Un article publié dans l’hebdomadaire Paris Match (Belgique) le 8 mars 2012.
Richard Remes n’acceptait pas d’être quitté. Alors il a tenté de détruire le corps, l’image de celle qu’il disait « aimer » avec de l’acide sulfurique. Quelques jours après la Journée internationale de la femme, c’est un procès à forte charge émotionnelle mais aussi symbolique qui va s’ouvrir devant la Cour d’assises de Bruxelles. Les jurés seront appelés à rendre justice à Patricia Lefranc, dont le visage, la vie, ont été définitivement abîmés par l’acte d’un lâche. Durant les trois années d’instruction des faits par les autorités judiciaires, l’accusé n’a eu de cesse de banaliser l’horreur de son crime. Et aujourd’hui encore, il bénéficie de la mansuétude de certains membres de sa famille…
1er décembre 2009. 14 heures. La vie de Patricia Lefranc va bientôt basculer. Dans une demi-heure, tout sera différent. Dans quelques minutes, un homme va tenter d’effacer son visage et la faire plonger dans un bain de souffrance dont elle ne sortira jamais. Bientôt, un liquide maléfique va faire fondre sa peau, la brûler jusqu’aux entrailles et plonger définitivement son esprit dans un monde d’angoisse et de peur.
1er décembre 2009. 14 heures. Après avoir fait quelques achats dans des magasins, Patricia rentre chez elle. C’est une mère célibataire, une jolie femme. Elle salue An, la femme de ménage qui vient d’arriver, elle aussi, dans cet appartement de l’avenue du Sippelberg à Molenbeek (Bruxelles). Les deux femmes échangent quelques mots autour d’un café. Patricia répond au téléphone. Elle converse notamment avec sa sœur avant d’aller s’attabler devant son ordinateur.
14 heures 30. La sonnette de rue retentit. Patricia se rend à l’interphone. Un homme s’adresse à elle : « J’ai un colis pour vous. » La jeune femme se méfie. « Je ne vous vois pas. » Elle pense à une blague d’adolescents du quartier et décide de ne pas ouvrir. Quelques instants plus tard, on sonne encore. L’homme insiste : «Madame, j’ai un gros colis pour vous ! » Patricia cède : « Un instant, je descends.»
L’ascenseur arrive rapidement. Lorsqu’elle en sort, Patricia a le temps d’apercevoir un individu habillé en tenue de motard, tout près de la boîte aux lettres. Subrepticement, elle entrevoit aussi qu’une clé a été engagée dans la serrure de la porte vitrée qui s’ouvre vers la rue. Elle reconnaît le porte-clés : c’est celui de Richard, son ex-amant qui la harcèle et la menace depuis quelque temps. Pas le temps de réagir. A peine a-t-elle fait un pas vers le hall extérieur que l’homme lui jette un liquide qui l’atteint au visage et aux bras.
La douleur est immédiate. Une insupportable sensation de brûlure sur tout le corps. Patricia se met à hurler. Elle supplie son agresseur d’arrêter. Elle lui donne des coups de pieds. Il perd l’équilibre. La victime comprend instinctivement que c’est le moment ou jamais de s’enfuir. Mais vers où aller ? Remonter dans l’ascenseur ? Patricia l’envisage. Elle pousse sur le bouton d’appel. La cabine est là. Mais elle change d’avis : « Si je remonte, je suis morte. »
Espérant que son agresseur ait disparu, Patricia choisit de s’enfuir vers la rue pour y trouver du secours. Elle repart vers la porte vitrée, arrive dans le hall… Mais l’homme est encore là. Il la saisit par ses longs cheveux en les nouant autour de son poignet afin de l’immobiliser. Et lui reverse ce liquide de souffrance et de mort sur la tête. C’est le côté gauche de son visage qui est principalement touché. Mais le produit, extrêmement corrosif, se répand tout au long de son corps en traversant ses vêtements.
Rassasié de violence, le motard disparaît. Sans un mot. Patricia trouve la force de ramper vers la porte vitrée. Au prix d’un effort surhumain, elle l’ouvre, poussant des cris d’effroi et douleur, en rampant vers l’immeuble voisin, au rez-de-chaussée duquel travaille l’une de ses amies. Celle-ci et son patron ont entendu ses cris. Ils viennent à son secours, l’emmènent dans leurs bureaux et appellent les secours. Patricia trouve la force de demander que sa fille et son ancien compagnon soient prévenus. Elle murmure encore « C’est Richard, c’est Richard… C’est Richard », avant de perdre connaissance.
