Un article publié dans PARIS MATCH Belgique, le 19 AVRIL 2012
Ce 17 avril, Daniel M. ne s’est pas rendu à Mons pour assister aux débats de la Chambre du conseil qui a recommencé l’examen des faits de harcèlement d’une ampleur exceptionnelle dont il fut victime au sein de l’entreprise Mactac à Soignies. Trop d’angoisse et de peur…
«Je ne puis assumer l’idée d’être confronté une fois de plus à mes harceleurs. Rien que d’y penser, je me sens mal », explique cet homme blessé. Des années après les faits, Daniel M. vit dans la peur que les auteurs, ceux qui l’ont atteint dans son intégrité physique et morale, puisse une nouvelle fois s’en prendre à lui. Pas question donc de les rencontrer, de croiser une fois encore ces regards qui l’ont trop moqué et humilié. Même pas à l’occasion de cette phase importante de la procédure judiciaire. La Chambre du conseil qui devra décider si les bourreaux d’hier bénéficieront ou ne bénéficieront pas d’une extinction de l’action pénale. « La fin des poursuites, ce serait la blessure ultime, l’incompréhension totale », commente Daniel. « Mon avocat a déposé des conclusions qui plaident contre la prescription des faits. Pour cela, il s’appuie notamment sur les résultats de l’information réalisée par l’auditorat du travail après la médiatisation de mon histoire. »
Nous avions déjà signalé dans un article publié la semaine dernière ( https://www.michelbouffioux.be//categorie-11404371.html )que les avocats de Mactac contestaient la régularité de cette enquête complémentaire menée sous la houlette de l’auditeur du travail de Mons. N’évoquant pas cette question de la légalité de la démarche entreprise par l’auditorat, Guido Alvino, l’administrateur délégué de Mactac, écrit quant à lui que « ce rapport ne contient aucun élément substantiel à charge de la société ». Et d’ajouter : « Comment expliquer autrement le fait qu’après en avoir pris connaissance, le procureur du Roi titulaire du dossier fixé devant la Chambre du conseil n’ait pas modifié ses réquisitions ? (…) Il est totalement erroné de croire que ce rapport ait un quelconque lien avec les faits de 2002 et les délais de prescription. »
Contrairement à ce qu’affirme M. Alvino, le rapport cité par Paris Match indique bel et bien qu’il y a eu dans l’entreprise de Soignies continuation d’un certain nombre d’infractions, et notamment au regard de plusieurs dispositions de la loi du 11 juin 2002 relative à la protection contre la violence et le harcèlement au travail : règlement de travail inadapté, travailleurs pas assez formés, analyse des risques et prévention insuffisantes… L’inspecteur du travail précisant en gras et souligné dans le rapport : « Ces infractions sont continues jusqu’au moins le 23 juin 2011, date de ma dernière visite de l’entreprise. » Qu’il soit « totalement erroné de croire que ce rapport ait un quelconque lien avec les faits de 2002 et les délais de prescription », comme l’écrit M. Alvino, n’est donc qu’un point de vue contesté par la partie civile et qui pourrait faire l’objet d’une discussion devant la Chambre du conseil de Mons. Pour cela, il faudra cependant que le rapport de l’auditorat soit jugé recevable, contrairement à la position exprimée ce 17 avril par le ministère public.
