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A Liège, certains transformeraient-ils l’eau en or ?

Michel Bouffioux par Michel Bouffioux
4 décembre 2008
dans Enquêtes, Paris Match Belgique
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Une affaire évoquée dans le cadre de « L’Info Confidentielle Paris-Match » sur RTL/TVI, un texte publié le 30 novembre 2008 par hebdomadaire Paris Match Belgique, le 4 décembre 2008.

 

michel-cile-logoDoyenne des intercommunales dans sa province, la Compagnie intercommunale liégeoise des eaux (CILE) fournit 535 000 habitants en eau potable dans 23 communes. Tous les chiffres du tableau de bord de cette société sont impressionnants : plus de 70 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2006, plus de 20 millions d’euros d’investissements par an… 25 millions de m3 d’eau en production propre, 11 millions de m3 achetés. 370 agents. 3 304 kilomètres de conduites. La CILE est une affaire qui marche et il n’y a pas de raison que cela change, la consommation d’eau étant un besoin primaire pour chacun de ses clients. Sur son site internet, l’intercommunale revendique fièrement sa santé financière en soulignant que « depuis 1996, la CILE investit uniquement sur ses fonds propres pour le développement et le renouvellement des infrastructures». Et ce dans le cadre d’une « croissance continue ». Ces dernières années, par manque de contrôle interne, cette intercommunale florissante – dont le conseil d’administration pléthorique compte des représentants politiques de toutes les tendances – a-t-elle jeté l’argent par les fenêtres ? Certains de ses dirigeants ont-ils contourné la législation sur les marchés publics ? Des prestataires de travaux commandés par la CILE ont-ils profité d’un certain laxisme ? S’en sont-ils mis plein les poches en escroquant l’intercommunale ? Ce sont les questions que pose le témoignage de Benoît Nicolay, un homme qui a tout déballé en juin dernier à la Police fédérale, conduisant la justice liégeoise à ouvrir une instruction et à perquisitionner dans les locaux de la CILE.

Pour la première fois, ce témoin se confie. Benoît Nicolay : « J’ai toujours vécu dans les environs de Tihange où, autrefois, mon père était un élu local. Au milieu des années 1980, j’ai orienté ma carrière vers l’installation de chauffage central et de sanitaires. Ma petite entreprise tournait bien. J’avais des clients réguliers et parfois imposants, notamment des établissements scolaires. En 2002, je me suis mis à la recherche d’un nouveau gros contrat. Une personne qui fréquentait le même cercle d’influence que mon père m’a dit que je gagnerais à prendre rendez-vous avec José Stes, qui était à l’époque le directeur général de la CILE. ».

Vous avez suivi ce conseil ?

Oui, j’ai été reçu au siège de l’intercommunale à Angleur et je n’ai pas été déçu. Je me suis vu offrir le marché du remplacement des compteurs à eaux. Il faut savoir qu’à échéance fixe – tous les douze ans – ces appareils de mesures doivent être renouvelés, car l’usure leur fait perdre de la précision. Il m’était juste demandé de proposer un prix à l’unité. J’ai donc suggéré 8,50 euros par compteur remplacé. La messe était dite. J’avais le contrat.

Pas d’appel d’offres, pas de cahier des charges ?

Non.

C’était un marché important ?

Il portait sur plus ou moins 15 000 compteurs à remplacer par année (la CILE compte plus de 230 000 compteurs en service).

C’est illégal, non ?

Oui. Plus tard, la personne qui m’avait conseillé de me rapprocher de la CILE me l’a aussi fait remarquer… pour me faire comprendre que mon intérêt était de ne jamais cracher dans la soupe dont je m’étais moi-même nourri.

Au moment de signer ce contrat, vous auriez déjà pu le comprendre. Tout cela était un peu trop facile…

A l’époque, je n’ai pas bien pesé toutes les conséquences de cette affaire. Je le reconnais.

Et donc, vous avez commencé à remplacer les compteurs ?