Elle ne se réveillera que trois mois plus tard. Dans un lit de l’Hôpital militaire, section des grands brûlés, à Neder-over-Heembeek. L’auteur de cette ignoble tentative d’homicide est mis sous mandat d’arrêt le soir même. Il s’appelle Richard Remes, 54 ans au moment des faits. Agent de Bruxelles-Propreté, passionné de la gonflette dans les salles de fitness, grand consommateur de sites porno et de rencontres, il habite dans le même immeuble que Patricia. Lui, au premier étage, dans un trois chambres. Patricia au second, dans un appartement avec une seule chambre. Interpellé à son domicile, dans la cuisine duquel les enquêteurs trouvent immédiatement une bouteille d’acide sulfurique vidée au trois quarts, l’agresseur de Patricia n’a d’autre possibilité que de passer aux aveux… Mais durant toute l’instruction, il cherchera à minimiser la gravité de son crime.
Dans sa première audition, il évoque « une blague qui a mal tourné » et affirme que son intention n’était que « de faire peur » à Patricia Lefranc. Pour quelles raisons ? Selon Remes, elle et lui avaient eu une relation, entamée moins d’un an auparavant et terminée définitivement, après de multiples soubresauts, quelques semaines avant l’agression. Un jour, Patricia lui aurait dit : « Moi, en fait, je n’ai peur de rien, à part des araignées.» Et il aurait voulu la démentir…
Tentant puérilement de rendre crédible ce mobile abracadabrant, le « vitrioleur» raconte aux enquêteurs qu’il n’a pas de raison particulière d’en vouloir à Patricia. Certes, ils ont rompu, mais il a déjà entamé une relation avec une autre femme. Certes, sa victime et lui se sont parfois disputés, mais sans jamais hausser la voix et sans qu’il y ait eu la moindre violence physique ou même verbale… Selon Remes, il n’y a pas eu deux agressions successives, mais une seule. En fait, il aurait été surpris par l’ampleur des dégâts causés par son premier jet d’acide sur Patricia. Dans le but de conduire la victime à son appartement pour qu’elle puisse se passer de l’eau sur le visage, il aurait voulu l’aider à se relever en la prenant par le cou, et sans doute est-ce à ce moment-là qu’il lui a tiré involontairement les cheveux.
Dès cette première audition, le vitrioleur essaie aussi de donner un maximum d’éléments de nature à faire croire aux enquêteurs qu’il a agi sans préméditer son acte. Ainsi, la bouteille d’acide sulfurique aurait été achetée pour un autre usage, plus d’un an auparavant : remplir la batterie d’une vieille Renault Twingo qu’il possédait à cette époque. De même pour le déguisement de motard qu’il portait au moment de la tentative d’homicide : il dit avoir trouvé le casque, le pantalon et la veste en cuir, le week-end précédant l’agression, en faisant du « tri » chez lui.
Toutefois, une enquête minutieuse de la Police judiciaire va démonter ces mensonges. Et par là même démontrer le caractère fortement prémédité du crime. Les enquêteurs établiront que Remes a acheté l’acide sulfurique moins d’un mois avant les faits, soit peu après la dernière rupture de sa relation avec Patricia Lefranc. Que, dès lors, ce produit n’avait pas pu être utilisé pour être versé dans la batterie d’une voiture que Remes ne possédait plus depuis plus d’un an au moment de l’achat de la bouteille. Les enquêteurs mettront aussi en évidence le fait que Remes s’était renseigné tant auprès de collègues de Bruxelles-Propreté qu’en consultant des sites internet sur les effets dévastateurs des « brûlures par acide sulfurique et vitriolage ». Et qu’il avait non pas trouvé son déguisement par hasard dans le débarras de son appartement… mais en l’empruntant, une semaine avant l’agression, à une relation de travail.