M. Alvino renchérit avec une argumentation déjà entendue au moment de la révélation de cette triste affaire, tout en reconnaissant, une fois de plus, que l’histoire vécue par Daniel M. est pour le moins un « cas de harcèlement » : « Nous sommes surpris de voir que Paris Match épouse avec complaisance une stratégie juridique définie par le plaignant et/ou son avocat. », écrit-il. « Il semble acquis que, redoutant que la Chambre du conseil ne considère les faits de 2002 comme prescrits, ils tentent par tous les moyens depuis 2010 de démontrer que cette histoire regrettable ferait en réalité partie d’une culture d’entreprise qui perdurerait encore actuellement. (…) Aujourd’hui comme en 2010, nous déplorons cette affaire ancienne et comprenons la difficulté pour Daniel M. de surmonter cette épreuve. Cependant, nous nous devons de réagir à des propos déplacés laissant entendre que ce dossier serait le reflet du climat de travail passé et présent de l’entreprise. Mactac Europe emploie actuellement sur son site de Soignies 540 personnes et assure une centaine d’emplois indirects dans la région. Nous sommes convaincus d’offrir un cadre de travail agréable et des salaires attractifs. Notre taux de rotation annuel de 1 % depuis des années témoigne d’ailleurs de la grande fidélité de notre personnel à l’entreprise, la moyenne nationale étant de 8,2%. Il est aussi utile de savoir qu’aucune personne n’a quitté l’entreprise suite aux révélations par la presse du cas de harcèlement sur Daniel M. et qu’en 2010, le personnel s’était collectivement et publiquement indigné de la caricature dont Mactac faisait l’objet. »
Il ne suffit évidemment pas de faire état de son indignation et d’affirmer des choses de manière péremptoire pour avoir raison. Ainsi donc Paris Match serait suspecté, en complicité avec l’une des victimes de faits de harcèlement non contestés, de vouloir démontrer que «cette histoire regrettable ferait en réalité partie d’une culture d’entreprise qui perdurerait encore actuellement». Alors qu’en fait, l’article évoquant le récit inédit – fait à la police fédérale – d’une troisième victime qui travaille encore chez Mactac précisait bien : « Son témoignage est éclairant à plus d’un titre. Il confirme la violence qui a régné pendant un temps – désormais révolu – chez Mactac. Mais il démontre surtout comment une certaine culture d’entreprise mâtinée des craintes de perdre un emploi et de mal se faire voir de ses collègues conduit à la production d’un discours banalisant, à l’égard de faits pourtant inacceptables. »
La réponse au procès d’intention que veut nous faire l’administrateur délégué de Mactac se trouve donc dans ce témoignage révélé par Paris Match – non contesté et non commenté par Guido Alvino – du vécu enduré par la troisième victime. Car c’est bien cette ex-victime qui disait – en 2011 ! –, parmi bien d’autres déclarations illustrant parfaitement notre point de vue sur un certain « discours
banalisant » encore présent dans l’entreprise : «Personnellement, j’étais souvent marqué d’ecchymoses importantes. Mais c’était supportable, ça détendait parfois l’atmosphère, on en riait… » Ou encore : « S. a voulu m’attacher avec du scotch au niveau des poignets. Je ne me suis pas laissé faire. Je n’aime pas que l’on s’en prenne à mon intégrité physique. Je n’aime pas que l’on m’attache. Vu ma résistance, il s’est emporté. Il m’a renversé et mis sur le sol. Directement, il m’a saisi à la gorge assez violemment : il me restait des traces au cou quelques heures après l’incident. Tout en me saisissant à la gorge, il m’a menacé à l’aide d’un cutter, en me disant que si je bougeais, il allait me planter. Cette menace était lancée sur un ton assez moqueur, il n’y avait pas dans son regard, ou dans son attitude, d’agressivité (sic). Pour moi, il s’agissait plus d’une sorte de fanfaronnade, mais enfin, le geste était quand même là. » Etc.
Le S. en question a été renvoyé après les faits les plus graves (menaces, d’égorgement… faites toutefois avec «humour») et c’est une fort bonne décision de la direction de Mactac ! Toutefois, la victime, qui travaille toujours dans l’entreprise, qualifie encore actuellement ses ecchymoses, répétées de faits de nature à « détendre l’atmosphère »… Et elle parle encore aujourd’hui de «fanfaronnade» à propos d’une agression caractérisée réalisée à l’aide d’un cutter. Cela illustre parfaitement notre propos sur une certaine «culture d’entreprise », que l’on craint de retrouver chez M. Alvino lui-même lorsqu’il se plaît à rappeler que «le personnel s’était collectivement et publiquement indigné de la caricature dont Mactac faisait l’objet».
L’administrateur délégué de Mactac se trompe de débat : Daniel M. et d’autres ont été les victimes, et ce sont seulement ces faits-là qui doivent susciter l’indignation.
