1 Décembre 2010
Séquence diffusée au JT de 19h, le 17 novembre 2010 sur l'antenne de RTL-TVI :
L'AFFAIRE DE HARCELEMENT REVELEE PAR PARIS MATCH A BOULEVERSE LES BELGES. ELLE CONNAIT DE NOUVEAUX REBONDISSEMENTS.
- Enquête évoquée sur le plateau de "L'info confidentielle Paris Match" sur RTL-TVI, le dimanche 21 novembre 2010 et publiée dans l'hebdomadaire "Paris Match" (Belgique), le 25 novembre 2010 -
Une tragédie en trois actes. Mais ce ne n’est pas du théâtre, pas une mise en scène, pas un spectacle. 1) La semaine dernière, sous le titre «Torturé sur son lieu de travail», Paris Match Belgique dénonce un cas de harcèlement mental et physique dans une entreprise de Soignies. Extraites d'un film amateur (il a été tourné par un des ouvriers de l'usine) découvert par notre journaliste Michel Bouffioux, les images sont terribles : elles montrent Daniel M. ligoté sur une palette. Certains de ses collègues, sous le regard d'autres qui ne bougent pas mais sourient, vont l'humilier de la pire des façons. 2) Dimanche dernier, Michel Bouffioux vient sur le plateau de «L’lnfo confidentielle Paris Match», l'émission dominicale diffusée sur RTL-TVI, suivie par le débat «Controverse» de Pascal Vrebos, en compagnie de Daniel M. mais aussi de Michel, un autre travailleur de la même entreprise (la société Mactac), harcelé lui aussi. Après que Daniel eut raconté son calvaire avec beaucoup de difficultés - il souffre de troubles du langage depuis les tristes événements -, Michel, en direct, craque d une pièce en expliquant ce qu'il a vécu sur son lieu de travail. C'est poignant. Révoltant. 3) Dans Paris Match, Michel témoigne cette semaine en exclusivité, et son récit fait froid dans le dos. Mais, cette fois, la gravité des faits ne reste pas sans suite. Le courage de ces deux hommes entraîne de très nombreuses réactions.
Légende de la photo : Il a failli être lynché sur son lien de travail. Dimanche 21 novembre, sur le plateau de "Controverse", Michel Claessens, autre travailleur de l'entreprise Mactac victime de harcèlement moral et physique, éclate en sanglots.
SENSIBILISES ET REVOLTES PAR LES TEMOIGNAGES, DES INTERNAUTES CREENT SUR FACEBOOK UN GROUPE POUR SOUTENIR DANIEL ET MICHEL
En osant divulguer dans Paris Match et sur RTL-TVI ce qu'ils avaient vécu, Daniel M. et Michel Claessens n'ont pas seulement mis leur cas en lumière : fort et courageux, leur témoignage entraîne des réactions importantes dans le monde syndical et politique. Le syndicat chrétien CSC a ainsi décidé d'exclure le délégué qui a participé à des années de harcèlement au sein de l'usine wallonne Mactac. La Fédération des entreprises de Belgique (FEB) estime pour sa part que des limites doivent être instaurées au niveau de la protection des délégués syndicaux et plaide pour un code de conduite en matière de harcèlement. L'un des auteurs a été licencié par l'entreprise mais il a contesté cette décision, avec l'aide du syndicat. Le tribunal du travail lui a finalement donné raison, estimant que le licencier n'était pas justifié. La justice a condamné Mactac à lui verser 250 000 euros de dommages et intérêts en raison de la protection dont il aurait dû bénéficier en tant que candidat aux élections sociales. Alors que Daniel M. et Michel attendent toujours une indemnisation! Un comble, alors que ce sont eux victimes. Le cdH, par la voie de la députée Catherine Fonck, va d'ailleurs déposer au Parlement une proposition de loi visant à porter à dix ans le délai de prescription en cas de violence ou de harcèlement moral ou sexuel au travail. «Certaines victimes, par peur de représailles ou encore par crainte de perdre leur emploi, n'osent pas briser la loi du silence pour dénoncer le calvaire enduré. Vu les traumatismes vécus, il n'est pas rare que des années passent avant que ces travailleurs abusé n'osent se tourner vers la justice», note-t-elle Ce mardi, le MR a également demandé à la ministre de l'Emploi d'apporter les éléments d'explication nécessaires à ce terrible dossier. En attendant, Daniel M. et Michel Claessens se consoleront en apprenant qu'un groupe a été créé sur Facebook pour leur venir en aide. Et puis, surtout, ils n'ont pas prêché dans le désert : depuis la révélation de leur calvaire, certains travailleurs ont trouvé la force de parler et, eux aussi, de dévoiler l'innommable.
