Un entretien publié le 26 novembre 2009 dans l'hebdomadaire Paris Match Belgique
50 ans après, ils pointent la responsabilité de l’Etat
Entre 1957 et 1963, dans quarante-six pays dont la Belgique, des milliers d’enfants sont nés avec de graves malformations, des organes internes ou externes atrophiés ou manquants. En cause, la Thalidomide, une molécule qui était notamment proposée aux femmes enceintes pour combattre les nausées matinales du début de la grossesse. Cinquante ans plus tard, les survivants belges, ceux que la presse du temps jadis appela les « bébés Softenon », souhaitent faire entendre leurs voix. Ils veulent faire savoir qu’ils souffrent encore, que leur espérance de vie est réduite et qu’ils revendiquent un statut spécifique qu’on ne leur a jamais accordé dans notre pays. Le 7 novembre, ils ont fondé une association pour être plus forts dans le combat qu’ils entament pour obtenir une reconnaissance par l’Etat belge de son implication dans le drame qui a conditionné leur existence. Martine Olivier, le fer de lance de ce rassemblement de victimes, a témoigné, pour la première fois, ce dimanche sur le plateau de « L’Info confidentielle Paris Match ».
Martine Olivier. Il ne faut pas être très âgé pour constater que l’on est une enfant sans bras mais, pendant longtemps, je croyais que j’étais un cas isolé. Ce n’est qu’à l’âge de 17 ans, en lisant un livre qui évoquait le drame de la Thalidomide, que j’ai compris la spécificité de mon handicap. Pour mes parents, le sujet était un tabou absolu. C’est bien plus tard, en parlant avec la maman d’une autre victime, que j’ai mieux appréhendé le poids de la culpabilité qui pesait sur leur conscience. Mettre au monde un enfant handicapé est une épreuve pour des parents. Il y a le regard des autres, un sentiment d’injustice à gérer. Mais dans l’affaire du Softenon, la situation était encore plus complexe. Les mamans ont posé un acte culpabilisant. De plein gré, elles ont consommé le poison, cette potion du diable qui tuait les enfants ou déformait leurs membres ! Elles ont eu beau savoir qu’elles ne pouvaient être tenues responsables car elles avaient pris de la Thalidomide sur conseil de leur médecin, voire de leur pharmacien, à une époque où cela ne nécessitait même pas d’ordonnance, cela n’a pas été suffisant pour beaucoup d’entre elles. Le traumatisme était trop grand, trop insupportable. Je crois que ma maman et beaucoup d’autres mamans se sont senties meurtries de n’avoir pas été extralucides, de n’avoir pas anticipé le danger par une sorte de sixième sens. Ou de ne pas l’avoir ressenti assez vite, dans le cas de ma mère… Car, voyez-vous, elle n’a pris en tout et pour tout qu’un seul comprimé de Softenon ! Une seule pilule qui a suffi à entraîner mon handicap, et cela l’a tourmentée jusque sur son lit de mort.
Vous n’avez pas de bras, ce qui correspond à l’image classique que l’on se fait des victimes de la Thalidomide. Mais bien d’autres handicaps ont été causés par le Softenon…
La liste est longue, oui. Certains sont touchés aux jambes. D’autres sont nés avec des lésions oculaires, une paralysie faciale ou des anomalies digestives, cardiaques, urinaires ou génitales. Pour les uns, des membres sont déformés, mais dans d’autres cas, c’est un organe qui manque. Un rein, un œil... Je connais une dame qui n’a pas d’oreilles ni de bras et je m’inquiète beaucoup pour elle, car elle n’aura bientôt plus les doux gestes de sa vieille maman pour combattre ce silence permanent qui l’emprisonne. Certaines victimes cumulent plusieurs des malformations que je viens d’énumérer. Et puis, il y a un phénomène que nous observons tous : depuis une dizaine d’années, nous nous sentons tous usés. Très fatigués. Nous sommes pourtant des battants. Des survivants ! Vous devez vous rendre compte que la moitié des « bébés Softenon » sont morts à la naissance ou n’ont guère survécu au-delà de leur premier anniversaire. Mais cette énergie de « survivant » ne suffit plus à retarder une forme de dégénérescence accélérée. Nous avons pleinement conscience que notre espérance de vie est moins grande que la moyenne. Pour résumer, la victime de la Thalidomide vit plus mal et moins longtemps. Ça n’empêche pas d’aimer être là, d’aimer ses proches et d’être aimé en retour.