A suivre…
La Chambre du conseil de Mons a mis l’affaire Mactac en continuation à la date du 22 mai prochain. L’attente sera longue et stressante pour Daniel M., alors que le ministère public s’est une nouvelle fois déclaré être sur la même longueur d’onde que les avocats de la multinationale. Pour le parquet de Mons, en effet, le rapport de l’auditorat du travail ne peut être pris en compte et il y a prescription des faits, même s’ils sont établis ! Effondré, Daniel peut encore espérer que la Chambre du conseil suive plutôt les conclusions de son avocat, Me Christophe Marchand, pour lequel il est tout à fait évident que les faits ne sont pas prescrits…
Un article publié dans PARIS MATCH Belgique, le 19 AVRIL 2012
Ce 17 avril, Daniel M. ne s’est pas rendu à Mons pour assister aux débats de la Chambre du conseil qui a recommencé l’examen des faits de harcèlement d’une ampleur exceptionnelle dont il fut victime au sein de l’entreprise Mactac à Soignies. Trop d’angoisse et de peur…
«Je ne puis assumer l’idée d’être confronté une fois de plus à mes harceleurs. Rien que d’y penser, je me sens mal », explique cet homme blessé. Des années après les faits, Daniel M. vit dans la peur que les auteurs, ceux qui l’ont atteint dans son intégrité physique et morale, puisse une nouvelle fois s’en prendre à lui. Pas question donc de les rencontrer, de croiser une fois encore ces regards qui l’ont trop moqué et humilié. Même pas à l’occasion de cette phase importante de la procédure judiciaire. La Chambre du conseil qui devra décider si les bourreaux d’hier bénéficieront ou ne bénéficieront pas d’une extinction de l’action pénale. « La fin des poursuites, ce serait la blessure ultime, l’incompréhension totale », commente Daniel. « Mon avocat a déposé des conclusions qui plaident contre la prescription des faits. Pour cela, il s’appuie notamment sur les résultats de l’information réalisée par l’auditorat du travail après la médiatisation de mon histoire. »
Nous avions déjà signalé dans un article publié la semaine dernière ( https://www.michelbouffioux.be//categorie-11404371.html )que les avocats de Mactac contestaient la régularité de cette enquête complémentaire menée sous la houlette de l’auditeur du travail de Mons. N’évoquant pas cette question de la légalité de la démarche entreprise par l’auditorat, Guido Alvino, l’administrateur délégué de Mactac, écrit quant à lui que « ce rapport ne contient aucun élément substantiel à charge de la société ». Et d’ajouter : « Comment expliquer autrement le fait qu’après en avoir pris connaissance, le procureur du Roi titulaire du dossier fixé devant la Chambre du conseil n’ait pas modifié ses réquisitions ? (…) Il est totalement erroné de croire que ce rapport ait un quelconque lien avec les faits de 2002 et les délais de prescription. »
Contrairement à ce qu’affirme M. Alvino, le rapport cité par Paris Match indique bel et bien qu’il y a eu dans l’entreprise de Soignies continuation d’un certain nombre d’infractions, et notamment au regard de plusieurs dispositions de la loi du 11 juin 2002 relative à la protection contre la violence et le harcèlement au travail : règlement de travail inadapté, travailleurs pas assez formés, analyse des risques et prévention insuffisantes… L’inspecteur du travail précisant en gras et souligné dans le rapport : « Ces infractions sont continues jusqu’au moins le 23 juin 2011, date de ma dernière visite de l’entreprise. » Qu’il soit « totalement erroné de croire que ce rapport ait un quelconque lien avec les faits de 2002 et les délais de prescription », comme l’écrit M. Alvino, n’est donc qu’un point de vue contesté par la partie civile et qui pourrait faire l’objet d’une discussion devant la Chambre du conseil de Mons. Pour cela, il faudra cependant que le rapport de l’auditorat soit jugé recevable, contrairement à la position exprimée ce 17 avril par le ministère public.