Toute aussi accablante quant aux intentions criminelles de Remes, l’analyse de ses e-mails a révélé que, fin octobre 2009, un mois à peine avant l’agression, il avait écrit à la Sinochem Nanjing Corporation, une société basée en Chine, aux fins de se renseigner sur les possibilités de se faire livrer 100 grammes de cyanure de potassium. Et que, fin novembre 2009, il avait effectué une démarche similaire auprès d’une autre société pour se procurer un pesticide…
Poussé dans les cordes par les différentes vérifications des enquêteurs, le « vitrioleur» s’est alors enfermé dans des explications toujours plus extravagantes. L’achat de l’acide sulfurique ? Non, ce n’était pas dans l’intention d’attaquer Patricia Lefranc ! Bien sûr, ce n’était pas non plus pour sa Renault Twingo mais, finalement, pour… déboucher sa baignoire. Les recherches de produits toxiques sur Internet ? Non, ce n’était pas pour s’en prendre à autrui, mais pour « vérifier ce qu’il est possible de se procurer sur le Net ». L’emprunt d’un déguisement de motard à un collègue de Bruxelles-Propreté ? Non, ce n’était pas pour fomenter un mauvais coup, mais plutôt pour « faire une surprise » à Patricia en venant lui « offrir un bouquet de fleurs » dans cet accoutrement.
Et Remes de raconter une histoire, sa dernière version enregistrée par les enquêteurs avant le procès qui débutera ce 12 mars, selon laquelle l’idée du cadeau surprise s’est transformée en attaque à l’acide le jour de faits à la suite d’un coup de sang. Si l’on devait suivre cette thèse, qui n’est pas plus compatible avec les données factuelles du dossier que les précédentes, le « vitrioleur » aurait pris congé l’après-midi du 1er décembre 2009 pour aller chercher un grand bouquet de fleurs. Cependant, vers 14 h 20 – 14 h 30, il aurait croisé Patricia Lefranc dans un couloir de leur immeuble commun. A cette occasion, il lui aurait dit qu’il l’aimait toujours et qu’il l’attendait. Elle lui aurait répondu : « Inutile, j’ai rencontré quelqu’un d’autre, un gars qui n’est pas beau mais qui a une grosse voiture et de l’argent. » Il l’aurait alors traité à demi-mot de prostituée. Patricia l’aurait insulté en retour en lui faisant un doigt d’honneur, le quittant sur un sourire narquois. Et ce serait dans ces circonstances que Remes aurait senti monter la colère en lui. Il aurait explosé « comme une cocotte-minute ». Il se serait dit : « Merde, espèce de con, moi qui voulais encore t’acheter des fleurs, tu vas voir je vais aussi t’humilier. Tu vas voir, tu vas sentir le white spirit pendant deux jours, car je vais te foutre de la peinture sur toi. »
Dans une autre audition, le vitrioleur complète sa défense en disant qu’il n’a jamais voulu toucher le visage de sa victime en lançant de l’acide sulfurique dans sa direction. Et qu’il ne s’agit pas plus d’une tentative d’assassinat : « Je voulais qu’elle ressente ce que je ressentais à ce moment-là, cette humiliation et cette peine, et je voulais qu’elle soit humiliée mais jamais, au grand jamais, je ne voulais attenter à sa vie. »
Si on en croit cette version des faits, Remes aurait donc agi de manière impulsive, sur le coup de la colère et, de plus, l’attaque aurait eu des conséquences bien plus dommageables pour la victime que ce qu’il avait imaginé. Mais cette argumentation cadre mal avec le récit de l’agression fait par la victime (deux attaques successives avec volonté manifeste d’attaquer le visage). Elle ne cadre pas non plus avec le récit de Patricia qui dément avoir rencontré Remes dans le couloir quelques instants avant le drame (témoignage conforté par celui de sa femme de ménage, qui n’a pas vu Mme Lefranc sortir avant les deux coups de sonnettes de 14 h 30) et par l’étude de la téléphonie qui prouve que la victime conversait avec sa sœur dans la tranche horaire décrite par le vitrioleur. Enfin, si les événements s’étaient passés comme le raconte Remes, on comprend mal comment Patricia Lefranc se serait fait appâter par les coups de sonnettes du « livreur » l’invitant à descendre dans le hall d’entrée à 14 h 30…
Par contre, beaucoup d’éléments de l’enquête permettent de décoder l’agression comme l’aboutissement d’un processus de possession maladive. Dès le début de l’enquête, plusieurs proches de la victime ont témoigné du harcèlement dont Patricia Lefranc avait été l’objet depuis qu’elle avait décidé de rompre avec Richard Remes. Ainsi, elle l’avait déjà soupçonné à la suite de récentes dégradations dont sa Peugeot 206 avait été l’objet (jets d’acide, phares détruits).
