Introduction à deux entretiens publiés dans l’hebdomadaire belge « Ciné-Télé Revue », les 6 et 13 janvier 2005.
Comme la cigale qui chante pendant tout l’été en oubliant l’inéluctable arrivée de l’hiver, les hommes du 21ᵉ siècle se montrent encore bien trop imprévoyants quant à la puissance de destruction des éléments. La tragédie prévisible qui vient d’endeuiller le sud-est asiatique (plus de 200.000 morts ?) en est la parfaite illustration. Dans cette partie du monde, il était certain qu’un jour ou l’autre, un tsunami destructeur se manifesterait et qu’à défaut d’y être préparé, il sèmerait la mort et la désolation sur son passage. Mais dans ces pays qui bordent l’océan Indien, on s’est contenté de rentabiliser les plages de sables chauds sans aucunement prendre en compte un risque jugé par trop lointain ou hypothétique. À Phuket, en Thaïlande, à Aceh sur l’île de Sumatra ou à Nagappattinam Port en Inde, qui savait encore que, quand la mer se retirait inopinément sur plusieurs centaines de mètres, il valait mieux fuir plutôt que de se rendre sur les plages pour contempler l’étonnant spectacle ? Défaut d’information, de prévention ; la catastrophe naturelle était inéluctable, ses gigantesques et horribles conséquences l’étaient beaucoup moins.
Ces jours-ci, on glosera certainement beaucoup sur l’incapacité des gouvernements locaux a avoir pris la juste mesure du risque. Mais souvenons-nous aussi de la parabole de la paille et de la poutre. Où était la communauté internationale pour aider ces pays très pauvres à mettre en place un système d’alerte aux tsunamis ? Balayons aussi devant notre porte : un pays comme la Belgique est-il prêt à gérer un éventuel grand tremblement de terre ? « Cette question », déplore Thierry Camelbeeck, chef du service de sismologie de l’Observatoire royal de Belgique, « ne semble guère intéresser nos responsables politiques. Pourtant, nos études scientifiques permettent d’estimer que, tôt ou tard, un grand tremblement de terre, sans doute de magnitude 6 ou 6,5, affectera nos régions. » Quand ? Peut-être demain, dans dix jours, dans dix ans ou dans cent ans… Le danger apparaît donc… lointain et hypothétique. Avec quelles conséquences ? La dernière fois que cela s’est passé, au 17ᵉ siècle, les très importants dégâts et les pertes en vies humaines ont été déplorés sur une zone englobant toute la Belgique –principalement du côté de Verviers –, la Hollande, la moitié nord de la France et même une partie de l’Angleterre…
Et s’il n’y avait que les catastrophes naturelles… L’imprévoyance des hommes cigales amorce aussi nombre de bombes à retardement. En polluant l’air, l’eau et le sol d’une terre qui s’apprête à crier vengeance, l’humanité inconsciente planifie elle-même des désastres à venir. Aujourd’hui, il neige en Arabie saoudite et cela peut faire sourire. Mais demain, il faudra gérer les innombrables conséquences des dérèglements climatiques et de la mise à sac de la biodiversité, et ce sera beaucoup moins drôle. « Les accords de Kyoto, c’est un vingtième de ce qu’il conviendrait de faire pour limiter l’effet de serre. Si la communauté internationale ne se mobilise pas dans les dix ou vingt années à venir, il sera trop tard », nous explique notamment le climatologue Jean-Pascal van Ypersele.
À l’aube de cette année 2005, la nature nous a rappelé que les hommes ne sont pas les maîtres du ciel et de la terre. Elle nous a lancé un signal : prenons notre destin en main pour espérer devenir les maîtres de notre avenir. Comme l’a dit un sage : « Nous n’héritons pas de la terre, nous l’empruntons à nos enfants. »
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