M. Alvino renchérit avec une argumentation déjà entendue au moment de la révélation de cette triste affaire, tout en reconnaissant, une fois de plus, que l’histoire vécue par Daniel M. est pour le moins un « cas de harcèlement » : « Nous sommes surpris de voir que Paris Match épouse avec complaisance une stratégie juridique définie par le plaignant et/ou son avocat. », écrit-il. « Il semble acquis que, redoutant que la Chambre du conseil ne considère les faits de 2002 comme prescrits, ils tentent par tous les moyens depuis 2010 de démontrer que cette histoire regrettable ferait en réalité partie d’une culture d’entreprise qui perdurerait encore actuellement. (…) Aujourd’hui comme en 2010, nous déplorons cette affaire ancienne et comprenons la difficulté pour Daniel M. de surmonter cette épreuve. Cependant, nous nous devons de réagir à des propos déplacés laissant entendre que ce dossier serait le reflet du climat de travail passé et présent de l’entreprise. Mactac Europe emploie actuellement sur son site de Soignies 540 personnes et assure une centaine d’emplois indirects dans la région. Nous sommes convaincus d’offrir un cadre de travail agréable et des salaires attractifs. Notre taux de rotation annuel de 1 % depuis des années témoigne d’ailleurs de la grande fidélité de notre personnel à l’entreprise, la moyenne nationale étant de 8,2%. Il est aussi utile de savoir qu’aucune personne n’a quitté l’entreprise suite aux révélations par la presse du cas de harcèlement sur Daniel M. et qu’en 2010, le personnel s’était collectivement et publiquement indigné de la caricature dont Mactac faisait l’objet. »
Il ne suffit évidemment pas de faire état de son indignation et d’affirmer des choses de manière péremptoire pour avoir raison. Ainsi donc Paris Match serait suspecté, en complicité avec l’une des victimes de faits de harcèlement non contestés, de vouloir démontrer que «cette histoire regrettable ferait en réalité partie d’une culture d’entreprise qui perdurerait encore actuellement». Alors qu’en fait, l’article évoquant le récit inédit – fait à la police fédérale – d’une troisième victime qui travaille encore chez Mactac précisait bien : « Son témoignage est éclairant à plus d’un titre. Il confirme la violence qui a régné pendant un temps – désormais révolu – chez Mactac. Mais il démontre surtout comment une certaine culture d’entreprise mâtinée des craintes de perdre un emploi et de mal se faire voir de ses collègues conduit à la production d’un discours banalisant, à l’égard de faits pourtant inacceptables. »
La réponse au procès d’intention que veut nous faire l’administrateur délégué de Mactac se trouve donc dans ce témoignage révélé par Paris Match – non contesté et non commenté par Guido Alvino – du vécu enduré par la troisième victime. Car c’est bien cette ex-victime qui disait – en 2011 ! –, parmi bien d’autres déclarations illustrant parfaitement notre point de vue sur un certain « discours
banalisant » encore présent dans l’entreprise : «Personnellement, j’étais souvent marqué d’ecchymoses importantes. Mais c’était supportable, ça détendait parfois l’atmosphère, on en riait… » Ou encore : « S. a voulu m’attacher avec du scotch au niveau des poignets. Je ne me suis pas laissé faire. Je n’aime pas que l’on s’en prenne à mon intégrité physique. Je n’aime pas que l’on m’attache. Vu ma résistance, il s’est emporté. Il m’a renversé et mis sur le sol. Directement, il m’a saisi à la gorge assez violemment : il me restait des traces au cou quelques heures après l’incident. Tout en me saisissant à la gorge, il m’a menacé à l’aide d’un cutter, en me disant que si je bougeais, il allait me planter. Cette menace était lancée sur un ton assez moqueur, il n’y avait pas dans son regard, ou dans son attitude, d’agressivité (sic). Pour moi, il s’agissait plus d’une sorte de fanfaronnade, mais enfin, le geste était quand même là. » Etc.
Le S. en question a été renvoyé après les faits les plus graves (menaces, d’égorgement… faites toutefois avec «humour») et c’est une fort bonne décision de la direction de Mactac ! Toutefois, la victime, qui travaille toujours dans l’entreprise, qualifie encore actuellement ses ecchymoses, répétées de faits de nature à « détendre l’atmosphère »… Et elle parle encore aujourd’hui de «fanfaronnade» à propos d’une agression caractérisée réalisée à l’aide d’un cutter. Cela illustre parfaitement notre propos sur une certaine «culture d’entreprise », que l’on craint de retrouver chez M. Alvino lui-même lorsqu’il se plaît à rappeler que «le personnel s’était collectivement et publiquement indigné de la caricature dont Mactac faisait l’objet».
L’administrateur délégué de Mactac se trompe de débat : Daniel M. et d’autres ont été les victimes, et ce sont seulement ces faits-là qui doivent susciter l’indignation.
