Chronique « Si on me laisse dire », publiée dans le quotidien belge « La Dernière Heure », en marge du procès de Marc Dutroux et consorts. 30- Le 14 avril 2004
La Cour d’assises d’Arlon revient aujourd’hui sur les circonstances de l’assassinat de Bernard Weinstein. Ce français originaire de Nantes avait déjà un fameux cursus criminel avant de venir s’installer en Belgique. Connu outre-Quiévrain pour prises d’otage et vols avec violence, il n’a cependant jamais été condamné pour des faits de mœurs. Plusieurs personnes qui l’ont connu viendront raconter au tribunal que Weinstein ne donnait pas l’impression d’être un sanguinaire. Un type bizarre, peu bavard, vivant en reclus. Presque comme un «rat». Sans doute. Sale et secret. Certes. Mais pas un tueur d’enfants. Plutôt un type habile de ses mains pour voler et «maquiller» des voitures.
C’est ce que ces témoins diront mais pour autant les jurés pourront-ils tirer la conclusion que Weinstein ne serait dans ce dossier que «le mort qui a bon dos», voire même qu’il serait innocent des faits d’enlèvements et de mœurs dont l’accuse Marc Dutroux ? Ce serait un peu vite aller en besogne. Le passé de Weinstein renseigne aussi des comportements pour le moins interpellant –quant à son rapport à la sexualité ou à la commission de violences gratuites contre des personnes ou des animaux… En fait, la question de la personnalité de Weinstein représente, à elle seule, l’une de ces innombrables zones d’ombre de l’affaire jugée à Arlon. Celle-ci, plus que d’autres encore, ne sera pas levée par le procès. Tant il est déjà paru évident lors de la dernière audience de la Cour que personne ne semblait particulièrement s’y intéresser.
Comme l’a dit justement le juge Langlois, Weinstein est bien l’un des grands absents de ce procès. On complètera utilement ce constat en soulignant qu’il n’y a personne sur le banc des parties civiles pour demander des comptes à Dutroux sur la séquestration, les tortures infligées au Français et sa mise à mort : il a été enterré vivant. Depuis que le cadavre de ce truand a été découvert à Sars-la-Buissière, sa famille a pris pour option prioritaire d’essayer de tenter de ne pas être éclaboussée par le scandale qui entoure le dossier Dutroux.
Pour dire les choses de manière policée, la Cour d’assises d’Arlon ne devrait donc pas accroître son retard lors des deux prochaines audiences. Cela ne veut pas dire forcément que les débats seront inintéressants. Ils permettront de plonger un peu plus encore dans ce petit monde interlope des ferrailleurs et des trafiquants divers et variés de Charleroi et alentours. Un milieu secret. Polycriminel. Un univers où tout semble pouvoir s’acheter et se vendre pour autant que l’on puisse payer.
Cependant, soyons clair, contrairement à un discours communautariste qui se fait parfois entendre au procès dans la bouche d’avocats néerlandophones, le fait qu’il y ait une pègre active sur les terres carolo n’est pas une spécificité locale! On pourrait par exemple renvoyer au témoignage de cet ex-voisin de l’hôtel Brazil. Entendu la semaine dernière, cet homme nous a clairement exposé à quel point un dangereux proxénète comme Marcel Marchal, connaissance par ailleurs de plusieurs personnes de la sphère Dutroux, avait pu développer ses activités criminelles – traite des êtres humains- en bénéficiant trop longtemps d’une certaine impunité à Blankenberg. Ce n’est pas pour cela que l’on en déduit que toute la Flandre et plus spécifiquement l’arrondissement judiciaire de Bruges seraient gangrenés par la mafia des trafiquants d’êtres humains!