Un article publié par Paris Match Belgique le 1er septembre 2022 et par Paris Match.be, le 6 septembre 2022.
Maltraité pendant sa petite enfance par des parents qui furent l’objet de condamnations pénales, Marcel ne voulait pas porter le patronyme de son tortionnaire. À 73 ans, au bout d’une longue procédure administrative et judiciaire, il vient d’obtenir gain de cause. Pour lui et pour ses filles. Récit.

1931, Amberloup dans le Luxembourg belge. Les Feller exploitent une petite ferme. Un peu de terre, quelques bêtes. La vie est rude. Laborieuse. On n’est pas très riche. Une enfant naît. Elle sera prénommée Marie-Louise. Cette petite fille a 9 ans lorsque la guerre éclate. L’éveil de son adolescence se produit en des temps sombres, ceux de l’Occupation. En septembre 1944, comme tous les habitants de la région, Marie-Louise connaît l’immense joie de la première libération. Mais trois mois plus tard arrive le grand froid et l’effroi de l’hiver 44-45 : inattendue, fulgurante, une ultime contre-offensive allemande transforme les villages ardennais en champ de bataille. Les civils sont pris au piège. Ils se terrent dans les caves. Pour survivre aux bombes, pour tenter d’échapper aux expéditions criminelles menées par des unités SS revanchardes, assoiffées de sang. Des milliers d’habitations sont détruites. Quelque 2 500 civils perdent la vie en quelques semaines. Ceux qui ont survécu n’oublieront jamais. Beaucoup d’entre eux furent résilients mais, après cette plongée dans les ténèbres, combien d’autres furent amochés définitivement, combien de caractères se sont-ils endurcis, combien de cœurs se sont-ils asséchés ? Comme celui de Marie-Louise ?
A 17 ans, cette enfant de la guerre émigre en région bruxelloise. Démunie et sans instruction. Seule au monde avec la vie devant elle. Très vite, la voici enceinte. Marcel naît le 31 mars 1950 à Uccle. Qui est le père ? C’est le nœud tragique de cette saga familiale. Marie-Louise n’a jamais voulu le démêler. Elle nous l’avait affirmé lorsque nous l’avons rencontrée à Anderlecht en 2007 : « Je partirai avec mon secret. »
Tout au plus avait-elle accepté de nous raconter une histoire, peut-être vraie, peut-être fausse : "Je suis devenue servante dans une famille très fortunée. Et je me suis fait embobiner par le fils de mon employeur, un homme plus âgé que moi. Il m'a fait un enfant et quand sa mère a découvert cela, elle m'a donné mes huit jours. Je devais disparaître. Je suis allée dans une maison pour filles-mères. Ensuite, j'ai rencontré un homme qui s'appelait Yvon Hainaut. Il m'a épousée et il a donné un nom à cet enfant. Voilà ce qui s'est passé. Mais le nom du père biologique, je ne le dirai pas. Jamais. On ne peut rien contre des gens si riches. Si j'attaque cette famille, ce qui est bien trop tard, je serai écrabouillée et je ne m'en sortirai pas. Dans cette affaire, je n'ai été qu'une puce écrasée par un grand pied. "
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Combat d'une vie : l'homme qui ne voulait pas perdre son nom
Maltraité pendant sa petite enfance par des parents qui furent l’objet de condamnations pénales, Marcel ne voulait pas porter le patronyme de son tortionnaire. À 73 ans, au bout d’une longue …






