Un entretien publié dans l'hebdomadaire "La Libre Match", le 19 juillet 2007 –
Lorsqu’il reçoit à son domicile de Jumet, il prend un plaisir certain à montrer sa grande bibliothèque où, amoureusement, il a rangé la collection complète de La Pléiade : des centaines de livres écrits par les plus grands noms de la littérature française et étrangère. Proust, Malraux, Gide, Baudelaire, Montherlant, Saint-John Perse, Green, Yourcenar, Char, Gracq, lonesco, Hemingway, Kafka, Faulkner, Lorca… Impossible de les nommer tous. Et c’est Giraudoux que Jean-Jacques Viseur a choisi de citer récemment alors qu’il présentait le nouveau collège des échevins de Charleroi ! Atypique autant qu’inattendu, le nouveau bourgmestre de Charleroi a hérité d’une passion de la littérature transmise par sa mère, l’écrivaine Marie-José Viseur. Et à y regarder de plus près, sa trajectoire est d’ailleurs assez romanesque. A 7 ans, comme il s’en confie pour la première fois à La Libre Match, le petit Jean-Jacques en culottes courtes allait attendre son papa, Gustave, sur un vieux banc de l’hôtel de ville. Le siège est toujours là, mais plus le père de Viseur, dont la carrière de secrétaire communal a été cassée, fin des années 1970, par… André Van Cauwenberghe, le père de Jean-Claude. En 2007, peu de temps avant de ceindre l’écharpe maïorale, c’est Jean-Jacques Viseur qui vient de barrer la route à… Philippe Van Cauwenberghe.
Désormais, paraît-il, vous avez le sentiment d’être le « Paolo Maldini » de la politique communale de Charleroi ». Tout va bien ?
Jean-Jacques Viseur. Très bien, je vous rassure. Cette comparaison avec le capitaine de l’AC Milan, un joueur que j’admire, me va très bien, en effet. Il est âgé et moi aussi : j’ai 60 ans. Toutefois, il est encore très présent sur le terrain, avec l’envie de jouer et une particularité : il ne cherche pas à être le plus brillant comme un jeune de 20 ans qui voudrait prouver sa valeur. Non, il préfère organiser l’équipe, donner des « assist ». Il joue collectif et, de cette manière, il met en valeur le talent des autres. Pour prendre une autre référence, je citerais aussi le Général de Gaulle, qui disait que « l’ambition personnelle est une passion enfantine ». Quoiqu’il arrive, je ne me présenterai pas aux prochaines élections en 2012, même pas à une position de combat si d’aventure mon parti me le demandait : je ne joue pas pour moi ou pour un parti, mais pour Charleroi. Mon ambition est de souder ce nouveau collège qui est révolutionnaire à plus d’un titre.
Parce que sa mise sur pied sanctionne la fin de l’ère Van Cau ?
Nous voulons, en effet, une vraie rupture, une césure totale, avec le passé. Toutefois, ce collège se démarque aussi par la présence de personnes jeunes et, parmi elles, de cinq femmes, pas moins. C’est une première en Wallonie. Dès à présent, cette nouvelle équipe ressent une très grande cohésion. Et c’est bien de cela dont Charleroi a besoin. En tant que doyen, j’insiste auprès de tous les échevins : « Pendant trois ou quatre ans, ne faisons pas de politique partisane… Vous aurez encore un an pour revendiquer vos différences avant les élections communales. Jusque là, le défi est tel que nous sommes forcés de reconstruire Charleroi dans la solidarité la plus grande ».
Qu’appréciez-vous particulièrement dans vos nouvelles fonctions ?
Bien sûr le fait qu’au niveau local, on voit rapidement les effets des décisions que l’on prend. Mais ici, ce qui est encore plus passionnant, c’est qu’on est à l’an zéro de Charleroi. Après ce qui s’est passé, il y a une fierté et une dignité à retrouver, une crise à surmonter qui présente de nombreuses facettes : économique, sociale, morale… Pouvoir jouer un rôle dans cette renaissance, que peut-on rêver de mieux en politique ?
Vous avez le sentiment de vivre un moment historique ?
Un tournant, certainement. Mais pas seulement sur le plan politique. En termes de mentalité aussi. Nous sortons d’une période où régnait un machisme très désagréable au sein du conseil communal. Il n’y pas si longtemps, une mandataire Ecolo devait faire des interventions sous les lazzis les plus grossiers de membres du collège… J’en avais parlé au bourgmestre : « Ce n’est pas possible de traiter une femme comme cela !». Il s’était contenté d’un « Moi, je n’ai rien dit ». Et l’affaire était classée. Dans cette ville, des femmes journalistes ont été traitées de « pétasses ». Je veux rompre totalement avec ce passé. C’est pour cela aussi que l’équipe a été rajeunie et féminisée.