Oui, et très rapidement, je me suis rendu compte que le tarif de 8,50 euros n’était pas rentable.

C’est vous qui aviez proposé le prix !

Avant que je m’engage, on m’avait montré le travail à faire dans des immeubles où les compteurs étaient facilement accessibles. Mais, sur le terrain, je me suis rendu compte qu’il y avait énormément de cas compliqués : des maisons avec des caves encombrées où, parfois, il fallait avoir le nez d’un chasseur de trésors pour découvrir le compteur dans le bordel ambiant, voire les détritus. J’ai donc revu mon prix. J’ai demandé 12,50 euros par compteur. Je me suis vu accorder 10,50 euros, mais avec effet rétroactif. Ce n’était pas terrible mais, dans le même temps, ce boulot ne demandait pas beaucoup d’investissements : quelques pinces et un GPS. Pour le reste, toutes les pièces étaient fournies par la CILE.

Cela veut dire que dans les 10,50 euros, il n’y avait que la main-d’œuvre ?

En gros, oui.

Changer un compteur prenait combien de temps ?

En moyenne, moins de quinze minutes. Une course contre la montre qui se déroulait en plusieurs étapes immuables : dire bonjour au client, faire signer les papiers, se faire expliquer où se trouvait le compteur et le remplacer. Pour ce faire, j’utilisais des sous-traitants. En fait, c’était surtout une affaire en or pour la CILE, car elle refacturait ces interventions aux communes à très bon prix. Plus on en remplaçait, mieux c’était. C’est ainsi qu’un grand nombre de compteurs qui n’avaient pas atteint la limite d’âge ont tout de même été changés, sur demande de cadres supérieurs de la CILE : des compteurs de 8, 9, 10 et 11 ans en parfait état de fonctionnement. D’une manière ou d’une autre, les contribuables ont payé cela dans leurs impôts locaux.

La CILE n’avait pas de service interne pour remplacer les compteurs ?

Il était inefficace. Les ouvriers étaient souvent en maladie. C’étaient des gars dans la cinquantaine qui avaient souffert sur de lourds chantiers auparavant (marteau-piqueur, etc.). Ils avaient été placés là parce qu’il s’agissait, soi-disant, d’un service léger. Mais pour ces personnes usées, changer les compteurs, c’était encore trop lourd. L’un d’eux avait une hernie discale, un autre avait un bras presque bloqué, etc…

Pendant combien de temps avez-vous mené cette activité ?

Pendant deux ans environ, et durant cette période, j’ai trouvé le moyen de mettre un peu de beurre dans les épinards. Lors des interventions, j’avais souvent constaté que la vanne avant compteur ne fermait pas. J’ai donc proposé que l’on procède aussi au remplacement de ces vannes pour un prix de 8,50 euros l’unité. Une fois que le compteur était remplacé, cela ne prenait pas beaucoup plus de temps de s’occuper de la vanne. L’un dans l’autre, on arrivait ainsi à un prix acceptable. Et c’est alors que les Français sont arrivés pour prendre leur part du gâteau.

Les Français ?

En 2003, lors d’une réunion provoquée par José Stes, on m’a présenté à Jean Quéau, le secrétaire général de Proxiserve, une grosse boîte française employant 3 000 personnes dans le domaine du sanitaire et de la maintenance en chauffage central. Cette société était elle-même une filiale de l’immense groupe Veolia (ex-CGE). Au cours de cette réunion et d’autres qui lui ont succédé, il m’a été proposé de continuer mes activités de remplacement de compteurs dans le cadre d’une société qui serait fondée avec les capitaux des Français : la SA Proxibel. J’en deviendrais le directeur d’exploitation avec un beau salaire (plus de 4 000 euros mensuels nets), dans de magnifiques locaux, avec plein d’avantages (voiture, frais divers). En plus, je recevrais 5 % des parts du capital de Proxibel SA.

Difficile de refuser.

