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Bruxelles, la cruelle

Michel Bouffioux par Michel Bouffioux
18 novembre 2003
dans Entretien, Le Journal du Mardi, Social
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Bruxelles, la cruelle

Un entretien publié dans "Le Journal du Mardi", le 18 novembre 2003.

Dans la capitale, plus de 200.000 familles répondent aux conditions d'accès au logement social. 23.500 d'entre elles sont sur une liste d'attente. Les loyers dans le parc privé ne font qu'augmenter. «La cote d'alerte est dépassée depuis plusieurs mois, le monde politique doit réagir», crie désespérément José Garcia, président du Syndicat des Locataires.

Bruxelles, la cruelle
Des logements sociaux en mauvais état, trop peu nombreux -38.000 seulement, soit 5% du parc total alors que dans des villes comme Paris ou Londres, il y a 20% de logements sociaux-, 23.500 demandeurs non satisfaits, des loyers qui flambent et une population qui se paupérise : 20% de chômeurs dans la capitale de l'Europe… A Bruxelles, le droit au logement, reconnu par l'article 23 de la Constitution, est devenu une fiction. Pour les pauvres bien entendu, mais aussi pour des familles dont les membres travaillent, gagnent un salaire moyen, et risquent à tout moment de basculer en raison d'un accident de vie (maladie, divorce, perte d'un emploi).

Cette situation intolérable dans un Etat de droit, dont la charte fondamentale reconnaît à ses citoyens le «droit de mener une vie conforme à la dignité humaine» en ce compris le «droit à un logement décent», est dénoncée depuis très longtemps par José Garcia, au nom du «Syndicat des Locataires». En vain…

«Rien de ce qui se passe aujourd'hui n'était imprévisible», confirme M. Garcia. «La situation du logement à Bruxelles se dégrade depuis des années. Le monde politique le sait. Et depuis quelques mois, on peut même parler d'un dépassement inquiétant de la cote d'alerte. Il y a quelque temps, le Syndicat des Locataires trouvait encore des solutions pour des familles en difficulté. Aujourd'hui, alors que nous connaissons bien toutes les portes auxquelles il faut frapper, c'est devenu beaucoup plus hasardeux. Bruxelles devient une ville interdite aux pauvres. Bientôt, si rien ne change, elle le sera aussi pour les familles à revenu moyen !».

– Vous n'êtes donc pas étonné par un parcours de vie comme celui de M.Vijt. C'est-à-dire le cas d'un homme qui, malgré le fait qu'il travaillait, ne parvenait pas à se loger décemment ?

– Surpris ? Pas du tout ! Les loyers sont devenus si élevés à Bruxelles que beaucoup de personnes, de familles, sont à la corde. Quand 60% des revenus d'un ménage sont consacrés au logement, cela n'est pas tenable. Et pourtant, cela arrive de plus en plus souvent. Ce qui ne m'étonne guère non plus, c'est une réaction comme celle de M. Vijt. On dira peut-être que la grève de la faim de cet homme a été inspirée par l'actualité, avec le mouvement des Iraniens. Moi, je tire la sonnette d'alarme : je rencontre des gens en détresse, de plus en plus désespérés. Si rien ne change, il y aura de plus en plus de réactions de ce genre, mais aussi des actions plus violentes. L'injustice devient trop patente. On est en train de s'installer dans une situation à la mexicaine : là-bas, les gens sont dans la mouise et ils voient se développer des centres commerciaux hyper luxueux. Alors, de temps en temps, ils ne résistent pas à l'envie d'aller piller ce qui leur est rendu inaccessible. Ici, les gens voient des logements inoccupés et ils vont finir par les investir !

– Mais le monde politique bruxellois a-t-il les moyens de répondre à la situation que vous décrivez. Il ne suffit pas de constater, de dénoncer…

– Non, il suffit d'agir. D'avoir la volonté politique de le faire. Et cela, c'est tout de même de la compétence des élus ! Il s'agit de sortir d'une idéologie prégnante qui, en termes de valeurs, met la sacro-sainte propriété privée bien au-dessus des droits humains fondamentaux, comme le droit au logement. Car, en fait, les solutions existent : à Bruxelles, il y a pas moins de 40.000 logements inoccupés, dont 5.000 seraient habitables immédiatement ! En parallèle, il existe une législation sur les réquisitions d'immeubles, ce qu'on appelle la loi Onkelinx, qui permet de réquisitionner des immeubles inoccupés… Mais les communes ne l'appliquent pas.