A suivre…
La Chambre du conseil de Mons a mis l’affaire Mactac en continuation à la date du 22 mai prochain. L’attente sera longue et stressante pour Daniel M., alors que le ministère public s’est une nouvelle fois déclaré être sur la même longueur d’onde que les avocats de la multinationale. Pour le parquet de Mons, en effet, le rapport de l’auditorat du travail ne peut être pris en compte et il y a prescription des faits, même s’ils sont établis ! Effondré, Daniel peut encore espérer que la Chambre du conseil suive plutôt les conclusions de son avocat, Me Christophe Marchand, pour lequel il est tout à fait évident que les faits ne sont pas prescrits…
Un article publié dans PARIS MATCH Belgique, le 19 AVRIL 2012
Ce 17 avril, Daniel M. ne s’est pas rendu à Mons pour assister aux débats de la Chambre du conseil qui a recommencé l’examen des faits de harcèlement d’une ampleur exceptionnelle dont il fut victime au sein de l’entreprise Mactac à Soignies. Trop d’angoisse et de peur…
«Je ne puis assumer l’idée d’être confronté une fois de plus à mes harceleurs. Rien que d’y penser, je me sens mal », explique cet homme blessé. Des années après les faits, Daniel M. vit dans la peur que les auteurs, ceux qui l’ont atteint dans son intégrité physique et morale, puisse une nouvelle fois s’en prendre à lui. Pas question donc de les rencontrer, de croiser une fois encore ces regards qui l’ont trop moqué et humilié. Même pas à l’occasion de cette phase importante de la procédure judiciaire. La Chambre du conseil qui devra décider si les bourreaux d’hier bénéficieront ou ne bénéficieront pas d’une extinction de l’action pénale. « La fin des poursuites, ce serait la blessure ultime, l’incompréhension totale », commente Daniel. « Mon avocat a déposé des conclusions qui plaident contre la prescription des faits. Pour cela, il s’appuie notamment sur les résultats de l’information réalisée par l’auditorat du travail après la médiatisation de mon histoire. »
Nous avions déjà signalé dans un article publié la semaine dernière ( https://www.michelbouffioux.be//categorie-11404371.html )que les avocats de Mactac contestaient la régularité de cette enquête complémentaire menée sous la houlette de l’auditeur du travail de Mons. N’évoquant pas cette question de la légalité de la démarche entreprise par l’auditorat, Guido Alvino, l’administrateur délégué de Mactac, écrit quant à lui que « ce rapport ne contient aucun élément substantiel à charge de la société ». Et d’ajouter : « Comment expliquer autrement le fait qu’après en avoir pris connaissance, le procureur du Roi titulaire du dossier fixé devant la Chambre du conseil n’ait pas modifié ses réquisitions ? (…) Il est totalement erroné de croire que ce rapport ait un quelconque lien avec les faits de 2002 et les délais de prescription. »
Contrairement à ce qu’affirme M. Alvino, le rapport cité par Paris Match indique bel et bien qu’il y a eu dans l’entreprise de Soignies continuation d’un certain nombre d’infractions, et notamment au regard de plusieurs dispositions de la loi du 11 juin 2002 relative à la protection contre la violence et le harcèlement au travail : règlement de travail inadapté, travailleurs pas assez formés, analyse des risques et prévention insuffisantes… L’inspecteur du travail précisant en gras et souligné dans le rapport : « Ces infractions sont continues jusqu’au moins le 23 juin 2011, date de ma dernière visite de l’entreprise. » Qu’il soit « totalement erroné de croire que ce rapport ait un quelconque lien avec les faits de 2002 et les délais de prescription », comme l’écrit M. Alvino, n’est donc qu’un point de vue contesté par la partie civile et qui pourrait faire l’objet d’une discussion devant la Chambre du conseil de Mons. Pour cela, il faudra cependant que le rapport de l’auditorat soit jugé recevable, contrairement à la position exprimée ce 17 avril par le ministère public.