L’origine de cet énorme scandale pharmaceutique ?
La Thalidomide a été mise en vente sur le marché allemand en septembre 1957 par une société dénommée Chemie Grünenthal. Pendant longtemps, on a cru, se fondant sur les indications données par cette firme, que la molécule avait été synthétisée par ses chercheurs au début des années 50. Toutefois, de récentes recherches historiques largement commentées en Grande-Bretagne (1) donnent plutôt à penser que la Thalidomide a été découverte pendant la guerre par un certain Otto Ambros. Alors directeur de l’IG Farben, ce scientifique participa à la décision d’utiliser le Zyklon B dans les chambres à gaz des camps d’extermination nazis. C’est lui qui a choisi d’installer une usine à proximité du camp d’extermination d’Auschwitz, ce qui lui permettait de faire produire par une main-d’œuvre en condition d’esclavage des gaz asphyxiants qu’il testait sur les prisonniers. Ce seraient ses recherches d’un antidote au gaz sarin qui l’auraient conduit sur la voie de la Thalidomide. Ambros a été déclaré coupable d’esclavage et de meurtres en série au procès de Nuremberg, mais il a bénéficié de la clémence du tribunal. Il n’a été condamné qu’à huit ans de prison. Acceptant de collaborer avec les Américains, il a de plus bénéficié d’une libération anticipée pour devenir « conseiller » de l’US Army Chemical Corps… Et après sa libération, Ambros a aussi travaillé pour Grünenthal. Cette société a été fondée en 1946 par les frères Wirtz, des marchands de savon qui ont été membres du parti nazi allemand. Et qui ont notamment eu comme directeur de leurs équipes de recherches le Dr Heinrich Mückter, lequel s’est tristement illustré pendant la guerre en effectuant des tests mortels sur des prisonniers polonais afin de trouver un remède contre le typhus.
Comment la Thalidomide va-t-elle se retrouver dans les pharmacies belges ?
A grands coups de publicité vers le monde médical et sous l’appellation de Contergan, Grünenthal a d’abord attaqué le marché allemand. Ce calmant était présenté comme efficace, sans effets secondaires, et selon le fabricant, il pouvait être prescrit aux femmes enceintes. Ne provoquant pas d’accoutumance, ne présentant pas de risque de surdosage, c’était une alternative aux barbituriques. Immense succès commercial, le Contergan a compté jusqu’à un million d’utilisateurs quotidiens en Allemagne en 1959. La Thalidomide atteindra même la troisième place sur le podium des médicaments les plus vendus en Europe. Elle sera commercialisée dans quarante-six pays sous différents noms, tels le Distival en Grande-Bretagne ou le Softenon en Belgique, autorisé à la vente à partir de février 1959.
Le danger s’est donc répandu comme une traînée de poudre ?
Plus encore qu’on l’imagine car, à l’époque, on a mélangé de la Thalidomide avec des produits aussi courant que de la quinine, de l’aspirine ou de la vitamine C. On en donnait à tout le monde : aux malades, aux vieux, aux petits enfants… et aux femmes enceintes. Une vraie folie. Et tout cela a été permis par les gouvernements de quarante-six pays différents dans le monde, sans que ceux-ci se soient préoccupés de savoir si tous les tests adéquats avaient été mis en œuvre par le fabricant pour vérifier d’éventuels effets néfastes pour les fœtus. Aux Etats-Unis, cependant, les autorités sanitaires ont été beaucoup plus prudentes : la FDA (Federal Drug Administration) n’a jamais accepté la mise en vente de la Thalidomide, parce que le fabriquant tardait à lui donner des informations demandées sur les tests d’innocuité du produit réalisés en laboratoire.