Légende des photos : Solidaires. Deux hommes et une femme solidaires pour témoigner d'une douleur commune. Daniel, victime de tortures sur son lieu de travail (c'est lui qui apparaissait dans les images publiées la semaine dernière par Paris Match), est venu avec son épouse Chantal à "Controverse". Après l'émission, ce n'est pas sans émotion qu'il a accepté de poser avec Michel, autre victime de harcèlement.
DANIEL ET MICHEL ET COMBIEN DAUTRES ?
La semaine dernière, après la révélation d'insupportables images de torture au travail par Paris Match, la société Mactac avait reconnu le caractère «inacceptable» des sévices infligés à Daniel M. Dans un communiqué, elle parlait cependant d'un «cas isolé». Vraiment ? Nos investigations ont aussi mis à jour le témoignage de Michel Claessens, un autre ancien de Mactac. A cinq ans d’intervalle, c’est un même agresseur- un syndicaliste - qui s'en est pris à ces deux victimes. Deux hommes meurtris qui ont eu le courage de témoigner, dimanche dernier, sur le plateau de «Controverse» (RTL-TVI).
La rencontre se passe dans les bureaux de l'avocat Bruno-Henri Vincent à Uccle, Michel Claessens préférant parler sous le contrôle de son conseil, un spécialiste du droit du travail. L’ancien salarié de Mactac est un petit homme vif au regard plein d’intelligence et de lumière. Pas du tout le profil d’une victime...au premier coup d'œil, en tout cas. Ce n'est qu'après un certain temps que l'on comprend l'ampleur du stress post-traumatique dont il souffre. Quand Michel raconte, il se décompose littéralement. Il pleure, par moments il suffoque. L'état de choc revient comme un boomerang, un tsunami émotionnel. Bouleversant. M. Claessens ne parvient pas à prendre du recul par rapport la chasse à l'homme dont il a été victime dans les murs de cette usine de Soignies. Ces mêmes locaux de Mactac où, quelques années plus tôt, Daniel avait été attaché sur une palette par une meute de lâches menés par quelques dérangés... Des tortionnaires parmi lesquels se trouvait un certain Laurent M. - celui qui dessine deux zéros au marqueur sur le front de Daniel dans le film révélé par Paris Match – et qui, quelques années plus tard, sera l’agresseur principal de Michel. Voici le récit de cet homme brisé. Un de plus. Peut-être pas le dernier, car nous avons déjà connaissance d’autres cas que nous n’évoquerons pas sans avoir préalablement mené le travail d’investigation indispensable.
Michel a 40 ans, il est marié et père de famille. Il rentre chez Mactac en 2003, après avoir déjà travaillé pour plusieurs autres sociétés avec un statut d’intérimaire. «Quand je suis entré, on m’a mis derrière la machine à emballer les bobinos. Je travaillais sous le contrôle d’un opérateur. En tant qu'intérimaire, je suis un peu devenu le souffre-douleur de ce dernier. C’est comme cela. Il y avait une forme de culture d’entreprise. On devait montrer allégeance, accepter d'être "dominé". Je l'acceptais. Comme intérimaire, je pouvais espérer être engagé par Mactac après deux ou trois ans. Mon objectif était un contrat de travail dans cette société où les salaires sont très corrects. Ma stratégie : faire ce qu'on me disait avec application».