Je ne l’ai évidemment pas fait ! Proxibel SA a été active à partir du début 2004 et pendant à peu près un an. J’ai donc assuré sa gestion journalière. Au printemps 2005, les Français de Proxiserve ont voulu que Proxibel SA soit géré par une personne de chez eux. J’ai dû céder la plupart de mes responsabilités à un dénommé P. L., dont la mission était de faire gonfler le chiffre d’affaires de Proxibel SA.

Proxibel SA a repris le marché des compteurs que vous aviez reçu sans appel à la concurrence ?

S’il n’y avait que cela ! Elle a aussi reçu le marché du remplacement des canalisations. Il s’agissait de remplacer les tuyaux en plomb qui reliaient les compteurs aux tuyaux en synthétique provenant de la rue. C’était un marché juteux, et il l’a été d’autant plus que Proxibel SA a commencé à faire de la surfacturation.

De quelle manière ?

Le plomb était remplacé par des tuyaux en galvanisé. Tous les matériaux étaient fournis par la CILE. L’intercommunale constituait ses stocks en fonction de bons de commande qui lui étaient envoyés par Proxibel SA. Intervenait ensuite la conjonction de deux phénomènes  : côté Proxibel SA, nous n’utilisions pas tout ce qui était commandé à la CILE, on avait des surplus ; côté CILE, il y avait parfois des ruptures de stock. Dans de tel cas, Proxibel SA était autorisée à acheter directement les matériaux à un fournisseur et à les refacturer à la CILE. C’était déjà une bonne affaire, puisque la refacturation se faisait avec un bénéfice de 50 %. Mais il y avait encore mieux : refacturer les surplus de stocks… Là, c’était 150 % de bénéfice ! Le prix de la main-d’œuvre était lui aussi surévalué : la CILE payait 90 euros par tuyau remplacé (plus 10,50 euros pour le robinet) alors que ce travail valait 35 euros tout au plus… Quand on sait que, sur six mois, on a procédé au remplacement de 4 000 tuyaux, vous imaginez le préjudice pour l’intercommunale ! Sans compter la facturation de placements imaginaires à la demande des Français…

C’est tout ?

Non. Ensuite, la CILE a estimé que les tuyaux en plomb ne devaient plus être remplacés par du galvanisé mais par du polyéthylène (PE). Il s’est donc agi de remplacer ce qui avait déjà été fait en galvanisé par du PE. J’appelle cela la roue de la fortune. D’autant que la manipulation des stocks permettant la surfacturation a repris de plus belle.

Vous vous dénoncez vous-même, en avouant cela !

Au moment où cela se passait, je n’étais qu’un maillon dans le système. C’était la volonté des Français de procéder de la sorte : ils voulaient absolument atteindre certains objectifs financiers, quitte à faire mentir les chiffres. Pour moi, ils ont spolié l’argent de l’intercommunale.

Mais est-ce la faute de l’intercommunale ?

On peut au moins lui reprocher un contrôle défaillant de l’utilisation des matériaux fournis à Proxibel SA. En fait, les personnes chargées de cette surveillance n’y connaissaient rien. Pendant un temps, c’est une ancienne hôtesse d’accueil qui était affectée à cette tâche… C’était à ce point ridicule que je me suis demandé si ce n’était pas délibéré. Par ailleurs, certains gestionnaires de la CILE ont tout de même soutenu la création de Proxibel SA et, le moins que l’on puisse dire, c’est que cela n’a pas servi les intérêts de l’intercommunale !

Cette fois, vous avez tout dit ?

Non, j’ai aussi constaté des flux financiers qui mériteraient d’être étudiés par les enquêteurs. Des sommes d’argent très importantes étaient transférées du compte de Proxibel SA vers sa société mère en France, Proxiserve. Ensuite, ces sommes étaient transférées sur les comptes d’une société d’investissement, Proxibel Holding, qui, elle-même, a injecté quelque 300 000 euros dans Versô.

Versô ?