Eric T., l’ex-compagnon de Patricia, révèlera notamment qu’une semaine avant l’attaque au vitriol, la victime et son harceleur s’étaient croisés dans l’ascenseur, Patricia Lefranc confirmant alors à Richard Remes que leur relation était bel et bien terminée. Ce dernier lui rétorquant : « Tu verras, je suis le seul homme qui t’aime. » Elle, voulant s’en débarrasser, lui renvoyant : « J’ai déjà quelqu’un d’autre.» Une scène qui renvoie à celle décrite par Remes qui, d’évidence, l’a déplacée dans le temps, la rendant très proche de l’agression, pour accréditer sa version du « coup de sang ».
Durant l’instruction, Patricia Lefranc a aussi raconté un voyage en Egypte au cours duquel Remes l’avait fort intrigué. Il avait mitraillé son corps avec son appareil photo plus de six cents fois, prenant de toutes les parties de son anatomie des clichés dont il voulait tapisser sa chambre à coucher. Un côté obsessionnel, qui n’empêchait pas ce piètre amant au lit d’être, comme l’avait constaté sa victime, un consommateur goulu de sites pornographiques et de rencontres, tant hétéro que gay.
Ce personnage « étouffant » (dixit sa victime) se promenait en rue avec un t-shirt portant la photo de Patricia et la mention « Je l’aime ». Selon Mme Lefranc, il lui était apparu de plus en plus inquiétant au fil du temps. Notamment lorsqu’en Egypte, il lui avait tenu d’énigmatiques propos qui auraient pu être compris comme des menaces de mort. Il avait par exemple évoqué ce qui se passerait pour elle, qui ne savait pas nager, si elle devait tomber d’un bateau. Il parla de lui mettre la main sur la tête au moment où elle prendrait son bain. Et pour couronner le tout, il partagea avec elle sa fascination pour un film de Jennifer Chambers Lynch intitulé « Boxing Helena ». L’histoire glauque d’un homme obsédé par la conquête d’une femme fatale qu’il finira par séquestrer et amputer de ses membres afin de la garder pour lui…
Est-ce à dire que le « vitrioleur » a été ou serait encore un dément, une personne irresponsable de ses actes ? Pas du tout, selon les experts-psychiatres qui l’ont examiné. Leur diagnostic est même plutôt favorable à l’intéressé, dans la mesure où, selon eux, « Richard Remes ne représente pas un danger social quant à une pathologie mentale, ni un risque important de récidive pour autant qu’un suivi durable psychanalytique sous injonction soit appliqué chez un professionnel éclairé. La personnalité de l’intéressé est bien formée (…) Il ne semble pas y avoir de construction névrotique développée, ni obsessionnelle, ni hystérique. » Tout au plus, ces psys ont détecté un assez banal «côté mâle immature accentué avec refoulement de sa dépendance affective au côté féminin ».
Toutefois, ces experts ont aussi constaté l’évidence que nous avions déjà soulignée. A charge de Remes, ils relèvent en effet que « la volonté de banaliser et de minimiser son acte est manifeste. Il ne s’agit pas de le nier, mais de le réduire. Ainsi s’évertue-t-il à en faire percevoir la spontanéité, pourtant contredite par la minutie des préparatifs. »
Pour sa famille qui prend fait et cause pour lui, Richard Remes n’est pas non plus un danger social. Elle voit plutôt en lui une personne affable et fragile, victime d’une redoutable manipulatrice qui l’aurait poussé à bout en jouant avec ses sentiments. Au regard des nombreux mensonges du vitrioleur relevés durant l’instruction de ce dossier, ce renversement des rôles paraît assez osé.
Il est carrément odieux mis en rapport avec la gravité de l’acte qui a été posé et de ses conséquences. Défigurée, Patricia a perdu aussi l’œil gauche. Les lésions qui lui ont été infligées sont encore évolutives et la douleur continue à faire partie d’un quotidien qui implique de nombreux soins difficiles à supporter. Sans parler de ses souffrances psychologiques…
Il avait déjà été suspecté d’un homicide
Le 4 mai 2009, Patricia Lefranc a été hospitalisée à la suite d’un surdosage médicamenteux qui a altéré son état de conscience. Durant l’instruction, elle a fait part de soupçons qu’elle nourrissait à l’égard de Richard Remes qui, juste avant qu’elle ne se sente pas bien, lui avait donné à boire un verre de Pisang avec du jus d’orange… Similitude pour le moins frappante avec un autre dossier où Richard Remes fut également inculpé d’assassinat. En janvier 1988, une petite fille de 17 mois avait été retrouvée morte au pied d’un immeuble de la rue Haute à Bruxelles. La défenestration et la chute n’étaient que des simulacres visant à camoufler une mort par étouffement. Remes avait, à l’époque, une liaison avec la mère de l’enfant… qu’il harcelait depuis qu’elle avait décidé de mettre fin à cette relation. Le soir du drame, il était venu chez elle. Lui avait proposé de boire un Pisang avec du jus d’orange. Le lendemain matin, la petite Sandra avait cessé de vivre. La maman et Remes avaient été mis en cause avant de bénéficier d’un non-lieu, faute de preuves. En marge de l’affaire Lefranc, l’instruction judiciaire relative à ces faits a été rouverte. Elle est toujours en cours.