Très motivé, Michel va rapidement gravir les échelons. C'est là le début de ses vrais ennuis et du harcèlement. «J'ai commencé sur un "slitter4", une machine qui ne tourne vraiment pas vite. On fait 8 000 à 10 000 mètres sur une journée et on est content. La direction a vu que j’en voulais et on m'a fait passer juste à côté - c'est aussi l'endroit où le supplice de la palette avait été filmé quelques années plus tôt. C'est là que j'ai appris le slitter 15 avec Lucien J. ». Ce dernier est la personne qui a filmé Daniel. Ce délégué syndical CSC sera licencié en 2008, puis indemnisé à concurrence d'environ 250 000 euros. Suite à l'éclatement du «scandale Mactac», il vient d'être exclu de son syndicat. Lequel l'avait auparavant soutenu dans sa défense en justice…
Michel : «J’ai continué à progresser encore, passant d’une machine à l’autre. Après dix mois, j'avais tellement bien travaillé que la direction m'a proposé un contrat. J’étais aux anges ! Je passais au-dessus de tous les autres intérimaires. Cela a provoqué des quolibets du genre «frotte-balle !», mais je n'y ai pas prêté plus d'attention. Tout allait pour le mieux. Avec mon équipe, on faisait bien notre travail, atteignant des records de production. Mon employeur était satisfait. Puis je suis passé au slitter 22 où je me suis retrouvé confronté à Samuel B. (NDLR: l'un des vingt inculpés dans le dossier de Daniel M.) et Sébastien C. Il y en avait encore un autre dont j'oublie le nom, mais tous étaient des Témoins de Jéhovah. Je n'ai rien contre ces croyances, mais ils n'en étaient que plus soudés. Il n'était pas facile d'entrer dans leur groupe».
Selon Michel, Samuel avait des manies. «Tel objet devait toujours se trouver là et pas ailleurs. J'ai voulu être de bonne composition : j'ai fait ce qu'il disait. Mais la bonne volonté ne suffisait pas. Samuel aimait "jouer". Alors, très régulièrement, ce colosse me ceinturait par surprise afin de me dispenser des "baises de cheval". En gros, cela consistait à me broyer l'une ou l'autre cuisse avec sa grosse main. Juste pour faire mal. J'avais des bleus énormes. Ce type avait une force tout à fait inouïe. S'il vous prenait, vous ne pouviez plus bouger. Et c'est cela qui les faisait marrer. Et puis, surtout, il ne fallait pas rouspéter. Comme d'autres, bien d'autres, j'ai été "scotché", j'ai subi des "emballages" et autres "saucissonnages" avec du tape, j'ai été jeté dans les containers... Rien d'extraordinaire dans cet univers, sauf qu'à la longue, ça use. Au bout de trois ou quatre mois dans l'équipe des Témoins de Jéhovah, c'était devenu un enfer. J'allais travailler avec des pieds de plomb».
Epuisé d'être le souffre-douleurde Samuel et de ses compagnons de prière, Michel décide d'aller se plaindre chez une responsable, France D. Le nom de cette dame apparait aussi dans le dossier de Daniel M., où elle a fait l'objet d'une inculpation. Des e-mails témoignent du fait que ce cadre a été au courant de tous les sévices infligés à Daniel (mise en cage, palette, etc...) dès 2002. Michel poursuit: «J'ai dit à D. que j'en avais marre. Selon elle, il fallait que je relativise: "Samuel et toi, vous êtes comme un vieux couple. C'est normal qu'il y ait des tensions de temps en temps." Je suis donc retourné à la machine. A partir de là, l'ambiance est devenue encore plus lourde. Plus tard, je suis allé la retrouver pour lui faire une fois encore part de mon désarroi. Et elle m'a répondu : "Michel, il faut arrêter d'être paranoïaque." Rien à faire, il fallait que je trouve une échappatoire. Une place s'est libérée dans l'entreprise, que je n'aurais jamais revendiquée sans ces problèmes de harcèlement. Il s'agissait d'être opérateur sur la ligne en équipe de week-end. C'était un boulot plus dur, mais j'aurais donné cher pour échapper à Samuel et à ses copains. Je l'ai décroché».