N’êtes-vous pas le premier surpris de ce qui vous arrive ?
Honnêtement, il y a trois mois, si un devin m’avait prédit que je deviendrais bourgmestre de Charleroi, je lui aurais conseillé d’aller consulter un psychiatre. Mais, vraiment, je ne vis pas cela comme un aboutissement. Je n’avais jamais rêvé à cette haute responsabilité. Même pas en me rasant le matin…
Comme le maçon, vous êtes maintenant au pied du mur…
C’est clair. Je suis dans une position où je ne peux absolument pas décevoir. Je considère que j’ai une obligation de résultat. Mais, attention : il n’y a pas de « sauveur » en politique ! C’est même dangereux de penser en ces termes-là dans une démocratie. Le pouvoir est un jeu d’équipe.
Vous allez réconcilier les Carolos avec leurs responsables politiques locaux ?
D’abord, les Carolos doivent se réconcilier avec eux-mêmes ! Avec leur ville. Il faut qu’ils reprennent confiance, qu’ils aient conscience que Charleroi est une métropole. Qu’ils n’aient plus peur que l’on se moque d’eux quand ils en sortent. Bref, qu’ils se sentent à nouveau Carolos et fiers de l’être. Ici, la fusion des communes, fin des années 1970, a été ratée. Il n’y a pas eu une identification comme celle constatée dans la Cité ardente où les gens ressentent tous ce sentiment d’être Liégeois.
Mais les relations avec le monde politique ?
C’est évident qu’il faut les moderniser. Celles-ci ne peuvent plus être articulées autour d’avantages, de faveurs que l’on donne et que l’on reprend… Fini le temps où certains payaient leur parking et d’autres pas ! Je veux restituer à l’autorité publique son rôle majeur : celui d’être le garant de l’égalité des Carolos devant la loi. Par ailleurs, le collège améliorera radicalement les services dans deux domaines : la sécurité et la propreté. A partir de là, on procédera à un véritable redéploiement urbain parce que cette ville n’a plus connu de grand projet urbanistique depuis quarante ans.
Vous voulez faire de Charleroi « une ville modèle ». C’est très ambitieux…
Pas du tout ! On a des idées et des atouts. Charleroi va être vraiment transformée. De toutes les villes européennes, on est celle qui a le plus d’espace consacré à la voiture. Eh bien, on va enterrer la voiture ! Par ailleurs, 80 % du sol carolo appartient au public : c’est dire que l’on pourra mettre en œuvre un véritable plan de développement urbain sur une superficie extraordinaire. On va attirer tous les urbanistes et les meilleurs architectes d’Europe ! Charleroi sera un terrain d’expérimentation et, bientôt, une ville modèle. Avec des bâtiments publics totalement isolés, parfaitement intégrés dans l’environnement, nous aurons valeur d’exemple. On doit faire de cette ville un idéal d’architecture du XXIe siècle. C’est un cercle vertueux qui commence : nous allons avancer en termes de sécurité, de propreté et de développement urbain, et les particuliers vont revenir s’installer et investir à Charleroi. Si nous avons 10 000 habitants de plus, dans les classes moyennes, nous devenons une ville riche.
Mais les prix de l’immobilier vont augmenter. Les couches de la population moins favorisées risquent alors de vivre une crise du logement…
Il faudra accompagner ce redéploiement urbain d’une politique sociale importante. Possédant beaucoup de foncier, on sera en mesure d’assurer une mixité d’habitats qui permettra de ne pas exclure les habitants à revenus plus faibles. Pour l’heure, Charleroi se distingue aussi par de très mauvais chiffres en termes de réussite scolaire. Généralement, parents sans diplôme = enfants sans diplôme… En cette matière, je suis très heureux que l’échevine de l’enseignement soit issue de l’immigration. Et c’est vrai qu’elle aura du boulot car tous les chiffres sont au rouge. C’est chez nous qu’il y a le plus de jeunes qui sortent de l’enseignement secondaire sans diplôme, que le taux de fréquentation de l’université est le plus faible. Ce n’est pas une fatalité. On va mettre les acteurs du secteur ensemble et trouver des solutions. Par exemple, dès la deuxième maternelle, on fera l’inventaire des enfants à problèmes, c’est-à-dire de ceux dont l’environnement familial demande un soutien. Il faut aussi repérer ceux qui, à 4 ou 5 ans, ne sont pas à l’école… Sans contrainte, mais par un travail social rassurant et informatif, on va aider toutes les familles en difficulté avec le milieu scolaire à rejoindre le circuit. Dans ce domaine aussi, je veux que la politique de Charleroi, dans quelques années, soit citée comme un exemple à suivre. Je veux redonner le sentiment à la population qu’il y a un ascenseur social qui fonctionne et que l’école est son moteur.
