Chronique « Si on me laisse dire », publiée dans le quotidien belge « La Dernière Heure », en marge du procès de Marc Dutroux et consorts
«Vous regarderez bien une cassette porno ?» (49 – Le 12 mai 2004)
Fabienne F. a fait une partie de ses études d’institutrice avec Michelle Martin. A l’époque, la deuxième accusée du procès d’Arlon était une jeune fille «secrète mais agréable. Un peu pince sans rire, elle avait le sens de l’humour». Outre le fait que Michelle Martin était fort tenue par sa mère, qu’elle ne pouvait pas sortir énormément, «il n’y avait rien à signaler dans son comportement si ce n’est qu’elle était un peu fo-folle quand nous étions en sortie avec les copains. Sans doute, suppose Fabienne, «était-ce parce qu’elle profitait lors de ces moments-là du fait que la bride était un peu relâchée».
Comme beaucoup de témoins, hier, Fabienne F. a confirmé que la relation fusionnelle de Michelle Martin avec une mère trop possessive et trop protectrice ne l’a pas préparée à son entrer dans le monde des adultes. Celui où l’on doit assumer ses actes et leurs conséquences. Alors qu’elle vivait encore à Waterloo, Michelle Martin était une petite poupée choyée et coquette. Elle allait tous les quinze jours acheter de nouveaux vêtements. Elle dormait avec maman et n’avait pas de passions ou de hobbies. C’était une vie en vase clos. Une sorte de prison dorée dans laquelle un enfant ne peut pas mûrir. En ce sens, Michelle Martin était certainement un oiseau pour le chat lorsque Dutroux l’a rencontrée.
Si des témoins ont par ailleurs confirmé que Michelle Martin avait été l’objet de violences de la part de Marc Dutroux, voire qu’elle avait été réduite à devenir sa chose, d’autres ont aussi constaté que l’accusé semblait s’être volontairement installée dans une vie dénuée de tout sens moral. C’est là, il est vrai, la caractéristique des «témoignages de moralité» lors des procès d’assises : on entend généralement tout et son contraire.
Cependant, certaines anecdotes en disent long. Revenons à Fabienne F. En 1984, Michelle Martin l’invite à Goutroux. Cela se passe quelque temps après qu’elle se soit installée avec Marc Dutroux. Le témoin raconte : «J’ai découvert une autre femme. Dans la maison, il y avait un désordre indescriptible. Comme entrée en matière, elle m’a expliqué que, peu de temps avant mon arrivée, un copain de son compagnon était passé à la maison et qu’elle lui avait passé une cassette porno pour patienter en attendant l’arrivée de son compagnon.Je n’ai pas relevé…». Il est question ensuite d’une sortie au restaurant. Fabienne F. raconte : «Elle a voulu mettre son bébé au lit avant de partir en expliquant que de toute façon, il faisait sa nuit. Je n’ai pas accepté et, in fine, on est parti avec le petit Frédéric». La soirée s’achèvera dans une boîte tandis que le nourrisson était remisé dans la voiture…
«A l’époque, explique Fabienne F., «Martin m’avait expliqué que son compagnon était parti tous les week-end pour aller voir les filles. Et elle ne semblait pas s’en émouvoir plus que cela. Je me suis dit que c’était leur façon de vivre. Plus tard, lors d’une autre sortie avec elle, j’ai remarqué qu’elle ne se privait pas de se laisser draguer. ‘De toute façon, disait-elle, Marc vivait de la même manière’. Plutôt que soumise, elle me paraissait envoûtée par son homme».