M. Alvino renchérit avec une argumentation déjà entendue au moment de la révélation de cette triste affaire, tout en reconnaissant, une fois de plus, que l’histoire vécue par Daniel M. est pour le moins un « cas de harcèlement » : « Nous sommes surpris de voir que Paris Match épouse avec complaisance une stratégie juridique définie par le plaignant et/ou son avocat. », écrit-il. « Il semble acquis que, redoutant que la Chambre du conseil ne considère les faits de 2002 comme prescrits, ils tentent par tous les moyens depuis 2010 de démontrer que cette histoire regrettable ferait en réalité partie d’une culture d’entreprise qui perdurerait encore actuellement. (…) Aujourd’hui comme en 2010, nous déplorons cette affaire ancienne et comprenons la difficulté pour Daniel M. de surmonter cette épreuve. Cependant, nous nous devons de réagir à des propos déplacés laissant entendre que ce dossier serait le reflet du climat de travail passé et présent de l’entreprise. Mactac Europe emploie actuellement sur son site de Soignies 540 personnes et assure une centaine d’emplois indirects dans la région. Nous sommes convaincus d’offrir un cadre de travail agréable et des salaires attractifs. Notre taux de rotation annuel de 1 % depuis des années témoigne d’ailleurs de la grande fidélité de notre personnel à l’entreprise, la moyenne nationale étant de 8,2%. Il est aussi utile de savoir qu’aucune personne n’a quitté l’entreprise suite aux révélations par la presse du cas de harcèlement sur Daniel M. et qu’en 2010, le personnel s’était collectivement et publiquement indigné de la caricature dont Mactac faisait l’objet. »
Il ne suffit évidemment pas de faire état de son indignation et d’affirmer des choses de manière péremptoire pour avoir raison. Ainsi donc Paris Match serait suspecté, en complicité avec l’une des victimes de faits de harcèlement non contestés, de vouloir démontrer que «cette histoire regrettable ferait en réalité partie d’une culture d’entreprise qui perdurerait encore actuellement». Alors qu’en fait, l’article évoquant le récit inédit – fait à la police fédérale – d’une troisième victime qui travaille encore chez Mactac précisait bien : « Son témoignage est éclairant à plus d’un titre. Il confirme la violence qui a régné pendant un temps – désormais révolu – chez Mactac. Mais il démontre surtout comment une certaine culture d’entreprise mâtinée des craintes de perdre un emploi et de mal se faire voir de ses collègues conduit à la production d’un discours banalisant, à l’égard de faits pourtant inacceptables. »
La réponse au procès d’intention que veut nous faire l’administrateur délégué de Mactac se trouve donc dans ce témoignage révélé par Paris Match – non contesté et non commenté par Guido Alvino – du vécu enduré par la troisième victime. Car c’est bien cette ex-victime qui disait – en 2011 ! –, parmi bien d’autres déclarations illustrant parfaitement notre point de vue sur un certain « discours
banalisant » encore présent dans l’entreprise : «Personnellement, j’étais souvent marqué d’ecchymoses importantes. Mais c’était supportable, ça détendait parfois l’atmosphère, on en riait… » Ou encore : « S. a voulu m’attacher avec du scotch au niveau des poignets. Je ne me suis pas laissé faire. Je n’aime pas que l’on s’en prenne à mon intégrité physique. Je n’aime pas que l’on m’attache. Vu ma résistance, il s’est emporté. Il m’a renversé et mis sur le sol. Directement, il m’a saisi à la gorge assez violemment : il me restait des traces au cou quelques heures après l’incident. Tout en me saisissant à la gorge, il m’a menacé à l’aide d’un cutter, en me disant que si je bougeais, il allait me planter. Cette menace était lancée sur un ton assez moqueur, il n’y avait pas dans son regard, ou dans son attitude, d’agressivité (sic). Pour moi, il s’agissait plus d’une sorte de fanfaronnade, mais enfin, le geste était quand même là. » Etc.
Le S. en question a été renvoyé après les faits les plus graves (menaces, d’égorgement… faites toutefois avec «humour») et c’est une fort bonne décision de la direction de Mactac ! Toutefois, la victime, qui travaille toujours dans l’entreprise, qualifie encore actuellement ses ecchymoses, répétées de faits de nature à « détendre l’atmosphère »… Et elle parle encore aujourd’hui de «fanfaronnade» à propos d’une agression caractérisée réalisée à l’aide d’un cutter. Cela illustre parfaitement notre propos sur une certaine «culture d’entreprise », que l’on craint de retrouver chez M. Alvino lui-même lorsqu’il se plaît à rappeler que «le personnel s’était collectivement et publiquement indigné de la caricature dont Mactac faisait l’objet».
L’administrateur délégué de Mactac se trompe de débat : Daniel M. et d’autres ont été les victimes, et ce sont seulement ces faits-là qui doivent susciter l’indignation.
