citer ses mensonges innombrables ? Comme cette déclaration qu'elle faisait en août 1996 : " Vous m'informez que, sur indication de mon mari. Marc Dutroux, trois cadavres ont été découverts dans mon jardin à Sars. Selon Marc, il s'agit des corps de Julie et Melissa et de Weinstein Bernard. Je suis consternée. C'est horrible de la part de mon mari. Je ne comprends pas pourquoi il a tué des petites filles comme ça. Je vous certifie que je n'étais pas au courant de la présence de ces corps dans mon jardin. (...) Vous me dites que les enfants enlevés par Marc étaient enfermés dans une pièce cachée dans la maison de mon mari à Marcinelle. Je connais cette maison pour y avoir habité entre 1991 et mi-1994. Je n'ai jamais vu de pièce cachée dans cette maison."
Bien sûr, plus tard, il y eut des aveux. Mais ils sont apparus quand il n’y avait plus de possibilité de tout nier en bloc. Bien sûr, il y eu le divorce d'avec Dutroux, mais ce fut quand la stratégie de la femme terrorisée apparut dans le cadre de la défense de Martin au procès d’Arlon. A-t-on le droit, après tellement d'horreurs passées (et à venir?) d'estimer que cette personne qui va être libérée n'est pas crédible? Combien d'enfants auraient-ils dû mourir pour que cette femme ne soit pas relâchée dans la société ? Quel mauvais signal! Quel message la justice fait-elle passer là ? Que va faire le législateur pour que cela ne puisse plus arriver (alors qu'il était prévisible depuis longtemps qu'on y arriverait) ?
Plus jamais cela, ne jamais oublier... Nous voilà donc revenus à des mots clés qui étaient répétés dans la société belge traumatisée de la fin des années 90. Cette décision judiciaire est plus qu'une tache. C'est une salissure. Indélébile et honteuse. Incompréhensible pour tous les citoyens de ce pays. Bien sûr, oui, bien sûr, il y aura des juristes, ces jours-ci, pour expliquer l'injustifiable. Pour décoder. Pour qu'on ne voie plus que dans cette affaire encore, la justice a été plus prompte à libérer qu'à protéger la société. Voire pour tendre des doigts accusateurs vers ceux qui s'indignent du retour dans la société de l'ex-Mme Dutroux.
Il y aura aussi des snobs et des personnes qui croiront paraître intelligents en se distanciant de la rue. De ces «clients du Café du commerce " qui ne comprennent décidément rien au fonctionnement de la justice. En Belgique, il suffit d'ailleurs bien souvent de prendre le contre-pied de l'opinion commune, celle du bon sens, pour obtenir le statut d'intellectuel courageux...
Si vous avez du mal à croire que la libération de Michelle Martin est une bonne chose pour la société, la justice, la confiance dans nos institutions. , ne doutez pas de vous. Même si des serviteurs du prêt-à-penser institutionnel essaient de vous convaincre du contraire. Une perverse vient de bénéficier d'une perversion du système qui permet aux personnages les plus abjects de jouir de droits justifiés pour d'autres, ceux et celles qui méritent vraiment une seconde chance.
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