En France aussi, semble-t-il, on a été plus prudent qu’en Belgique ?
Oui, la vente du médicament n’a été autorisée qu’un seul jour ! Malgré cette application du principe de précaution, il y eut des dizaines de victimes dans ce pays, comme aux Etats-Unis d’ailleurs, en raison de la distribution par le fabricant de plusieurs milliers d’échantillons aux médecins, alors que les dossiers d’autorisation n’avaient pas encore été clos. Dans tous les autres pays moins prudents, cela a tourné au drame... On a parlé de plus de 12 000 victimes ! L’Allemagne et l’Angleterre ont été particulièrement touchées. En fait, le premier bébé atteint par la Thalidomide est né en décembre 1956, avant même la commercialisation du produit. En cause, la circulation d’échantillons distribués par la firme Grünenthal à ses employés. A cet égard, un film documentaire a récemment établi qu’un certain malaise s’était rapidement développé au sein d’une partie du personnel qui travaillait à l’époque pour la firme pharmaceutique. C’est vers elle, bien entendu, que les premiers signaux alarmants sont venus, par centaines de courriers semble-t-il, sans que le fabriquant ne réagisse.
Mais où regardait la communauté scientifique ?
Elle a mis du temps à comprendre. En mai 1960, des neurologues ont lancé une première alerte lors d’un congrès à Düsseldorf. Ils avaient établi que la Thalidomide causait des polynévrites graves chez certains patients. On constatait bien à cette époque qu’il y avait une augmentation des malformations rares et graves dans la population de nouveaux-nés de plusieurs pays d’Europe, et particulièrement en Allemagne, où le fait sera relevé lors du congrès annuel de l’Association des pédiatres à Cassel en octobre 1960. Mais il faudra attendre jusqu’en septembre 1961 pour qu’on ne se contente plus d’expliquer ce phénomène par la loi des séries. Lorsque des publications scientifiques (Journal of the American Medical Association, Lancet) tireront enfin la sonnette d’alarme, il y aura d’abord une réaction de déni de la firme pharmaceutique, qui réalisait d’énormes bénéfices financiers. Mais le 15 novembre 1961, le Dr Widukind Lenz, un généticien allemand, produisit les résultats d’une étude de cas accablante pour le Contergan. Au bout de quelques jours, après le début d’une campagne de presse en Allemagne, Grünenthal rendit les armes, renonçant à produire encore son poison. En décembre 1961, le Distival était interdit à la vente en Angleterre.
Et en Belgique ? Quand et comment réagit-on ?
A l’époque, la Santé publique était dirigée par Joseph Custers, un ancien membre du VNV, d’extrême droite, réhabilité après la guerre sous les habits honorables de ministre catholique. Il fut très passif. La Belgique a vraiment tardé à retirer le Softenon de la vente. Un arrêté ministériel ne décidera d’une interdiction provisoire que le 14 juin 1962 ! Et ce n’est qu’un énorme scandale qui poussera le gouvernement de l’époque à sortir de son invraisemblable inaction. Quelques jours plus tôt, fin mai 1962, avait en effet éclaté à Liège l’affaire du « bébé Softenon », euthanasié par ses parents. Au cours de l’enquête, des policiers avaient démontré comment on se procurait très facilement le poison dans les pharmacies belges. Celles-ci pouvaient encore légalement épuiser des stocks, alors même que le fabriquant avait déjà décidé d’arrêter de produire le calmant ! La retentissante affaire liégeoise, qui se termina en novembre 1962 par un acquittement aux Assises, avait fortement bouleversé l’opinion. Et dans la presse comme au Parlement, des voix s’étaient élevées pour stigmatiser le ministre de la Santé publique. Finalement, il signera l’arrêté ministériel interdisant la vente du Softenon le 12 décembre 1963.