Que répondez-vous à ceux qui vous reprochent de ne pas avoir le profil d’un municipaliste ? Au-delà de votre carrière d’avocat, vous avez été ministre des finances, président du C.a. de l’U.c.l., un ponte des mutualités chrétiennes, mais en ce qui concerne une carrière politique locale, c’est nada ou presque…
J’entends bien l’objection, mais on ne peut faire fi du contexte. Je deviens bourgmestre de Charleroi dans un moment exceptionnel. Après une crise qui a été extrêmement lourde, il est apparu que j’étais la personne la mieux placée pour rassembler la nouvelle équipe et la faire gagner. Et puis, je vous le répète, j’ai été touché de plein fouet par le virus communal. Après six mois, j’en suis arrivé à peiner quand je dois encore un peu m’occuper de matières fédérales !
Vous auriez dû vous y mettre plus tôt alors…
Si je ne l’ai pas fait, c’est en raison d’une très mauvaise expérience. Il y a bien longtemps, mon père était le secrétaire communal de la ville de Charleroi. Il a été écarté injustement de ses fonctions, alors qu’il avait les titres requis, des compétences de haut niveau reconnues par tous… Cela fut une blessure que, familialement, on a fort ressentie. Et donc, cela m’a un peu… Enfin, pas un peu ! Cela m’a tout à fait éloigné de la vie politique communale. Avec cette expérience malheureuse, j’ai compris très tôt que la politique politicienne pouvait écraser les hommes. Mon père était un universitaire très calé dans le droit administratif. Il s’était illustré pendant la guerre en aidant la résistance. Plus tard, pendant la guerre scolaire, il avait aussi résisté à certaines pressions pour ne pas inscrire ses enfants à l’école officielle. C’était un démocrate qui se battait pour ses idées tout en respectant celles des autres. Sa réputation dépassait très largement les murs de Charleroi : il était considéré comme l’un des meilleurs juristes municipalistes du pays. Et donc, il a été cassé. Comme cela, du jour au lendemain. Il s’est retrouvé sans rien. Pour ne pas plonger dans la dépression, il a modestement commencé à tenir la comptabilité du cabinet d’avocat dans lequel j’œuvrais à l’époque. J’avais presque 30 ans. Lui, il en avait 60… Je me rends compte que c’est exactement l’âge que j’ai moi-même aujourd’hui.
Et vous voilà bourgmestre de Charleroi. Un clin d’œil du destin ?
Ce n’est pas le seul ! Je vais présider les séances du collège dans une pièce de l’hôtel de ville où se trouvait autrefois le bureau de mon père. C’est fascinant. Est-on là pour remplir les vœux du père sans le savoir ? Je voudrais préciser quelque chose de très important : si j’ai vu souffrir cet homme que j’adorais, je n’ai jamais eu l’esprit de revanche. Simplement, à un moment de mon existence, je me suis dit : « Si je fais de la politique, je la ferai à un autre niveau… » Et puis voilà, je suis tout de même là !
Même sans l’avoir cherchée, c’est une « revanche » …
Je ne veux pas le prendre comme cela. Maintenant, c’est vrai qu’un proche vient de m’écrire : « Le seul regret qu’on ait, c’est que tes parents ne voient pas cela »… Cela m’a touché, c’est exact. Mon père, on l’a vraiment cassé. Pour des raisons politiques. A l’époque, c’est le père de Jean-Claude Van Cauwenberghe – qui était 1er échevin – qui a fait le sale boulot : « C’est dommage pour vous, vous devriez garder le poste parce que c’est vous qui avez vraiment les compétences, mais la politique a ses raisons… ».
Le grand-père Van Cau écarte votre père et, aujourd’hui, c’est vous qui avez exigé le départ de son petit-fils du collège en raison de son état d’inculpé… C’est une vraie saga, l’histoire politique de cette ville…
J’en conviens. On se croirait presque dans une tragédie grecque ! Pourtant, si j’ai dit non à Philippe Van Cauwenberghe, cela n’a rien à voir avec un règlement de comptes lié au passé. D’ailleurs, c’est bien cela, la tragédie grecque : ce sont les dieux qui vous placent dans des situations tourmentées que vous n’avez pas choisies.
