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Anosmie, agueusie : il ne sait plus se sentir !

Michel Bouffioux par Michel Bouffioux
19 mai 2005
dans Ciné-Télé Revue, Santé, Société
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Un entretien publié par l’hebdomadaire Ciné-Télé Revue, le 19 mai 2005.

« Ça sent le brûlé  ?  Ça sent mauvais ? On sonne à ma porte, est-ce que ça ne sent pas le renfermé chez moi ? La bouffe de midi ? La clope ? Le pipi ? Le caca ? Et s’il y avait un pigeon mort sous mon canapé ? J’emmène des amis dans ma voiture, ça sent quoi ? Je suis devenu un obsédé du nettoyage, un chasseur d’odeur névropathe, un maboul de l’eau de Javel. » Dans un livre plein d’humour (*), Michel Doriez raconte une histoire qui l’a fait pleurer. La sienne, celle d’un homme qui se lève un matin en ayant perdu le sens de l’odorat. Comme cela, sans avertissement. Sans cause identifiée. Du jour au lendemain. Voici un coup de gueule, pardon un coup de nez, contre les mystères du corps humain. Mais pas seulement : auteur de télé à succès pendant plusieurs années, Michel Doriez nous parle aussi de ce monde où l’on travaille les cerveaux humains pour les rendre disponibles à la pub ; un univers impitoyable qu’il ne savait plus sentir…

Michel Doriez, en mai 2005 à Paris. (C) : Michel Bouffioux.

Michel Doriez, en mai 2005 à Paris. (C) : Michel Bouffioux.

En fait, votre histoire, elle commence très banalement ?

De manière très ordinaire, en effet. Par un bête rhume. Le 19 décembre 2001, je me réveille avec le nez bouché. Cela dure quelques jours et puis cela passe. RAS. Je prépare les fêtes de fin d’année sans me rendre compte que, comme le train qui passe et emporte les voyageurs, ce petit rhume s’en est allé avec une partie de mes sens. Le jour de l’an, un ami restaurateur qui connaît ma passion pour les saveurs décide de me faire un magnifique cadeau. Son établissement est fermé. Nous sommes à deux pour déguster d’énormes truffes et des Saint-Jacques, le tout accompagné d’un exquis meursault. Lorsque les assiettes sont prêtes et nous font de l’œil, je me demande si je dois me pincer : suis-je dans un rêve ? Suis-je déjà au paradis ? Trêve de métaphysique, j’attaque ! Et bien sûr, je me surprends à susurrer des « Mmmm », suivi de « Ouiii » censés témoigner de mon orgasme gustatif. En fait, comme une femme frigide qui simule, je n’ose pas dire à mon copain que je ne ressens rien. Les truffes, les Saint-Jacques, le Meursault… Tout me semble fade, muet, sans saveur particulière. C’est ce jour-là que j’ai compris. J’étais devenu sourd du nez, aveugle du goût. En emportant avec lui mon odorat, le petit rhume m’avait aussi privé de la faculté de distinguer les saveurs, parce que ces deux fonctions sont étroitement liées. Si vous ne sentez plus, vous ne goûtez plus, cela va de pair !

C’est si grave que cela ?

Grave ? Je réserverais ce terme à d’autres types de handicaps ou à d’autres situations de vie. Dans l’absolu, mon « anosmie » et mon « agueusie » sont peu de choses comparées à ce qu’endurent ceux qui sont aveugles, paralytiques ou en totale détresse sociale ou psychologique. Je sais donc relativiser! D’ailleurs, je suis un garçon assez jovial et plutôt curieux. Dans un premier temps, j’ai donc pris le parti d’en rire. Je trouvais plutôt rigolo de vivre une aventure sensorielle inédite. Avec mes enfants, on a fait des tests. Tiens, combien de cuillers de moutarde, je pouvais avaler sans broncher. On prenait la chose très positivement. Mon petit Raphaël, qui avait trois ou quatre ans à ce moment, résumait l’esprit positif du moment lorsqu’il vantait mes mérites à ses condisciples de maternelle : « Mon papa, quand ça sent le caca, il n’est pas dérangé ! ». Où comment transformer un handicap en atout… Mais, après trois mois, je n’avais plus envie de rire : j’ai découvert l’insécurité et un sentiment d’inquiétude permanent.

Comment cela s’est-il installé ?

Très progressivement, au fil d’expériences vécues. Jusqu’au point de me dire que le fait de ne pouvoir distinguer le bœuf du porc ou du veau n’était qu’un avatar de ma nouvelle condition. La première prise de conscience tient au rapport aux autres. Quand on a un odorat qui fonctionne, on ne se demande pas trop si l’on pue parce que, tout de même, au-delà d’un certain seuil, on peut se rendre compte par soi-même que l’on a un petit problème. Mais dans mon cas, ça change tout : si je suis dans un établissement public et que l’on me regarde avec un peu d’insistance, est-ce parce que je schmoute ? Prise de tête garantie, car, comme chacun le sait, dans notre société, quand quelqu’un pue, on ne lui dit pas ! Je peux décliner ce thème à l’envi : quand je reçois à la maison, est-ce que cela sent le renfermé ? Y-a-t-il une odeur de clope dans ma bagnole ? Un jour, j’ai tapissé le tapis d’une amie qui m’avait invitée avec la merde dans laquelle j’avais marché. Avec le sens de l’odorat, j’aurais pu arrêter ou éviter cet attentat malodorant ! Bref, ne pas sentir, cela vous met dans un état de malaise qui, à la longue et sans un moral d’acier, pourrait vous couper de la société. Et puis, la vie devient plus fade : comment est-ce encore l’odeur des croissants chauds du matin ? Comment retrouver les émotions subtiles du Channel n°5 porté par une femme ? C’est quand on les perd que l’on se rend compte que les odeurs mettent du sel dans la vie. Qu’elles sont partout et qu’elles font partie de votre identité.