Pour calculer le retard d’intervention du gouvernement de l’époque, il faut tenir compte du premier arrêté ministériel d’interdiction du 14 juin 1962, qui sera ensuite prorogé jusqu’à l’interdiction définitive en 1963.
Certes, mais cela fait tout de même six mois d’inaction coupable ! Ce qui explique qu’au procès de Liège, le thème de la responsabilité de l’Etat belge fut déjà évoqué, mais sans qu’il y ait de suites concrètes. Un avocat des parents acquittés s’était notamment écrié : « Il est infiniment regrettable que la mort d’un enfant ait été nécessaire pour que les milieux officiels sortent de leur torpeur. Si rien n’avait été fait avant ce dramatique signal d’alarme pour interdire la vente effective du Softenon, rien n’avait été fait non plus, en Belgique, après décembre 1961, pour que l’opinion publique soit au moins avertie des dangers qu’elle courait en achetant ce produit. »
Pardon ? Le gouvernement connaît le danger de ce poison depuis fin 1961 et non seulement il ne retire pas le médicament mais, en plus, il ne prévient même pas les femmes enceintes de ne surtout pas en consommer ?
Ce ne sont là que des faits objectifs. Et le constat est encore plus grave lorsqu’on lit dans la plaidoirie d’un avocat au procès de Liège qu’une note du ministère de la Santé de l’ex-Allemagne de l’Ouest avait été envoyée au gouvernement belge afin que, justement, des mesures de précaution soient prises. Et donc, des victimes de la Thalidomide l’ont été aussi de cette lenteur de l’Etat. Nous avons un membre dans notre association qui est né en 1963…
De fait, lors du procès de Liège, Me Jean Rozet s’était montré très ferme en plaidant que « dans toute cette affaire, la responsabilité de l’Etat paraît particulièrement lourde, car non seulement il n’a jamais voulu s’armer de façon adéquate contre la mise en vente de médicaments dangereux, mais encore, à un moment où il était possible de limiter les dégâts, il a attendu plus de six mois »…
Quarante-sept ans plus tard, nous ne disons rien d’autre, espérant que les dirigeants d’aujourd’hui soient plus ouverts que ceux d’hier. Les victimes de la Thalidomide estiment qu’il est grandement temps que le gouvernement belge leur présente enfin des excuses. Nous demandons à Laurette Onkelinx, la ministre de la Santé, de reconnaître que l’Etat belge doit endosser sa part de responsabilité. Avec notre avocat, Jean-Paul Tieleman, nous étudions la possibilité de mener une action judiciaire. Mais il est évident qu’elle n’aurait aucun sens si un dialogue pouvait s’ouvrir. C’est d’ailleurs cette voie qui a été récemment prise dans plusieurs pays européens. Des gouvernements ont su avouer les erreurs du passé et assumer leur responsabilité. En Suède, au Canada, en Irlande et encore en Italie tout récemment, les gouvernements ont décidé d’indemniser les victimes. En Autriche, des négociations sont en cours et le gouvernement a promis de trouver une solution adéquate et généreuse avant la fin de cette année. Nous voulons aussi nous voir reconnaître un statut spécifique.
Mais encore ?
