Chronique « Si on me laisse dire » publiée dans le quotidien « La Dernière Heure » en marge du procès de Dutroux et consorts – 21 – Le 30 mars 2004
Depuis que des jurés et des avocats posent des questions, l’instruction Langlois s’écroule comme un château de carte. Les déposition des premiers témoins dans le cadre de l’enlèvement de Julie et Melissa» ont accentué le sentiment que, dans ce dossier, on semble avoir flirté avec le «degré 0» de l’enquête judiciaire. Premier constat : pratiquement toutes les personnes entendues hier avaient témoigné en 1995 ou en 1996 et elles n’avaient pas été réentendues depuis lors. Pas même lorsqu’il s’est agit en juin 2000 de reconstituer l’enlèvement de Julie et Melissa.
Ainsi cette dame qui pense avoir reconnu Diakostavrianos sur le pont de l’autoroute à côté de deux petites filles qu’elle croit être Julie et Melissa n’a jamais eu l’occasion de consulter l’album photo des enquêteurs. Ainsi ces deux témoins qui sont formels pour avoir identifier Lelièvre, fouillant des buissons, au lendemain du rapt, n’ont jamais été invités à identifier le suspect derrière une glace sans tain. Quelle importance que tout cela puisque le juge disposait du témoignage de Martin accusant Dutroux et Weinstein de l’enlèvement… Quelle importance, puisque ce même juge était persuadé de pouvoir reconstituer l’enlèvement sur la seule base du témoin Marie-Louise Henrotte…
On savait déjà que le récit de la vieille dame était sujet à caution en raison de ses imprécisions. Elle décrivait notamment une petite fille qui portait… une jupe. On savait aussi que le «raisonnement» de l’enquête, articulé autour de ce témoignage, faisait fi des contradictions qu’il recelait par rapport à la version de Martin. Pour cette dernière, Dutroux réalise le rapt alors qu’il est passager d’un véhicule. Pour Henrotte, l’auteur du rapt est le conducteur… A cela s’ajoute maintenant le témoignage du maître chien qui est intervenu sur le chemin de Fexhe dans la soirée du 24 juin 1995.
Paul Jacquet, c’est de lui qu’il s’agit, a été formel : la trace que son chien a suivie était bien celle de Julie Lejeune et de nulle autre personne. La piste a été entamée sur le chemin de Fexhe, elle s’est poursuivie sur le pont de l’autoroute pour conduire, notamment, sur la bande d’arrêt d’urgence dans le sens Liège-Namur. Traduction : Julie et Melissa sont donc arrivées jusqu’au pont et même au delà.
M. Langlois avait-il compris que cela ne collait pas avec le témoignage de Mme Henrotte? Oui! Ne faisons pas insulte à son intelligence… Sa déduction ? Le chien pisteur devait alors se tromper! Ainsi, le magistrat avait exposé aux jurés que la maman de Julie avait certainement touché la taie d’oreiller reniflée par le chien. L’animal aurait alors suivi la trace des premières recherches faites par les mamans de Julie et Melissa peu de temps après l’enlèvement… Cet «argument» a été balayé par M. Jacquet. Il s’avère que la taie d’oreiller a été prise dans les règles de l’art et que «le lit de Julie était complètement défait!». Sa maman n’y avait donc pas touché, pas plus qu’à la taie.
Dois-je vous préciser qu’hier, c’était la première fois que M. Jacquet est interrogé… depuis 1995?