Chronique « Si on me laisse dire » publiée dans le quotidien belge « La Dernière Heure » en marge du procès de Marc Dutroux et consorts (24), le 2 avril 2004.
Bien sûr, c’était la dernière après-midi de la semaine. Certes, Me De Clety avait un rendez-vous à Bruxelles et il devait quitter Arlon à 18 heures au plus tard. C’est vrai aussi qu’il fait beau. Et qu’en outre, hier, il y avait beaucoup de témoins à entendre : pas moins de seize personnes en une après-midi, soit en quelques quatre heures d’audience. On considérera enfin que tout le monde était fatigué – magistrats, jurés et avocats- après cette cinquième semaine de débat à la cour d’assises du Luxembourg… Mais tout de même !
Tout de même, il conviendrait de ne pas oublier que l’on traite ici à Arlon d’une affaire particulièrement grave. Et qu’en plus, la justice de ce pays n’a guère à être fière de la manière dont elle a géré ce dossier… Or, l’image que cette institution a donnée d’elle-même, hier, était peu glorieuse. Elle donnait en tout cas parfaitement raison aux parents de Melissa Russo de n’avoir pas fait le déplacement à Arlon.
On a eu droit à tout : des ex-gendarmes répétant, devant un supérieur hiérarchique présent dans le public, des argumentations qui avaient pourtant largement démenties par la défunte commission d’enquête. Notamment en ce qui concerne les rétentions d’information dans l’enquête Julie et Melissa. Des témoins folkloriques convoqués par la défense de Dutroux pour démontrer… on ne sait quoi. Comme cette femme qui est passée devant chez Dutroux, un jour, alors que la porte était ouverte, et qui croyait avoir vu… Nihoul, couché dans un divan. Ce dont elle ne souvient plus aujourd’hui. On a entendu aussi, hier, quelques lourds mots d’humour et des considérations qui en dise long sur la « fatigue » du moment. Je ne citerai ici que le président Goux lançant, la voix lasse : « Y en a-t-il encore beaucoup, Monsieur l’Huissier ? » Il parlait, vous l’avez compris, des témoins qui restaient à entendre.
Hier, une personne a cependant sauvé la mise. Un ex-gendarme de Charleroi. Il s’appelle Yvan Demarcq. Sincère, il a osé parler de ce qu’on lui avait caché avant les perquisitions de décembre 1995 dans les maisons de Marc Dutroux. Emouvant, il a pleuré lorsqu’il a raconté que, si son collègue René Michaux lui avait expliqué le véritable contexte de ces perquisitions, il aurait regardé autrement ce mur blanc qui se trouvait dans la cave de Marcinelle. Bricoleur, Demarcq est certain qu’il aurait immédiatement remarqué que les cornières de l’étagère étaient bizarres. Mais à Marcinelle, on ne lui avait demandé que de retrouver des cadenas et des chaînes. Et subsidiairement de faire des photos de l’intérieur de l’immeuble. M. Demarcq n’en dort plus depuis huit ans. Il a essayé de parler au juge Langlois. C’était il y a quatre ans. Mais le magistrat n’avait pas estimé utile d’acter officiellement l’aspect de son témoignage qui mettait en cause l’ex-gendarmerie… A avoir entendu certains de ses ex-collègues, hier, je crains que Monsieur Demarcq soit un ex-gendarme fort… isolé.
Lire aussi : Ici et maintenant
- Lève-toi et marche! Le mouvement prolonge et embellit la vie
- Désinformation, algorithmes qui polarisent : « Nous faisons face à un projet techno-fasciste »
- Objectif Mars : « 5 000 humains vivront sur la planète rouge vers 2090 »
- Bactériophages : ces virus qui nous soignent
- Ces temps lointains où il n’y avait pas de « deuxième sexe » : « La complémentarité des rôles et la flexibilité des tâches étaient la règle »