Nous voulons être reconnus en tant que population unique avec des droits spécifiques accordés par la Sécurité sociale. Que les responsables politiques concernés s’attachent les mains dans le dos durant une journée. Qu’ils tentent ensuite de faire quelques gestes du quotidien : aller aux toilettes, se laver, s’habiller, préparer un repas, manger, lire un livre… Ils auront ainsi un aperçu de notre spécificité. Beaucoup d’entre nous ont vécu grâce à l’aide physique et financière de leurs parents, mais ceux-ci disparaissent petit à petit. J’ai appris par un médecin inspecteur de la sécurité sociale qu’à partir de l’âge de 65 ans, nous tomberons dans une allocation minimale, entre 600 et 700 euros, encore moins donc que ce que nous avons maintenant. Comment pourrons-nous vivre encore ? Il faut savoir aussi que les victimes du Softenon ne peuvent pas bénéficier du BAP (budget d’aide personnelle) car nous ne rentrons soi-disant pas dans les catégories qui peuvent le demander. Bon nombre d’entre nous auraient eu besoin d’une assistance psychologique, mais cela coûte très cher. Le corps médical, lui non plus, n’est pas formé pour nous : une malheureuse victime de la Thalidomide a été massacrée par un médecin qui tentait de lui poser un cathéter sans même se demander comment était constitué son squelette. Récemment, je me suis rendue à la « Vierge noire » avec une amie qui devait se faire réévaluer au niveau de ses points. Le brave médecin-conseil n’avait jamais rencontré de thalidomidiens et, dans un premier temps, croyait que sans bras, elle pouvait faire sa toilette intime. Voilà pourquoi, mais d’abord en raison de sa responsabilité, le gouvernement belge doit nous accorder un statut particulier. Nous ne réclamons que dignité et justice !
Qu’en est-il de la responsabilité de la firme qui a lancé la Thalidomide sur le marché ? C’est tout de même elle, la principale responsable de ce drame, non ?
Récemment encore, nous avons manifesté devant le siège de Grünenthal à Stolberg, car nous ne sommes pas satisfaits des réparations qu’elle a concédées. En Allemagne, dans le courant des années 60, un procès a été intenté à Grünenthal par des victimes allemandes de la Thalidomide. L’instruction et les débats ont duré près de dix ans pour se terminer par un accord entre la firme et les plaignants. Ces derniers se sont fait convaincre qu’il serait de leur intérêt qu’une condamnation à payer leur indemnisation en une fois ne soit pas décidée par la justice, vu qu’une telle décision pousserait Grünenthal vers la faillite. La firme a donc proposé d’alimenter une fondation à concurrence de 50 millions de DM, aux quels l’Etat allemand a ajouté 50 millions de DM. A partir de là, des indemnités sous forme de versements mensuels ont été accordées aux victimes qui se sont fait connaître de la fondation.
Il y a donc eu quelque chose...
Une indemnisation ridiculement faible par rapport au préjudice subi. Accordée, de plus, de manière arbitraire par une fondation qui est juge et partie lorsqu’elle attribue des « points de handicap » aux victimes qui se présentent à elle. De telle sorte que les montants octroyés varient de 100 à 500 euros. Et pour certains, il n’y a rien du tout !
Comment cela ?
Début des années 70, quand la fondation allemande a vu le jour, les victimes étaient encore des enfants. Ce sont leurs parents qui devaient signer avec Grünenthal un accord selon lequel ils prenaient les indemnités mensuelles contre un renoncement définitif à toute action judiciaire. Certains ne se sont jamais manifestés, de telle sorte qu’un des membres de notre association naissante est actuellement — à près de 50 ans ! — occupé à faire les démarches pour devenir l’un des bénéficiaires du fond. Nous voulons renégocier avec Grünenthal pour obtenir une indemnisation unique. Juridiquement, nous ne sommes en effet pas tenus par les accords signés par nos parents. Ce qui ouvre la perspective d’éventuels débats judiciaires.
Aujourd’hui, la Thalidomide est de nouveau prescrite dans des indications multiples comme la lèpre, différentes formes de cancer, le traitement de complications graves liées au sida, des maladies orphelines… La molécule est donc de nouveau vendue dans plusieurs pays du monde, dont la Belgique. Cela vous choque ?