Dans une récente interview accordée à La Libre Match, Philippe Van Cauwenberghe ne chantait pas vraiment vos louanges…
C’est normal. Je peux l’accepter.
Il déclarait : « J’ai découvert une capacité de duplicité extraordinaire du CDH et, en particulier, de Jean-Jacques Viseur. C’est blanc et, du jour au lendemain, cela devient noir ». Ajoutant, dépité : « Je croyais qu’on travaillait entre honnêtes hommes »…
C’est excessif et tout ce qui est excessif… Ma position est très claire : j’ai toujours reconnu que l’infraction qui lui est reprochée n’est pas liée à des actes de gouvernance. Je pense aussi que les éléments d’un futur non-lieu sont sans doute réunis. Dans le même temps, si Philippe Van Cauwenberghe a eu le nombre de voix qu’il a eu et la position qu’il a occupée, objectivement, c’est grâce au nom de son père. Alors, il y a tout de même une logique dans ce qui se passe. Lorsque le courant est porteur, que le nom est considéré par le public, tout est plus facile. Mais on ne peut vouloir décemment profiter d’un tel avantage sans accepter l’éventuel revers de la médaille quand la situation s’inverse. Un homme, un clan dirigé par le père de Philippe, a tenu à bout de bras un système à Charleroi et ce système est en train de s’effondrer. Pour l’heure, le poids du nom pèse évidemment et plus de la même manière qu’auparavant…
Il fallait tuer le fils Van Cau pour sauver Charleroi ?
Il ne fallait pas le tuer ! Simplement, Philippe, à l’instar de son père, devait faire un pas de côté. Dans quelques années, si la politique l’intéresse vraiment, il pourra revenir. Il est jeune et n’est certainement pas dans le besoin. S’il revient, bien sûr, c’est Philippe Van Cauwenberghe qui devra apparaître. Plus le fils de Jean-Claude… Durant cette dernière crise, c’est évident, Philippe n’avait pas assimilé qu’à un certain moment, dans l’intérêt de Charleroi, dans l’intérêt de son parti aussi, son destin personnel passait au second plan. Ce que d’autres mandataires socialistes ont pourtant très bien compris…
Et pour l’intérêt de son fils, Jean-Claude Van Cauwenberghe ne devrait-il pas se retirer totalement de la vie politique de Charleroi ?
C’est évident. Depuis le début, c’est ce que beaucoup pensent. Le père fait un tort immense au fils. Plus il est là, plus il le défend, plus il l’écrase. Si seulement Jean-Claude Van Cauwenberghe avait eu la grandeur de reconnaître, non pas une responsabilité pénale, mais une responsabilité politique… S’il avait dit clairement : « Je me suis trompé, j’ai mal contrôlé mes gens », on n’en serait certainement pas là. Tout de même, c’est lui qui a choisi Eric Lecomte comme secrétaire communal ! C’est lui aussi qui a choisi Despiegeleer pour occuper des fonctions d’échevin. Etc… Il aurait du dire : « Dans l’intérêt de Charleroi, je prends sur moi toute la responsabilité politique de cette affaire ». Immédiatement, son fils aurait été exonéré. Comme le Roi Lear de Shakespeare, Jean-Claude Van Cauwenberghe a lourdement trébuché au moment de vouloir léguer son royaume à ses créatures. Il peut continuer à crier à l’injustice, dire que l’histoire lui rendra raison mais, en se braquant, quel service rend-t-il à la ville de Charleroi et à son fils ? Moi, je n’ai aucune hostilité à l’égard de Philippe ! Il devrait réfléchir : l’ombre de son père lui a été bien plus dommageable que ma personne. Qu’il comprenne que ce qu’il vient de vivre lui permettra de se reconstruire une carrière où il ne devra rien à personne.
Dans votre bibliothèque, il y a, semble-t-il, les plus grands noms de la littérature…
J’ai la collection complète de « La Pléiade » ! C’est mon père qui l’a commencé et moi, j’ai continué. Toutefois, ma passion pour la lecture vient de ma mère qui était écrivain, poète. Elle a publié sous le nom de Marie-José Viseur. Je n’ai pas toujours tout compris car ce qu’elle écrivait était très surréaliste. En me donnant le goût de la littérature et de l’histoire, elle m’a conduit à appréhender la dimension épique et lyrique de la société. C’est comme cela que l’on en arrive à citer « L’Electre » de Giraudoux à l’Hôtel de ville de Charleroi, comme je l’ai fait récemment. Ce doit être une première !