Mais vous parliez d’inquiétude, d’insécurité ?

J’y viens. Un jour, il y a eu un incendie dans l’immeuble où j’habitais. On pouvait sentir la fumée à des centaines de mètres à la ronde. Moi, quand un voisin est venu me demander pourquoi je ne sortais pas de chez moi, j’ai eu l’air d’un abruti. – « Vous êtes fou, vous ne sentez pas l’odeur du feu ?» – « Heu, non, je n’ai rien senti ». Passons. Une autre fois, le plus grand de mes fils, me rend visite : « Il y a une odeur de gaz chez toi ! ». -« Ah bon!? ». Et là, vous vous mettez à gamberger. Vous comprenez à quel point vous êtes diminué. Vous n’avez plus le total contrôle de votre environnement. C’est cela le sentiment d’insécurité et d’inquiétude. L’homme sans nez est beaucoup plus diminué qu’on pourrait le croire!

Dans votre livre, vous évoquez aussi une influence de votre handicap sur la sexualité ?

Je pourrais résumer cet aspect en une phrase : « Si ton nez est en panne, tu ne baiseras plus ». Je ne veux pas nécessairement généraliser, mais en tous les cas, c’est ma vérité à moi. Étant concerné, j’ai longuement étudié la question : la perte de libido serait liée au fait que je ne perçois plus les éléments olfactifs non conscients qui interviennent dans le processus amoureux. Je parle ici des phéromones qui agissent sur le comportement sexuel. Devenu insensible à celles-ci, même avec une femme que je désire intellectuellement et sentimentalement, je ne bande plus.

L’anosmie et l’agueusie, ça se soigne ?

Étant un type plutôt rationnel, pas le genre à m’enfermer six mois dans une pièce noire pour faire un voyage astral, j’ai d’abord cheminé sur la voie de la médecine traditionnelle. Certaines analyses de mon sang ont été poussées si loin qu’il fallait trois mois pour obtenir les résultats ! J’ai fait des scans, des IRM… Tous les examens possibles, je les ai faits, et d’ailleurs, cela m’a coûté les yeux de la tête. Étant donné que je picole un peu et que je ne pratique pas de sport, je me disais que j’allais prendre une petite fessée… Mais rien ! Tout est parfait! Un médecin a pensé à une lésion de l’hypophyse. Eh bien, je l’ai vu, ce petit truc de deux millimètres qui ressemble à un alien. Mon organe central de contrôle de mes glandes se porte bien, merci pour lui! Sur les conseils d’amis, je me suis finalement dirigé vers divers représentants des médecines parallèles. Des étiopathes, allopathes, acupuncteurs et autres spécialistes de l’analyse transgénérationnelle. N’étant pas contrariant, j’ai inventé à ce dernier que j’avais un grand-père qui avait eu le nez amoché par une explosion dans les tranchées, le 19 septembre 1917. Je pense qu’il a dû avoir un orgasme. En résumé, tous les médecins, les traditionnels et les autres, étaient d’accord sur un point : cela ne durerait que quelques semaines tout au plus ! Permettez-moi de douter : cela fera bientôt quatre ans…

S’il n’y a pas de cause physique, c’est peut-être psychologique ?

J’en arrive à cette conclusion. Quand cela m’est arrivé, j’étais auteur de télé. Pendant des années, j’ai considéré que c’était un super boulot très bien payé. Je me suis d’ailleurs très bien amusé lorsqu’avec deux amis, j’écrivais les pièges de l’émission « Surprise sur Prise ». Et puis, j’ai été amené à écrire des émissions de plus en plus crades et stupides. Je ne fonctionnais plus que pour le fric, prêt à pondre en fonction de la demande. Dans cet univers où il n’y avait que l’audimat qui comptait, je faisais partie de ces gens qui cherchent à rendre disponibles des temps de cerveau humain pour la consommation de Coca-Cola. Cela a fini par me dégoûter et surtout par me dégoûter de moi-même. Je ne savais plus me sentir. J’ai donc arrêté de sentir.   

Dans la foulée, cela vous a donné le bon goût de rompre définitivement avec ce monde où seul l’argent n’a pas d’odeur… 

Oui, ce qui fait qu’aujourd’hui, je suis devenu Rmiste. Mais, si j’ose dire, je ne m’en sens pas plus mal. Finalement, cette absence de nez a provoqué une sorte de psychothérapie forcée. Sur internet, un endroit où les phéromones n’interviennent pas, j’ai rencontré une femme qui vend des fromages à Deauville. Je me suis mis à l’aimer. Même si je suis privé de l’odeur des 37 fromages de chèvres qu’elle dispose sur son étal. Ne sentant plus, j’écoute plus et mieux. Je me suis relancé dans une activité d’accordeur de piano. Bref, j’ai repris goût à la vie. Et c’est sans doute cela, le chemin de la guérison.                   

Pour en savoir plus : www.jenepeuxplusmesentir.com/ –

Michel Doriez, «Je ne peux plus me sentir», Flammarion, Paris.

Michel Doriez, « Je ne peux plus me sentir », Flammarion, Paris.

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Michel Bouffioux

Michel Bouffioux

Curieux de beaucoup de choses, je m'intéresse notamment à des dossiers sociétaux, historiques, scientifiques et judiciaires. Depuis 1987, comme le temps passe, j'ai travaillé dans les rédactions de plusieurs quotidiens et hebdomadaires belges. J'ai aussi fondé l'hebdomadaire "Le Journal du Mardi" en 1999. Depuis 2007, je fais partie de l’équipe rédactionnelle de Paris Match Belgique.

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