C’est une société belge qui a été créé par la CILE et Proxiserve en partenariat (50/50). Son but était d’investir le marché de la maintenance en plomberie des logements sociaux en Belgique… Une véritable catastrophe. Dans les faits, Versô n’a finalement été qu’une coquille vide, dont l’activité essentielle aura été de payer le salaire de deux personnes qui n’ont produit aucun chiffre d’affaires, et des jetons de présence à une série d’administrateurs issus du sérail politique liégeois. C’est comme avec les compteurs et les tuyaux. Dans ce dossier-là aussi, la CILE a perdu beaucoup d’argent !

Pourquoi parlez-vous ?

Déjà, vers la fin 2006, en interne, j’avais dénoncé le comportement de P.L., le nouveau gérant qui m’avait été imposé par les Français. Je ne voulais plus d’irrégularités. José Stes, le directeur général de la CILE, a également été averti. En quelque sorte, j’ai ainsi signé mon billet de sortie… Pour autant, je ne veux pas ici jouer au chevalier blanc : si j’ai voulu mettre fin à tout cela, c’est que j’avais simplement peur qu’un jour ou l’autre tout cela pète et qu’on me fasse porter seul un chapeau bien trop grand pour ma tête. Parallèlement à cela, les Français voulaient de toute façon se débarrasser de moi… La pression est devenue difficilement tenable. On m’a fermement conseillé de revendre mes parts de Proxibel SA à Proxiserve. Mon prix a été le leur. Ensuite, ébranlé par tout cela, j’ai été mis en congé de maladie par mon médecin et j’ai fait la bêtise d’envoyer mon certificat avec un peu de retard. Proxibel SA m’a licencié. L’affaire est toujours en cours au niveau du Tribunal du travail. Je leur réclame mes indemnités de licenciement, plus environ 100 000 euros de dommages moraux. En 2007, j’ai envoyé des mails à différentes personnalités politiques pour les informer de ces gaspillages d’argent public… Au bout de quelques mois, l’une d’elle m’a conseillé de m’adresser à la justice. En avril 2008, j’ai déposé à la Police fédérale de Liège. Avec tous les détails que j’ai donnés, je m’étonne qu’il n’y ait pas encore eu d’inculpation. Sans doute est-ce que cette affaire est très complexe. Je ne connais que la partie visible de l’iceberg…

Avez-vous une idée du préjudice causé à la CILE par les malversations que vous dénoncez ?

Je dirais environ 2 millions d’euros. En termes de montants, c’est l’affaire de la Carolo à la puissance 10 !

 

« Pas de commentaires »

 Nous avons cherché activement des contradicteurs. En vain. Jean Quéau, le secrétaire général de Proxiserve, ne désire pas répondre aux propos tenus par Benoît Nicolay : «  Je suis pour la liberté d’expression. L’affaire est entre les mains de la justice belge, en laquelle nous avons entièrement confiance. » Propos similaires de José Stes, l’ancien directeur, désormais retraité, de la CILE : « Je ne veux pas polémiquer dans les médias. Si les enquêteurs ou le juge m’interpellent, je leur répondrai. ». MM. Jean-Géry Gobeau, actuel président du CA de la CILE, et Roger Husson, directeur faisant fonction de l’intercommunale, adoptent la même attitude de réserve. Ces réactions et d’autres encore, comme celle de l’actuel président du CA de Versô, Hector Magotte ont déjà relatées sur ce blog , cliquer sur: http://michelbouffioux.skynetblogs.be/post/6500436/cile-3011-et-041208

Michel Bouffioux

Michel Bouffioux

Curieux de beaucoup de choses, je m'intéresse notamment à des dossiers sociétaux, historiques, scientifiques et judiciaires. Depuis 1987, comme le temps passe, j'ai travaillé dans les rédactions de plusieurs quotidiens et hebdomadaires belges. J'ai aussi fondé l'hebdomadaire "Le Journal du Mardi" en 1999. Depuis 2007, je fais partie de l’équipe rédactionnelle de Paris Match Belgique.

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