A suivre…
La Chambre du conseil de Mons a mis l’affaire Mactac en continuation à la date du 22 mai prochain. L’attente sera longue et stressante pour Daniel M., alors que le ministère public s’est une nouvelle fois déclaré être sur la même longueur d’onde que les avocats de la multinationale. Pour le parquet de Mons, en effet, le rapport de l’auditorat du travail ne peut être pris en compte et il y a prescription des faits, même s’ils sont établis ! Effondré, Daniel peut encore espérer que la Chambre du conseil suive plutôt les conclusions de son avocat, Me Christophe Marchand, pour lequel il est tout à fait évident que les faits ne sont pas prescrits…
Un article publié dans PARIS MATCH Belgique, le 19 AVRIL 2012
Ce 17 avril, Daniel M. ne s’est pas rendu à Mons pour assister aux débats de la Chambre du conseil qui a recommencé l’examen des faits de harcèlement d’une ampleur exceptionnelle dont il fut victime au sein de l’entreprise Mactac à Soignies. Trop d’angoisse et de peur…
«Je ne puis assumer l’idée d’être confronté une fois de plus à mes harceleurs. Rien que d’y penser, je me sens mal », explique cet homme blessé. Des années après les faits, Daniel M. vit dans la peur que les auteurs, ceux qui l’ont atteint dans son intégrité physique et morale, puisse une nouvelle fois s’en prendre à lui. Pas question donc de les rencontrer, de croiser une fois encore ces regards qui l’ont trop moqué et humilié. Même pas à l’occasion de cette phase importante de la procédure judiciaire. La Chambre du conseil qui devra décider si les bourreaux d’hier bénéficieront ou ne bénéficieront pas d’une extinction de l’action pénale. « La fin des poursuites, ce serait la blessure ultime, l’incompréhension totale », commente Daniel. « Mon avocat a déposé des conclusions qui plaident contre la prescription des faits. Pour cela, il s’appuie notamment sur les résultats de l’information réalisée par l’auditorat du travail après la médiatisation de mon histoire. »
Nous avions déjà signalé dans un article publié la semaine dernière ( https://www.michelbouffioux.be//categorie-11404371.html )que les avocats de Mactac contestaient la régularité de cette enquête complémentaire menée sous la houlette de l’auditeur du travail de Mons. N’évoquant pas cette question de la légalité de la démarche entreprise par l’auditorat, Guido Alvino, l’administrateur délégué de Mactac, écrit quant à lui que « ce rapport ne contient aucun élément substantiel à charge de la société ». Et d’ajouter : « Comment expliquer autrement le fait qu’après en avoir pris connaissance, le procureur du Roi titulaire du dossier fixé devant la Chambre du conseil n’ait pas modifié ses réquisitions ? (…) Il est totalement erroné de croire que ce rapport ait un quelconque lien avec les faits de 2002 et les délais de prescription. »
Contrairement à ce qu’affirme M. Alvino, le rapport cité par Paris Match indique bel et bien qu’il y a eu dans l’entreprise de Soignies continuation d’un certain nombre d’infractions, et notamment au regard de plusieurs dispositions de la loi du 11 juin 2002 relative à la protection contre la violence et le harcèlement au travail : règlement de travail inadapté, travailleurs pas assez formés, analyse des risques et prévention insuffisantes… L’inspecteur du travail précisant en gras et souligné dans le rapport : « Ces infractions sont continues jusqu’au moins le 23 juin 2011, date de ma dernière visite de l’entreprise. » Qu’il soit « totalement erroné de croire que ce rapport ait un quelconque lien avec les faits de 2002 et les délais de prescription », comme l’écrit M. Alvino, n’est donc qu’un point de vue contesté par la partie civile et qui pourrait faire l’objet d’une discussion devant la Chambre du conseil de Mons. Pour cela, il faudra cependant que le rapport de l’auditorat soit jugé recevable, contrairement à la position exprimée ce 17 avril par le ministère public.
