Chronique « Si on me laisse dire » publiée dans le quotidien belge « La Dernière Heure » en marge du procès de Marc Dutroux et consorts -31- 15 avril 2004
«Pourquoi ne vendrais-tu pas tes filles, cela rapporterait beaucoup d’argent!». Bienvenue dans l’univers relationnel de Dutroux… Vous venez de découvrir, ci avant, un extrait de conversation entre deux de ses connaissances, le dénommé Gérard Pinon et son pote Daniel Jacobs. C’est Christelle D. qui rapporte cette discussion. Elle l’a entendue alors qu’elle avait 13 ou 14 ans. Selon elle, c’est Pinon qui prodiguait ainsi un «conseil d’ami» à Jacobs. Un souvenir marquant pour Christelle. Et pour cause ! Elle était concernée au premier chef. Certes, cette femme qui est aujourd’hui âgée de 25 ans n’a pas fini sur le trottoir. Pour autant, elle n’a pas échappé aux sévices corporels. Comme ses frères. Comme sa sœur. Elle n’a pas pu éviter non plus d’être violée par son beau-père. Ce dernier se trouve désormais à sa juste place. C’est-à-dire qu’il croupit en taule. Pour utiliser le langage de circonstance, Jacobs va en être «extrait», ce jour, pour raconter au jurés d’Arlon le vieux temps des «copains».
Car, parmi les amis de ce Thénardier, il y avait aussi un certain Bernard Weinstein. Le Français s’était mis en tête de séduire Christelle. Mais la jeune fille n’avait guère d’intérêt pour ce truand bien trop âgé, bien trop sale, bien trop bizarre. Mais ces gens-là, on ne choisit pas. Christelle a donc reçu l’ordre de fréquenter Weinstein. Daniel l’exigeait. Sans doute, un «service entre amis». Comme le disait Dutroux, la semaine dernière, «entre gangsters, on trouve toujours un arrangement».
Ce procès s’enfonce dans un milieu de plus en plus glauque. Une sorte de «quart-monde moral» pour reprendre l’expression de Me Quyrinen, l’avocat de la famille Marchal. Les témoins que l’on entend ont un trait commun : rien ne semble vraiment les choquer, leurs souvenirs sont fragiles et l’on sent très bien que leurs problèmes de mémoire sont plus liés à un instinct de protection qu’à l’usure du temps. A cet égard, il est frappant d’entendre le témoignage d’Eric B. Certainement un brave homme que ce retraité. Il est venu raconter ses expériences de voisinage avec Weinstein. Notamment que «tous les soirs vers 22 heures, Bernard partait avec son camion plateau. Régulièrement, il revenait le matin avec un véhicule dessus». Cela va de soi, non ? Une autre fois, Monsieur B. s’est senti interpellé par le fait que Weinstein «découpait» un camion. Soyons précis : ce n’est pas cette activité particulière qui avait attiré l’attention du témoin car «Bernard faisait souvent ce genre de travail. En deux ou trois jours, il faisait disparaître un poids lourd». Mais cette fois là, le camion lui semblait tout à fait neuf. Pourquoi, c’est vrai, casser un si beau camion ! Weinstein lui expliquera que le moteur était mort et qu’il était plus évident de revendre les pièces. Évident, non ? Passons notre chemin.
Chez Jacobs, Pinon et Weinstein, entre deux discussions sur les filles, on parlait beaucoup de voitures et de camions. Mais Dutroux est formel; Il n’a rien à voir avec ces histoires. D’ailleurs, il n’a pas tué Weinstein et il n’est responsable de la mort d’aucune de ses victimes… Pour suivre un procès comme celui-là, on devrait fournir ces petits sacs qui se trouvent aussi dans les avions.