– On entend dire que cette loi est inapplicable…

– (Il s'énerve). L'actuelle ministre de la justice aurait donc conçu une législation inapplicable! Ce n'est pas vrai! Cette loi est applicable mais les bourgmestres rechignent parce que, pour l'heure, cette législation ne peut être mise en oeuvre que pour les SDF. Faire venir des sans-abri dans sa commune, ce n'est pas très rentable, électoralement ou… pour les recettes communales. C'est là que cela bloque !

– Ne pourrait-on, dans un premier temps, bloquer les loyers dans le parc du logement privé, afin d'éviter une aggravation de la situation ?

– C'est l'une des mesures que nous proposons. A ma connaissance, le ministre du Logement de la Région bruxelloise, Alain Hutchinson, verrait aussi une telle mesure d'un bon oeil. Mais d'un côté, je doute qu'il trouve une majorité pour y arriver. A partir du moment où ce type de mesure ne trouve déjà pas grâce aux yeux des socialistes flamands du SPA…

– Pourtant, ne serait-ce pas une décision éminemment sociale ?

– Il faut sans doute compter avec l'air du temps. Si on regarde dans le rétroviseur, on constate bien l'évolution de certains courants d'idée. Dans les années '70, lors d'une précédente crise du logement, c'était feu le PRL de Jean Gol qui avait décidé de bloquer les loyers. Aujourd'hui, on trouve des représentants socialistes pour s'opposer à ce type de mesure… Et c'est encore plus choquant quand on connaît le dessous des cartes…

– A savoir ?

– En Belgique, 80% des propriétaires ne possèdent qu'un seul bien qu'ils occupent eux-mêmes. Il s'agit de personnes qui ont travaillé toute leur vie pour avoir leur maison et qui ne désirent pas la transformer en bien spéculatif. Résultat des courses : ceux qui s'opposent à un blocage des loyers ne font rien d'autre que de jouer le jeu des 20% de propriétaires restants. Qui sont-ils ? Des grandes compagnies immobilières, des sociétés d'assurances, des banques mais aussi, et c'est encore le plus hypocrite, des CPAS, des communes, des villes…

– Cela bouge tout de même dans les rangs politiques bruxellois. Le ministre du Logement, Alain Hutchinson, annonce la mise en chantier d'un grand plan social qui devrait déboucher sur la construction de 5000 logements sociaux en cinq ans !

– L'investissement du secteur public dans le logement est l'une des mesures indispensables pour sortir de l'ornière. Lorsque j'entends le ministre en question avancer des plans comme celui-là, j'applaudis des deux mains. Mais cela ne m'empêche pas de garder mon esprit critique.

– Est-ce à dire que vous redoutez un simple effet d'annonce avant les élections régionales ?

– Je ne peux pas faire de procès d'intention. Sur la forme, je constate simplement que ce plan survient à quelques encablures de la fin de la législature et que le ministre qui le dépose en laissera l'exécution à son successeur. Je constate aussi que si M. Hutchinson semble déterminé, il semble également bien seul dans son combat. Et même au sein de son propre parti. Sur le fond, l'idée de ce plan est de convaincre des promoteurs privés à investir dans la rénovation de bâtiments publics inoccupés. En échange, ils recevraient les loyers pendant 27 ans avec une garantie de 6% d'intérêt sur leur investissement. C'est bien… Il reste à convaincre ces privés qui n’ont aucune vocation sociale à venir à la rescousse des pouvoirs publics. A moins, évidemment, que le successeur de M. Hutchinson ne propose encore autre chose après les élections…

– Si rien ne change, comment sera Bruxelles dans dix ans ?

– Il y aura des belles rues, pourquoi pas des rues privées gardées par des services de sécurité comme aux Etats-Unis et des zones de non-droit avec des immeubles squattés. Une ville encore plus duale et qui coûtera très cher à la collectivité. Car les mauvaises conditions de logement impliquent des difficultés en chaîne : problèmes de santé, de scolarité, d'insécurité. On est plus que jamais à l'heure d'un choix de société.

Michel Bouffioux

Michel Bouffioux

Curieux de beaucoup de choses, je m'intéresse notamment à des dossiers sociétaux, historiques, scientifiques et judiciaires. Depuis 1987, comme le temps passe, j'ai travaillé dans les rédactions de plusieurs quotidiens et hebdomadaires belges. J'ai aussi fondé l'hebdomadaire "Le Journal du Mardi" en 1999. Depuis 2007, je fais partie de l’équipe rédactionnelle de Paris Match Belgique.

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