20 Avril 2006
Fin 2004, Marc Spruyt et ses amis du site internet «Blokwatch» avaient déjà créé l’évènement en lançant une pétition sur la toile qui avait recueilli plus de 60.000 signatures en quelques jours. A l’époque, il s’agissait de faire pression sur le monde politique afin que la loi privant les partis liberticides et racistes de financement public soit enfin mise en application… Ce fut chose faite quelques semaines plus tard. Aujourd’hui, les antifascistes flamands lancent une autre pétition et, cette fois, ce sont les chaînes de télé du nord du pays qui se trouvent dans leur viseur. Ils voudraient que le public du nord du pays, et les jeunes plus particulièrement, puissent découvrir un documentaire fouillé de la RTBF sur la «Face caché du Vlaams Blok (Belang)» mais tous les programmateurs des médias audiovisuels flamands refusent sa diffusion… «Ils prétendent que le document n’apporte pas d’élément neuf. Mais quand on le montre à de jeunes flamands, ceux-ci sont vraiment étonnés de découvrir les antécédents de militants d’extrême droite qui se promènent aujourd’hui en complet costume dans les travées des parlements et sur les plateaux de télés…», affirme Marc Spruyt.
- Le film «La Face caché du Vlaams Blok» a été diffusé sur la RTBF il y a plus d’un an. Depuis lors, mais sans succès, votre association demande à ce que ce reportage puisse également être vu par les téléspectateurs flamands. Pourquoi passez-vous aujourd’hui à la vitesse supérieure en lançant une pétition ?
- Vous l’avez dit, cela fait longtemps maintenant que l’on se trouve face à un mur. Après les discussions que nous avons eu en coulisse avec les médias audiovisuels flamands, nous nous interrogions déjà depuis un certain temps sur un changement de stratégie. Et puis un récent sondage publié par le quotidien populaire «Het Laatste Nieuws» (ndlr : le 3 avril dernier) a fait véritablement office de déclic. Cette enquête d’opinion portait sur les intentions de vote pour les prochaines élections communales et il en ressortait certains chiffres qui faisaient froid dans le dos…
- A savoir ?
- 26,7% des jeunes flamands âgés de 18 à 20 ans déclarent avoir l’intention de voter pour l’extrême droite au prochain scrutin! En réponse à cela, nous avons immédiatement décidé de lancer la seconde pétition parce que nous sommes persuadés que si cette tranche de l’électorat potentiel du Vlaams Belang (VB) tombe dans les pièges tendus par ces extrémistes, c’est essentiellement par manque d’information. Ils ne connaissent rien ou presque des antécédents du VB. Pour ces jeunes électeurs, ce parti a toujours fait partie du paysage médiatique et politique. Depuis qu’ils sont gosses, ils ont vu Dewinter et compagnie déambulant dans les travées des parlements régionaux et fédéraux et sur les plateaux télé. En temps que téléspectateur – et la télé est leur principale source d’information-, ils ont toujours vu que ces gens étaient traités par les journalistes flamands comme des élus parmi d’autres. Dès lors, pourquoi s’inquiéteraient-ils du projet politique d’un parti aussi «banal»? On paye aujourd’hui le prix de la politique de l’autruche pratiquée par trop de médias flamands et par une partie du monde politique… On paye cette volonté stupide de ne pas «diaboliser» le Vlaams Blok, cette peur de le boycotter, ces scrupules à dire ce qu’il est vraiment, c'est-à-dire une grave menace pour la démocratie. Cette stratégie a conduit certains de nos démocrates à «débattre» avec ces extrémistes que ce soit à la télé ou ailleurs. Elle leur a fait oublier qu’il ne faut jamais pactiser avec le diable! On voit le résultat aujourd’hui : aux yeux d’une partie de l’opinion et surtout chez les plus jeunes, le VB est ainsi devenu un parti tout aussi respectable que le SPa, le CD&V ou le VLD…
- Ne pas pactiser avec le diable… Quand on entend cette formule, on pense à Chamberlain et à Daladier, ces démocrates qui en septembre 1938 avaient cru possible de négocier les «accords de Munich» avec Adolph Hitler pour éviter la seconde guerre mondiale…
- Si cela vous fait penser à cela, ce n’est certainement pas le cas pour l’immense majorité de ces jeunes qui sont courtisés par l’extrême droite flamande : l’Histoire, ils ne la connaissent pas ou très mal! Une partie d’entre eux n’a même pas conscience de l’ampleur de l’horreur nazie et encore moins de la filiation qui existe entre les mouvements extrémistes d’aujourd’hui et ceux du passé. Pour eux, Dewinter c’est un type souriant, en complet costume, qui passe à la télé au même titre de Freya Van den Bosche. Ce n’est pas l’héritier des collabos flamands de la seconde guerre mondiale ou de mouvements du type VMO (Vlaams Militant Orde) ou Voorpost. C’est pour cela qu’il est essentiel que ce public puisse voir le reportage de Jean-Claude Defossé. Par un montage d’images d’archives datant des trente dernières années, ce journaliste rappelle le passé trouble de nombreux acteurs importants du VB (ndlr : le VMO était un mouvement ultraviolent. Ses membres ont connu de nombreux ennuis avec la justice pour voies de faits, agressions, constitution de milice privée…) Il révèle aussi le cadre de référence plus que contestable de certains d’entre eux qui sont allés jusqu’à glorifier la collaboration avec l’occupant nazi. C’est en regardant dans le passé de ces gens qu’on peut déceler l’avenir qu’ils nous prépareront si, par malheur, ils devaient un jour accéder à des leviers de pouvoir.