Michel est placé sous les ordres de Jean-Paul D. et retrouve la sérénité... «Tout se passait vraiment très bien. Je me souviens d'une époque heureuse. J'étais tellement content d'avoir pu changer de poste, ma femme était enceinte... Mais ma joie a été de courte durée. Le 23 juin 2007, je suis arrivé à Mactac à 5 h 40. Après avoir pointé, je me suis rendu dans le hall 6. J'ai déposé ma mallette sur mon bureau. Quelques instants plus tard, Laurent M., qui se trouvait dans le local de test - tout près de là où je travaillais - m'a fait signe de le rejoindre en tapotant sur la petite fenêtre de ce local. Cette armoire à glace faisait partie des meubles dans cette entreprise. Ancien para, il était très impressionnant. Je savais que, comme Samuel, il pouvait se montrer très harcelant. Toutefois, je n'avais jamais eu de problème avec lui. C'était la première fois qu'il m'interpellait. J'ai répondu à son appel, me disant qu'il y avait peut-être un problème technique à la salle de test».
Michel ouvre la porte de ce petit local : «Yannick était aussi présent dans cette pièce. Le connaissant bien, je me suis d'abord dirigé vers lui afin de le saluer en lui donnant la joue. Ensuite, je me suis tourné vers Laurent avec l'intention de lui dire bonjour de la même manière. Il ma répondu, tout en défaisant sa salopette: "Une pute comme toi, c'est sur la queue que tu dois m'embrasser". J'ai répliqué: "Tu es fou..." Il m'a répondu, tournant légèrement le regard vers Yannick: « Je vais te montrer ce qu'on fait avec des petites putes comme toi». Et il m'a attrapé par la gorge. Il m'a enfilé trois directs avec une force incroyable dans l'estomac. J’étais sonné, plus moyen de reprendre ma respiration. Quand je me suis relevé, je lui ai dit: "Sais-tu ce que tu fais ?" Il m'a répondu: "Et toi, sais-tu à qui tu as affaire ?" ».
Un troisième agresseur est entré dans la pièce : «Christophe C. a fermé la porte. Quelqu'un a éteint la lumière. Le para m'a repris par la gorge et collé contre un mur. Il me serrait fort: "On va te montrer ce qu'on fait avec des gens comme toi." J’étais terrorisé. J'ai tenté de le calmer. Il m'a dit: "Qu'est-ce que tu vas faire?" Et puis, me gardant immobilisé d'une seule main, il a posé l'autre sur son sexe en me lançant: « Qu’est-ce que tu vas faire, tu vas aller frotter la bite du chef ?» Sur ces entrefaites, j’ai réussi à me dégager, je ne sais comment. Et j'ai réussi à frapper sur la vitre en appelant à l'aide. Ils ont détalé comme des lapins. Je suis allé trouver mon chef, Jean-Paul. Je voulais qu’on appelle la police. Il ne voulait pas. Il préférait faire un rapport en interne même si, d'évidence, c'était une affaire de coups et blessures. J'ai dit que je voulais au moins prévenir mon délégué syndical FGTB. Quand je l’ai eu, ce dernier a tenté de me calmer. Il m'a dit qu'il prévenait tout de suite le directeur des ressources humaines, Patrick D., et qu'il allait arriver».