M. Alvino renchérit avec une argumentation déjà entendue au moment de la révélation de cette triste affaire, tout en reconnaissant, une fois de plus, que l’histoire vécue par Daniel M. est pour le moins un « cas de harcèlement » : « Nous sommes surpris de voir que Paris Match épouse avec complaisance une stratégie juridique définie par le plaignant et/ou son avocat. », écrit-il. « Il semble acquis que, redoutant que la Chambre du conseil ne considère les faits de 2002 comme prescrits, ils tentent par tous les moyens depuis 2010 de démontrer que cette histoire regrettable ferait en réalité partie d’une culture d’entreprise qui perdurerait encore actuellement. (…) Aujourd’hui comme en 2010, nous déplorons cette affaire ancienne et comprenons la difficulté pour Daniel M. de surmonter cette épreuve. Cependant, nous nous devons de réagir à des propos déplacés laissant entendre que ce dossier serait le reflet du climat de travail passé et présent de l’entreprise. Mactac Europe emploie actuellement sur son site de Soignies 540 personnes et assure une centaine d’emplois indirects dans la région. Nous sommes convaincus d’offrir un cadre de travail agréable et des salaires attractifs. Notre taux de rotation annuel de 1 % depuis des années témoigne d’ailleurs de la grande fidélité de notre personnel à l’entreprise, la moyenne nationale étant de 8,2%. Il est aussi utile de savoir qu’aucune personne n’a quitté l’entreprise suite aux révélations par la presse du cas de harcèlement sur Daniel M. et qu’en 2010, le personnel s’était collectivement et publiquement indigné de la caricature dont Mactac faisait l’objet. »
Il ne suffit évidemment pas de faire état de son indignation et d’affirmer des choses de manière péremptoire pour avoir raison. Ainsi donc Paris Match serait suspecté, en complicité avec l’une des victimes de faits de harcèlement non contestés, de vouloir démontrer que «cette histoire regrettable ferait en réalité partie d’une culture d’entreprise qui perdurerait encore actuellement». Alors qu’en fait, l’article évoquant le récit inédit – fait à la police fédérale – d’une troisième victime qui travaille encore chez Mactac précisait bien : « Son témoignage est éclairant à plus d’un titre. Il confirme la violence qui a régné pendant un temps – désormais révolu – chez Mactac. Mais il démontre surtout comment une certaine culture d’entreprise mâtinée des craintes de perdre un emploi et de mal se faire voir de ses collègues conduit à la production d’un discours banalisant, à l’égard de faits pourtant inacceptables. »
La réponse au procès d’intention que veut nous faire l’administrateur délégué de Mactac se trouve donc dans ce témoignage révélé par Paris Match – non contesté et non commenté par Guido Alvino – du vécu enduré par la troisième victime. Car c’est bien cette ex-victime qui disait – en 2011 ! –, parmi bien d’autres déclarations illustrant parfaitement notre point de vue sur un certain « discours
banalisant » encore présent dans l’entreprise : «Personnellement, j’étais souvent marqué d’ecchymoses importantes. Mais c’était supportable, ça détendait parfois l’atmosphère, on en riait… » Ou encore : « S. a voulu m’attacher avec du scotch au niveau des poignets. Je ne me suis pas laissé faire. Je n’aime pas que l’on s’en prenne à mon intégrité physique. Je n’aime pas que l’on m’attache. Vu ma résistance, il s’est emporté. Il m’a renversé et mis sur le sol. Directement, il m’a saisi à la gorge assez violemment : il me restait des traces au cou quelques heures après l’incident. Tout en me saisissant à la gorge, il m’a menacé à l’aide d’un cutter, en me disant que si je bougeais, il allait me planter. Cette menace était lancée sur un ton assez moqueur, il n’y avait pas dans son regard, ou dans son attitude, d’agressivité (sic). Pour moi, il s’agissait plus d’une sorte de fanfaronnade, mais enfin, le geste était quand même là. » Etc.
Le S. en question a été renvoyé après les faits les plus graves (menaces, d’égorgement… faites toutefois avec «humour») et c’est une fort bonne décision de la direction de Mactac ! Toutefois, la victime, qui travaille toujours dans l’entreprise, qualifie encore actuellement ses ecchymoses, répétées de faits de nature à « détendre l’atmosphère »… Et elle parle encore aujourd’hui de «fanfaronnade» à propos d’une agression caractérisée réalisée à l’aide d’un cutter. Cela illustre parfaitement notre propos sur une certaine «culture d’entreprise », que l’on craint de retrouver chez M. Alvino lui-même lorsqu’il se plaît à rappeler que «le personnel s’était collectivement et publiquement indigné de la caricature dont Mactac faisait l’objet».
L’administrateur délégué de Mactac se trompe de débat : Daniel M. et d’autres ont été les victimes, et ce sont seulement ces faits-là qui doivent susciter l’indignation.
A suivre…
La Chambre du conseil de Mons a mis l’affaire Mactac en continuation à la date du 22 mai prochain. L’attente sera longue et stressante pour Daniel M., alors que le ministère public s’est une nouvelle fois déclaré être sur la même longueur d’onde que les avocats de la multinationale. Pour le parquet de Mons, en effet, le rapport de l’auditorat du travail ne peut être pris en compte et il y a prescription des faits, même s’ils sont établis ! Effondré, Daniel peut encore espérer que la Chambre du conseil suive plutôt les conclusions de son avocat, Me Christophe Marchand, pour lequel il est tout à fait évident que les faits ne sont pas prescrits…