- La démarche d’information que vous proposez semble assez évidente. Sur base de quel argument est-elle bloquée par les programmateurs de la télé flamande ?
- Peu de temps après la première diffusion du reportage sur la RTBF, Siegfried Bracke un journaliste connu de la VRT a décrété que ce document n’apportait rien de neuf. Pour lui, tout avait déjà montré à l’opinion flamande au cours des dix ou vingt dernières années. Depuis lors, le débat sur l’opportunité de diffuser ou pas n’est pas allé plus loin. Nous trouvons cela vraiment consternant et on arrive à se demander si ce ne sont pas de simples raisons mercantiles qui justifient l’attitude des médias flamands. Le Vlaams Blok, c’est désormais un million d’électeurs en Flandres. Cela fait autant de téléspectateurs potentiels avec lesquels les télés qu’elles soient publiques ou privées ne veulent peut-être pas prendre le risque de se brouiller!
- Mais si un jour le VB devait avoir 2 millions d’électeurs, il n’auront peut-être plus le choix de diffuser ou pas!
- Ce type de raisonnement n’est vraiment pas à l’ordre du jour dans la plupart des médias flamands…
- Pour l’heure, il ne vous reste donc qu’à organiser des projections privées ?
- C’est ce que Blokwatch a fait récemment. Et nous en avons profité pour demander l’opinion d’une septantaine de jeunes Flamands. Tous, absolument tous, ils étaient sciés en découvrant le fumier dans lequel le VB a pris racine. En voici deux exemples (ndlr : il sort un document sur lequel ces jeunes spectateurs ont détaillé leurs impressions après la vision du documentaire). Sven, 17 ans, écrit ceci : «Ce documentaire doit certainement être diffusé à la télévision. Peut-être les gens ouvriront-ils enfin les yeux et verront-ils que le Vlaams Belang n’est pas aussi innocent qu’il voudrait le faire paraître depuis ces dernières années. Il informera aussi les gens qui étaient encore trop jeunes pour être au courant de ces scandales, et cela aidera à ce que ceux qui les ont oubliés s’en rappellent. J’ai trouvé que cela valait certainement la peine de regarder ce documentaire (...)». Yasmine, 17 ans aussi, explique quand à elle : «Ce documentaire m’a fait réfléchir. Je l’admets, j’ai pensé voter pour le VB. Je suis heureuse d’avoir changé d’avis. Le documentaire devrait certainement être diffusé à la télévision flamande pour faire voir aux gens ce que le VB signifie réellement. Le documentaire est vraiment bien fait avec tous les détails qui doivent être vus. Je sais maintenant de quoi il en retourne avec le VB! Aujourd’hui, je comprends combien c’est grave!».
Pour en savoir plus
La pétition évoquée par Marc Spruyt peut être trouvée sur le site de son association, soit www.blokwatch.be ou sur le site www.vlaams-burgerinitiatief.be.
Hasard de l’actualité, on signalera aussi que depuis ce 12 avril et jusqu’au 13 mai prochain, le Théâtre de Poche à Bruxelles à ouvert ses planches à une création belge sur les dangers de la banalisation du discours d’extrême droite. Intitulée «M L’intrépide», cette pièce raconte l’histoire d’un homme désabusé et fragilisé par une vie difficile sur le plan privé et professionnel en arrive à être séduit par les slogans racoleurs de «Liberté nouvelle», un parti fascisant. L’auteur, Olivier Coyette explique qu’il a «voulu montrer comment les discours extrémistes et haineux se répandent dans notre société. Presque de manière incolore et inodore. Quand on parle aux gens raisonnables et cultivés, on constate leur sérénité, voire leur indifférence face à la montée de ce mouvement politique anti-démocratique. Ils vous répondent souvent que les fachos n’arriveront jamais au pouvoir, que pour l’instant, cela n’empêche pas la terre de tourner…» Cette pièce, parfois avec des accents de vérité impressionnants renforcé par une mise en scène de grande qualité (dialogues, chants, vidéos), mais parfois aussi de manière un peu caricaturale et violente, invite le spectateur à prolonger sa réflexion : «Que se passerait-il si l’extrême droite venait à gagner les élections?» Renseignements et réservations : 02/647.27.26 ou www.poche.be
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