Chronique « Si on me laisse dire » publiée dans le quotidien belge « La Dernière Heure » en marge du procès de Marc Dutroux et consorts
(Illustration : Alfredo Lopez)
Il y a un os (44- Le 5 mai 2004)
Monsieur l’ex-gendarme René Michaux peut dormir tranquille. En 2002, la chambre du conseil de Neufchâteau a prononcé un non-lieu en ce qui le concerne lui et d’autres enquêteurs qui avaient «dysfonctionné» dans l’affaire Dutroux. Exit la plainte déposée à leur encontre par les parents de Julie et Melissa. Légaliste, le procureur du Roi Bourlet l’a rappelé hier : «cela veut dire que, sauf faits nouveaux, l’action pénale est éteinte». Idem, sur le plan disciplinaire : pas de suite. Me Rivière a bien défendu son client. En plus, en acceptant d’endosser le rôle de policier le plus con du Royaume, René Michaux a reçu la bénédiction de la plupart des médias. Souvenez-vous des émouvants textes que l’on a pu lire à l’ouverture du procès d’Arlon, de ces séquences télévisées sur ce «pauvre homme» trop critiqué; La thématique du «petit qu’on s’potche», ça fonctionne toujours bien dans les chaumières.
Hors le roman journalistique, il y a cependant une réalité : l’ex-gendarme n’a jamais été «s’potché». Ainsi après l’affaire Dutroux, il se vit confier d’importantes responsabilités dans le cadre des enquêtes sur la mafia russe. Certes, Michaux a été fort cuisiné par la Commission d’enquête parlementaire. Mais est-ce un crime d’avoir convoqué à plusieurs reprises un témoin qui tantôt ne répondait pas aux questions qui lui étaient posées, tantôt répondait à côté, tantôt encore se contredisait de manière manifeste ? Est-ce cela qui, in fine, doit faire aujourd’hui l’objet d’une indignation ? Où est-ce le fait qu’après tous ces interrogatoires, personne ne parvienne à comprendre le sens de la pièce tragique écrite en 1995 par la gendarmerie avec, pour acteur principal, René Michaux ?
Cette dernière question est particulièrement mise en lumière par le procès d’Arlon. J’ai déjà évoqué les cassettes vues ou pas vues, celles qui ont disparues, les «chuchotis» entendus dans la cave de Marcinelle qui seront officialisés par Michaux neuf mois plus tard… le jour de la découverte des corps de Julie et Melissa. Lundi, Patrice Rary, un policier de Charleroi a évoqué un rapport qu’il avait écrit en 1996 alors que René Michaux et un de ses collègues s’étaient opposés à une perquisition chez une voisine de Dutroux. Madame C., une dame aux mœurs légères, semble-t-il, était une informatrice… Ce même policier a aussi indiqué que ses services avaient donné un tuyau à Michaux, le 7 mars 1996 : Martin qui était passée à l’Hôtel de police pour récupérer des objets saisis semblait perturbée. Donc, c’était peut-être le moment de l’interroger. Plus tard, dit M. Rary, il a sera stupéfait en constatant qu’en date du 8 mars 1996, Michaux avait rédigé un PV pour indiquer qu’il n’avait pu trouver la trace de la femme de Dutroux pour l’interroger.
M. Bourlet semble aussi stupéfait. Hier, il l’a dit : «J’ai un os dans le gosier depuis huit ans». Et d’évoquer les perquisitions du 13 août 1996. Il n’y a toujours aucune explication au fait que le chien pisteur n’ait rien reniflé dans la maison de Marcinelle où Laetitia s’était trouvée à tous les étages. Alors qu’une heure plus tard, le même chien fixera l’odeur de la victime dans la Renault Trafic de Dutroux. En plus, Michaux avait dit à la Cour que cette perquisition «minutieuse» avait duré «48 heures» alors qu’elle n’a duré que deux petites heures. Et ce n’est le 22 août 1996 que d’autres gendarmes, visitant correctement les lieux, découvriront ce qui s’y trouvait déjà le 13 : les lettres de Sabine Dardenne. Des documents qui auraient évité 48 heures de détention supplémentaire pour les deux dernières victimes de Dutroux qui ne seront libérées que… le 15 août sur les indications de leur ravisseur.