Chronique « Si on me laisse dire » publiée dans le quotidien belge « La Dernière Heure » en marge du procès de Marc Dutroux et consorts – 16 -23 mars 2004
Le 17 août 1996, deux petits corps étaient retirés de terre à Sars-la-Buissière. C’était ceux de Julie Lejeune et Melissa Russo. Toute la Belgique était sous le choc. Mais dans un bureau d’Arlon, une femme qui aurait pu sauver ces enfants, une femme qui savait où elles se trouvaient alors qu’elles étaient encore en vie, une femme qui avouera plus tard qu’elle fut « « incapable » d’aller les nourrir alors qu’elles étaient séquestrées dans un cachot de Marcinelle, une femme qui s’appelle Michelle Martin… gardait tout son self-control.
Interrogée par deux enquêteurs, elle leur déclarait ceci : « Vous m’informez que, sur indication de mon mari, Marc Dutroux, trois cadavres ont été découverts dans mon jardin à Sars. Selon Marc, il s’agit des corps de Julie et Melissa et de Weinstein Bernard. Je suis consternée. C’est horrible de la part de mon mari. Je ne comprends pas pourquoi il a tué des petites filles comme ça. Je vous certifie que je n’étais pas au courant de la présence de ces corps dans mon jardin (…) Vous me dites que les enfants enlevés par Marc étaient enfermés dans une pièce cachée dans la maison de mon mari à Marcinelle. Je connais cette maison pour y avoir habité entre 1991 et mi-1994. Je n’ai jamais vu de pièce cachée dans cette maison. »
Martin a menti de cette manière du premier jour de son arrestation (13 août 1996) jusqu’au 28 août 1996. Martin a menti notamment quand les perquisitions du 13 août à Marcinelle n’avaient pas permis de libérer Sabine et Laetitia. Exactement de la même manière qu’auparavant quand elle aurait pu sauver Julie, Melissa, An et Effje… Mais hier, un enquêteur répondant au nom de Masson, est venu dire aux jurés de la cour d’assises d’Arlon qu’en fait Martin ne mentait pas vraiment… En effet, et je vous avoue que je n’y avais pas pensé, il faut comprendre qu’à ce moment-là, Mme Martin était tout simplement victime d’un « blocage ».
Comprenez-bien, explique cet enquêteur-psychologue (à moins que ce ne soit l’inverse ?), elle a « revécu des sensations de 1986. Quand elle a été arrêtée, elle avait sa petite Céline sur les bras. En 1986, c’est Frédéric qu’elle avait sur les bras. Elle était en sanglot. Elle était fatiguée nerveusement et physiquement dès lors elle se montrait renfermée. (…) Elle a d’ailleurs fait une crise d’hystérie quand il a fallu qu’elle se sépare de son enfant ». Plus loin dans l’exposé, M. Masson soulignera dans la même phrase que « Martin avait peur. Elle avait peur de Dutroux, elle avait peur d’aller en prison, elle avait peur de perdre ses enfants, elle avait peur des enfants dans la cache. »
Moi aussi, j’ai peur ! Vraiment. J’ai peur d’avoir entendu un exposé particulièrement orienté hier à la cour d’assises d’Arlon. On sait que pour certains enquêteurs, les rôles dans cette affaire sont clairement définis : Dutroux, le monstre. Lelièvre, le tox manipulé. Martin, la femme soumise qui a tellement aidé les investigations et, bien entendu, Nihoul qui n’a rien à voir avec toute cette sinistre affaire ou si peu. On a eu confirmation de cela, hier, avec les témoignages de MM. Demoulin et Masson, deux ex- « chef d’enquête ». On a eu une autre confirmation hier. Certains policiers récitent bien. Mais leur texte est décidément mauvais. Parfois même de mauvais goût.