Je ne suis ni médecin, ni expert scientifique, mais j’entends bien que ce médicament peut être efficace pour certains patients. Moi, ce qui m’interpelle surtout, c’est la difficulté de distribuer cette molécule de façon sécurisée. Surtout dans les pays défavorisés, comme par exemple au Brésil, où la lèpre est très répandue... Et où a été recensée une nouvelle génération de victimes de la Thalidomide. C’est un choc pour moi de voir encore aujourd’hui des enfants qui naissent sans bras, sans jambes, atrocement mutilés comme nous-mêmes l’avons été. Quand ce drame s’arrêtera-t-il ? Dans les pays du Tiers-Monde, des boîtes de ce médicament se retrouvent entre les mains de femmes qui ne savent pas déchiffrer la notice en anglais ou qui croient que le petit dessin d’avertissement (NDLR : une femme enceinte barrée) signifie qu’il s’agit d’un médicament contraceptif… Si les médecins trouvent utile d’utiliser la Thalidomide, je leur demande, au nom des victimes du Softenon, d’être encore plus vigilants et plus rigoureux, car ce médicament a déjà brisé trop de vies.
(1) Voir notamment : « Thalidomide “was created by the Nazis”. The damaging drug may have been developed as an antidote to nerve gas », un article publié par Daniel Foggo dans le Sunday Times du 8 février 2009. On peut le trouver sur Internet (www.timesonline.co).
Laurette Onkelinx les recevra
Informée par Paris Match des préoccupations exprimées par les « survivants » du Softenon, la ministre de la Santé nous a déclaré que des réponses leur seraient apportées après étude attentive de ce dossier. Mais, d’ores et déjà, Laurette Onkelinx a accepté de rencontrer une délégation de l’Association des victimes belges de la Thalidomide ce 26 novembre. La ministre a par ailleurs refusé de répondre aux questions que nous lui posions sur le thème de la responsabilité de l’Etat belge dans le drame du Softenon. Une question parlementaire en ce sens a également été déposée par le sénateur Desthexe (MR). Le secrétaire d’Etat chargé des personnes handicapées, Jean-Marc Delizée, sera présent le 26 novembre afin d’aborder la question du « statut spécifique » réclamé par les victimes. La chargée du dossier en son cabinet insiste sur la qualité des aides apportées aux handicapés en Belgique, laissant à penser que les revendications des victimes ne seront pas forcément entendues.
Un sacré mental
Voici des paroles de Martine qui ne demandent pas de commentaires. « Vous voulez savoir ma spécificité ? Sans bras, nous sommes aux yeux des gens de la rue comme des curiosités, sujets aux regards insistants et aux ricanements des enfants », explique-t-elle. « Je n’ai jamais osé aller sur une plage. Je ne vais plus dans les parcs d’attractions parce que les regards posés sur moi sont si intenses que j’ai l’impression d’être moi-même une attraction. Enfant, je passais mes récréations à l’écart, incapable de jouer aux mêmes jeux que les autres. Balançoire, corde à sauter, cela s’utilise comment, sans les bras ? Je n’exercerai jamais la profession dont je rêvais, être médecin urgentiste. J’ai voulu faire une formation de diététicienne ; cela m’a été refusé car, simplement, je ne savais pas utiliser une pipette. Il faut un sacré mental pour endurer tout cela. »
L’incroyable notice de l’époque
« Le Softenon, synthétisé dans nos laboratoires, est un sédatif excellent. (…) Il est extraordinairement bien toléré. Même un surdosage extrême n’entraîne aucun symptôme toxique (…) Sédatif et hypnotique, le Softenon convient remarquablement pour calmer le nourrisson et l’enfant anxieux… » Ceci est un extrait de la notice qui se trouvait dans les boîtes de Softenon que les clients des pharmacies belges pourront acheter sans ordonnance jusqu’en juin 1962. Alors que le signal d’alarme relatif au danger encouru par les fœtus avait été donné par les scientifiques et l’Etat allemand dès la fin de l’année 1961 !
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