Avec vos 762 voix de préférence, vous n’êtes pas le bourgmestre le plus populaire de Wallonie…
J’ai eu parcours totalement atypique, j’en suis conscient. Après une carrière d’avocat, je suis devenu député parce que Philippe Maystadt le voulait. Ensuite, je suis monté dans le gouvernement fédéral parce qu’il le voulait aussi et le reste de ma carrière politique a été l’image de cela. La rançon d’un tel parcours, c’est que je n’ai jamais été populaire. Mais il n’y pas que ce critère. On parle de mes 762 voix. En 1958, Gaston Eyskens, qui est pour moi certainement l’un des meilleurs premiers ministres que nous ayons eus, dans un parti qui faisait alors une majorité absolue, ne récoltait que 2 000 voix de préférence !
Oseriez-vous un pronostic sur la durée de vie du nouveau collège de Charleroi. Il y a déjà eu tellement de surprises…
Cette fois ci, c’est la bonne ! On ne peut pas se permettre des crises aussi graves tous les six mois. L’intérêt commun des Carolos est que nous réussissions. Ce sera un élément de cohésion.
Le même principe reste d’application : inculpation équivaut à démission ?
Oui, mais nous avons pris de telles précautions que cela ne devrait plus arriver. Plus aucun échevin n’est concerné par la gestion passée. En plus, ces six derniers mois, on a mis de nombreux outils de bonne gouvernance en place. On a un secrétaire communal qui est la rigueur même, un comité d’audit, un nouveau service des marchés. A cet égard, je voudrais vraiment rendre hommage à mon prédécesseur, le socialiste Léon Casaert : il s’était engagé sans réserve dans le processus de rénovation. C’est quelqu’un qui a été broyé. Il est arrivé en 2000 dans un système où on lui a dit : « C’est toujours comme cela que l’on a fait Chapeau ! ». Humainement, il a de l’épaisseur, cet homme-là. ». En droit, il est peut-être coauteur. Moralement, il ne l’est pas. Je prends le pari qu’il sera acquitté. Il faut donc imaginer ce que cet homme a vécu par rapport à la démarche très honnête dans laquelle il s’était engagé. Malgré tout, il a tenu à m’exprimer son soutien pour mon nouveau mandat. Je dis «
Après avoir été le mauvais exemple, Charleroi deviendra aussi un « modèle » en termes d’éthique ?
J’en ai vraiment la conviction : la foudre est tombée, maintenant on reconstruit du neuf… En matière d’éthique, on a déjà trois ou quatre ans d’avance sur les autres communes de Wallonie. Finalement, rien que de très normal : c’est toujours là où les accidents les plus graves ont eu lieu que l’on prend les mesures de précaution les plus grandes. Je vous parlais de « L’Electre » de Giraudoux. C’est un texte magnifique qui nourrit l’espoir. L’un des personnages demande à un mendiant : « Comment cela s’appelle-t-il quand le jour se lève et que tout est gâché, et que tout est saccagé et qu’on a tout perdu et que la ville brûle ? ». Le vagabond lui répond : « Cela a un très beau nom. Cela s’appelle l’aurore ».
« Je suis passé à deux doigts de la mort »
Vous avez combien d’enfants ?
Trois. Le premier, François, a fait le droit de l’environnement. Le second, Michel, vient d’être proclamé bio-ingénieur, et le troisième, Pierre, doit encore choisir une orientation. Aucun des trois ne semble vouloir faire de la politique !
Vous les en avez dégoûtés ?
Je pense qu’ils ont mesuré tout le poids de l’activité politique. On ne se rend pas compte – bien sûr, c’est vrai aussi dans d’autres professions – que cela implique des sacrifices familiaux parfois très lourds à porter.
Trop lourd ?
Oui. En 2004, j’ai eu un « AVC », clairement lié au surmenage de négociations éprouvantes au régional. Je suis passé à deux doigts de la mort. J’ai bien senti chez mes enfants et ma femme, non pas des reproches, mais une interrogation : « Est-ce ce que cela vaut la peine de sans cesse dépasser les limites et, finalement, de jouer sa vie comme cela ? ». Désormais, je ne reste pas à une réunion cinq minutes de trop. La troisième mi-temps, je ne veux plus la faire !