Chronique "Si on me laisse dire", publiée dans le quotidien belge "La Dernière Heure" en marge du procès de Marc Dutroux et consorts. Le 16mars 2004.
A l’entendre depuis plusieurs jours, je me dis que le juge Langlois porte un costume trop grand pour lui. Surtout, il porte mal et lourd. C’est en effet avec très peu de finesse que, questionné hier par Jean-Denis Lejeune, il a admis que le témoignage qui fondait son refus d’aller au-delà de quatre témoins pour la reconstitution de l’enlèvement de Julie et Melissa était celui d’un certain sieur… Henry Dumont. Un détail ? Pas vraiment. On découvre ici, encore, un exemple très intéressant la «méthode Langlois».
Le problème de départ était donc celui de la reconstitution. Toute la lecture Langlois repose sur le témoignage d’une vieille dame. Mais voilà : le rapport du maître-chien présent sur le chemin de Fexhe, peu de temps après l’enlèvement, indique que Julie et Melissa sont allées à d’autres endroits et, en tous cas, plus loin que le lieu décrit par le témoin Henrotte! Peu disposé à élargir le champ de sa reconstitution, le juge a donc… écarté les constats du maître-chien.
C’est ainsi qu’il a construit une nouvelle théorie. Au soir du 24 juin 1995, le chien pisteur aurait reniflé l’odeur de la maman de Julie… et non pas celle de Julie elle-même. Comment se fait-il ? Jacques Langlois affirme qu’une taie d’oreiller a été utilisée et que Louisa Lejeune l’aurait touchée en refaisant le lit de sa petite fille, au matin de l’enlèvement. Nouveau «problème», pour Jacques Langlois : ce jour-là, Louisa n’a pas touché la taie. Elle l’a en tous cas dit et répété. Mais le magistrat ne la croit pas… Langlois l’a dit avec des gants, mais il l’a dit clairement aux jurés : «Vous comprenez bien qu’une maman, presque machinalement, remboure l’oreiller».
Hier, Jean-Denis Lejeune a questionné Langlois : à part la taie –élément déjà contesté- y-a-il une donnée objective qui permettait au juge de remettre en cause les constats faits par le maître-chien en juin 1995 ? Et c’est comme cela que le magistrat a ressorti le témoin Dumont de son chapeau… Témoin auquel il donne plus de crédibilité qu’au maître chien! Il est vrai que cette personne a fait… des déclarations à la RTBF qui ont été recopiées sur un procès-verbal. Belle enquête, n’est-ce pas? Le plus intéressant est à venir. Car le témoin Dumont est aussi celui qui a reconnu Michel Lelièvre comme présent à Grâce Hollogne, au lendemain de l’enlèvement de Julie et Melissa… Mais quand il témoigne de ce fait là… Dumont n’est pas jugé crédible.
Visiblement, Monsieur le Juge a ses témoins. On l’a déjà vu, chez les amis de Nihoul -dont le repris de justice Michel Van der Elst-, Langlois a cherché la cohérence dans plusieurs de leurs témoignages contradictoires. Pour le magistrat, ce sont là de bons témoins. Chez les témoins de Bertrix à charge de Nihoul, il a cherché les incohérences plutôt que ce qui collait. Ce sont donc des mauvais témoins. D’ailleurs, ils sont si nombreux… Mais il y a aussi, dans ce mauvais polar, des témoins qui sont à la fois bon et mauvais ! C’est donc le cas du sieur Dumont qui est jugé assez crédible pour contrecarrer à lui seul un rapport de police (celui du maître chien) et pour déterminer les conditions de la reconstitution… Mais lorsqu’il met en cause Lelièvre, il n’est plus cru par le juge…
Les questions chirurgicales de Jean-Denis Lejeune ont aussi démontré, si cela était encore nécessaire, que les principaux témoins de l’instruction Langlois, ceux qu’il a le plus crus dans cette affaire, ne sont autres que Marc Dutroux et Michelle Martin… Notamment quant aux quantités de nourriture qu’ils auraient laissée à Julie et Melissa lorsqu’elles étaient détenues à Marcinelle.