Alors qu'il parle avec son délégué au téléphone, le chef de Michel part à la recherche des agresseurs pour s’enquérir de ce qui s'est passé : «Je ne le voyais pas revenir. Je me suis dirigé vers le hall n°7 et, de là, j'ai retéléphoné au délégué syndical. Je lui ai expliqué que je ne pouvais plus rester dans cet endroit. Il fallait que je parte de cette usine. Que je prenne l'air. Le délégué m'a donné son accord. On m'entendrait plus tard. Je me suis donc dirigé vers mon bureau dans le hall 6 afin de prendre ma mallette. Christophe a alors foncé sur moi. Il a mis sa tête à cinq centimètres de la mienne et m'a dit: «Viens, maintenant on va aller s’expliquer dehors. » Ensuite, il a fait le geste de me donner un coup de tête sans parvenir à ses fins. Un collègue qui assistait à cette scène l'a alors repoussé et un petit attroupement d'une dizaine de personnes s'est formé autour de nous. Laurent M. est arrivé à ce moment. Avec ses grands bras, il a écarté tout le monde. Il avait un bonnet style Cousteau, des yeux terrifiants. Il a lancé: 'Allez plus loin, vous n'aurez rien vu !" J'ai eu peur comme jamais. J'ai compris que le pire allait arriver si je ne détalais pas». (NDLR : Michel doit s'interrompre à ce moment, submergé par l'émotion. Ses larmes coulent encore lorsqu'il reprend : «J'ai cru à ce moment-là que c'en était fini. Qu'ils allaient me lyncher. Plus tard, en consultant le dossier d'instruction de cette affaire au greffe du tribunal de Mons, j'ai pu constater que ma peur était justifiée. Laurent M. n'a pas hésité à le confirmer aux enquêteur: il voulait me "péter"! Pourquoi ? Parce que j'étais soi-disant trop proche des chefs. Mon contrat d'emploi vite obtenu, cela avait déplu à certains».
Prenant ses jambes à son cou, Michel trouve refuge auprès d'autres ouvriers, près du slitter 14. L'un d'eux lui dit n'être pas étonné de ce qui s'est passé parce que les trois agresseurs puaient l'alcool ce matin-là : «Christian V, un brigadier, m'a dit de plus bouger. J étais à l'abri. Il allait voir ce qui se passait. Cinq à dix minutes plus tard, il est revenu, un peu paniqué: "Surtout, ne bouge pas, Michel. Ils sont devenus fous furieux. Ils cherchent après toi dans toute l'usine." Il s'est encore écoulé quelques minutes qui ont paru être une éternité. Chris tian V. est reparti mais, cette fois, il est revenu en courant. Il fallait faire vite, je devais maintenant me cacher dans les sous-sols pour éviter d'être lynché».
Cloîtré dans sa cachette, Michel reçoit enfin un appel sur son portable. C'est son délégué syndical : «Tu peux monter au hall 7. Ils ont décampé». Michel poursuit: «Le délégué, comme prévu, était accompagné du directeur du personnel. Patrick D. m'a dit que je pouvais rentrer chez moi. J'ai pris mes affaires mais je ne me suis pas changé. Le délégué m'a pris à bord de sa voiture. Sur le parking, un autre délégué de la CSC nous a fait signe d'arrêter. Il nous a dit qu'on avait trouvé des bouteilles d'alcool et du vomi près de la voiture de l’un des auteurs. Patrick D., le responsable du personnel, est apparu près de ma vitre ouverte. Et c'est là que j'ai reçu le coup d'assommoir: il m'a tapé fraternellement sur l'épaule en me disant : "Allez, ce n'est pas grave. Demain, c'est la fête pour les 40 ans de Mactac. On reparlera de tout cela lundi." J'avais compris. Tout cela était banalisé. On m'a reconduit chez moi. Comme un automate, je me suis assis et j'ai attendu que ma femme rentre de son travail. Depuis, j'ai l'impression de ne m'être jamais relevé. »
DE QUELLE SOLIDARITE PARLE-T-ON ? (1er encadré)
