UNE LETTRE DONT PERSONNE NE PARLE
- Article publié dans l'hebdomadaire "Paris Match" (Belgique), le 15 mai 2008 -
Le camerounais qui se serait suicidé au centre de Merksplas avait décrit dans un écrit les « services corporels » dont il affirmait avoir été victime lors de la tentative d’expulsion du 27 avril dernier.
Ce mercredi 7 mai, le parquet de Turnhout a communiqué plusieurs informations de nature à confirmer la thèse du suicide dans le cadre de l’instruction ouverte suite à la mort, le jeudi 1er mai, du jeune camerounais de 32 ans « Martial » Folefack, au centre fermé de Merksplas.
D’après les autorités judiciaires, l’homme a laissé une lettre d’adieu destinée à une amie, lettre par laquelle il explique son acte. Cette information nous a été confirmée par l’avocat de la victime. Ce 8 mai, lors d’une visite à l’Office des Etrangers, Mme Elodie Nankeng, une amie proche de M. Folefack a pu prendre connaissance de cette lettre d’adieu. Par ailleurs, selon le parquet, l’autopsie confirme l’hypothèse d’une mort par strangulation : le jeune se serait donc bel et bien pendu avec des draps de lit. On se souviendra néanmoins que des amis de la victime qui se sont rendus à Merksplas pour voir son corps avaient déclaré n’avoir vu aucune trace résiduelle au niveau du cou de M. Folefack.
Selon les autorités judiciaires, « aucune trace de violence n’a été découverte sur le corps du Camerounais d’après les résultats de l’autopsie ». Une information étonnante et qui semble être en contradiction évidente avec le contenu d’une lettre écrite le 29 avril par M. Folefack, soit deux jours après la tentative d’expulsion ou encore trois jours avant son suicide.
Dans ce document rédigé à Merksplas, le sans papiers faisait état - à l’attention de la direction du Centre- des violences qu’il aurait subies lors de son expulsion avortée. Il détaillait aussi les séquelles physiques qui en résultaient. A en croire l’autopsie, les coups qui ont été décrits par M. Folefack et qui lui faisaient mal au point de « ne plus savoir dormir » n’ont laissé aucune trace.
Voici le contenu de ce document inédit :
« Je viens par (cette lettre) raconter les sévices corporels dont j’ai été victime à l’aéroport de Zaventem en date du 27 avril 2008. C’était samedi matin que j’ai été remis à la police de l’immigration (…) J’ai été conduit dans une cellule appelée ‘cachot’. Tout allait bien entre nous jusqu’au moment où ils m’ont dit qu’on devait partir et que j’allais porter la ceinture et les menottes. J’ai demandé pourquoi. Ils m’ont dit que c’était la procédure. J’ai refusé d’être ceinturé et menotté comme un animal car je ne suis pas un criminel. Et tout s’est dégradé à ce moment. »
« J’ai été battu et maîtrisé par cinq hommes depuis ma cellule. Il y a un (illisible) qui m’a appuyé le genou sur le cou lorsque j’étais par terre. Ils m’ont enfilé la ceinture et les menottes, ils m’ont emmené dans une camionnette qui nous a conduit jusqu’à l’escalier de l’avion. Ensuite, ils m’ont attaché les cuisses et les jambes avec une espèce de ceinture et ils m’ont porté comme un colis de la camionnette jusqu’à l’avion. Ils m’ont fait asseoir au milieu du dernier siège et ils étaient autour de moi, un à gauche, l’autre à droite et les trois autres devant nous. »
« J’avais très mal au corps ; mal au cœur ; étouffé. Et j’ai commencé à crier. Pendant que je criais les passagers du SN 351 ont pris des photos de moi. Ensuite, le commandant de bord a demandé de me faire descendre de l’avion. Ils m’ont emmené dans la camionnette où j’ai reçu également des coups de poing et ils m’ont ramené en cellule »
« Ils ont attendu l’arrivée du docteur pour m’enlever la ceinture et les menottes. Entretemps, je criais. Bilan de ma santé depuis samedi : je n’arrive pas à manger car mes mâchoires me font très mal, j’ai les deux tibias écorchés, une blessure dans la bouche, mal de dos, mal de rein, mal au cou et je ne dors pas la nuit car j’ai mal partout ».
Signé : « Folefack-Sontso Ebenizer , le 29 avril 2008. »