Une journée dans la vie d’un vitrioleur
Le 1er décembre 2009, Richard Remes se lève aux environs de 8 heures. Vers 9 h 45, il choisit d’aller entretenir ses muscles à la salle de fitness du « Stadium».
A 11 heures, il revient à son domicile afin de prendre une douche et de se restaurer.
A 12 h 32, il arrive à son travail de Bruxelles-Propreté où ses collègues, interrogés a posteriori, trouvent son comportement tout à fait habituel.
A 14 heures, Remes prend congé en affirmant devoir se rendre chez le cardiologue. Dès qu’il rentre chez lui, il revêt l’équipement de motard emprunté à un collègue. Il remplit à ras bord un bol d’un mélange d’acide sulfurique (1/3) et d’eau du robinet (2/3). Il descend et verse une partie du liquide dans une boîte de conserve trouvée dans le local à poubelles. Disposant de deux récipients, il sonne à la porte de Patricia Lefranc. Elle descend. L’analyse d’un expert démontrant qu’il y a bien deux jets de liquide au moment de l’agression, qui s’est donc bien déroulée en deux temps, contrairement aux déclarations du vitrioleur.
Quand la victime parvient à s’enfuir, Remes (« pris de panique », selon ses déclarations) remonte dans son appartement. Il retire ses combat-shoes dans le hall d’entrée et range le pantalon, les gants et sa veste dans une boîte en carton. Brûlé lui-même lors de l’agression, il place son poignet droit sous l’eau et se pose un bandage. Pendant ce temps, les sirènes de la police et des ambulanciers se font entendre dans la rue. Pour ne pas les entendre, Remes se place un casque sur les oreilles pour écouter de la musique. Il ignore les policiers qui frappent à sa porte dans le cadre de la première enquête de voisinage.
Le calme revenu, il reprend ses activités comme si de rien n’était. Il écrit d’abord un SMS à sa dernière conquête, Pascale D., rencontrée via Netlog trois semaines avant les faits, lui confirmant un rendez-vous le soir même, au Cirque Royal, où il compte assister à un spectacle de l’humoriste Jean-Marie Bigard.
A 15 h 31, il téléphone à une autre amie, Martine D., dénichée sur le site de rencontres Badoo, et lui raconte qu’il a pris congé parce qu’il n’a pas le moral.
A 15 h 50, c’est Anne-Marie D, une autre relation éphémère, qui a droit à ses lamentations. Il se dit alors « angoissé » par des « problèmes au boulot »…
A 17 h 08, il converse encore pendant vingt minutes au téléphone avec Anne-Marie S., une autre proie repérée sur Netlog.
A 18 h 50, armé d’un mandat du juge d’instruction, les enquêteurs reviennent au domicile du suspect. La porte reste close. Vingt minutes plus tard, tandis qu’un serrurier commence son travail, Remes ouvre enfin. Il est aussitôt privé de liberté… et envoyé à l’hôpital de Neder-over-Heembeek pour que ses brûlures apparentes au poignet droit soient soignées.
Peu avant minuit, l’interrogatoire du vitrioleur commence. Il durera quatre heures. Après ses aveux, il est déféré devant le juge d’instruction qui l’inculpe de tentative d’assassinat et le place sous mandat d’arrêt.
On rappellera ici que Remes a bénéficié d’une erreur de procédure commise par le greffe du Tribunal de première instance de Bruxelles lors d’un contrôle mensuel de la détention préventive. Libéré le 5 octobre 2010, il ne s’est pas enfui et a été remis en prison le 1er juin dernier dans la perspective de son procès.