Guido Alvino, le président de Mactac-Europe, n'a pas désiré commenter longuement ce témoignage qui s'ajoute à celui de Daniel. Lorsque nous l'avons contacté, il nous a seulement signifié que Laurent M., travailleur protégé par son statut syndical, avait été renvoyé de l'entreprise dès après son agression. Tandis que les deux autres protagonistes ont fait l'objet d'une simple mise à pied. On signalera que Michel a eu moins de chance. Neuf mois après ces événements, alors qu'il était sous certificat médical depuis lors, il a reçu une lettre dans sa boîte annonçant que Mactac mettait fin à son contrat de travail. A propos des raisons de ce licenciement, M. Alvino affirme qu'il a eu lieu après que Michel eut voulu faire reconnaître son agression comme accident du travail, démarche qui n'aurait pas été suivie par la médecine du travail. Michel nous dit se porter en faux contre cette allégation. Dans une interview accordée mardi aux journaux du groupe Sud Presse, M. Alvino, se plaignant par ailleurs d'avoir perdu des clients, lançait aussi cette pique vers Michel : «II est resté en contact avec l'entreprise, il y livre des sandwiches tous les jours !» La victime d'agression avec menace et attentats à la pudeur nous a dit être indigné par les propos du patron de la multinationale : «Mon épouse a repris une sandwicherie en 2010. Parmi ses clients, il y a en effet certains départements de Mactac qui étaient déjà présents du temps de l'ancien propriétaire. C'est son affaire, pas la mienne, et elle n'a jamais démarché cette société. De plus, au lendemain de mon témoignage sur RTL-TVI, ma femme a reçu des fax de Mactac pour annuler plusieurs commandes (NDLR: nous avons vu ces documents). Elle va perdre ainsi une partie de sa clientèle, mais elle préfère que son homme garde sa dignité. Il a été dit par la direction de Mactac que les annulations de commandes étaient l'expression d'une solidarité au sein du personnel». De quelle étrange solidarité parle-t-on en l'espèce ? Nous aurions bien poursuivi le débat avec M. Alvino et nous lui avons proposé d'exprimer longuement son point de vue dans Paris Match. Il nous a dit qu'il réfléchissait à cette proposition...
CODE ROUGE (2ème encadré)
Bruno Henri-Vincent, l'avocat de Michel, estime que, «l'atmosphère est très lourde dans cette "affaire Mactac". Le poids du non-dit, une banalisation de la violence, un système du secret qui me fait penser au film de Rob Reiner, "Des hommes d'honneur". Souvenez-vous du "code rouge", de tous ces militaires soudés pour ne pas révéler les circonstances exactes de la mort d'un des leurs. Seulement, ici, ce n'est pas du cinéma. Et sincèrement, je m'interroge sur les raisons qui poussent une communauté humaine à produire une telle violence. Mon client en a été malheureusement l'une des victimes. Il souffre d'un profond stress post-traumatique, l'expert désigné par la justice pronostiquant une incapacité permanente partielle avec une date de consolidation non encore déterminable. Les traces de coups et de strangulation dont il a été victime ont été objectivées par un autre médecin. Et, à ce jour, trois auteurs ont été inculpés (coups et blessures volontaire, harcèlement, outrage aux mœurs, abstention coupable, menaces...). La justice devra en outre s'interroger quand à l'éventuelle responsabilité de Mactac sur le plan pénal. Il y a là au moins de la non-assistance à personne en danger. En 2007, la direction savait depuis longtemps que certains membres de son personnel avaient créé des problèmes, mais elle a mis le couvercle. Si l'agresseur principal de mon client avait été licencié après les faits de 2002, ce dernier aurait échappé à cette horrible chasse à l'homme».
DEBAT
Légende de la photo : Michel Bouffioux aux côtés de la victime sur le plateau de «Controverse». Le journaliste de Paris Match interpelle le représentant syndical sur la défense que son organisation a faite de l'un des harceleurs.
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