Un entretien publié par Paris Match (Belgique), le jeudi 8 décembre 2016.

Dans un livre d’entretiens avec le rédacteur en chef de la Libre Belgique, Francis Van de Woestyne, la ministre d’État Antoinette Spaak raconte sa vie et sa carrière politique. La parution de ce document exceptionnel m’a donné l’occasion d’une rencontre très intéressante. À 88 ans, Mme Spaak n’a rien perdu de sa verve. Elle revient notamment sur les déclarations du ministre de l’Intérieur Jan Jambon (N-VA) qui avait affirmé au début de cette législature : « Les gens qui ont collaboré avec les Allemands avaient leurs raisons. » « Est-ce qu’on se rend compte que ces propos ont été prononcés par un membre du gouvernement ? », fulmine-t-elle. « Ceux qui participent à une majorité avec ces gens-là ont posé un choix dangereux. »
« Quand je vois qu’on accepte désormais de gouverner la Belgique avec des personnes qui ont assisté à la célébration d’un collaborateur, je suis très inquiète. »
Faisant allusion à la participation de Théo Francken à la fête d’anniversaire d’un homme qui collabora avec les nazis pendant la guerre, elle dit encore : « Quand je vois qu’on accepte désormais de gouverner la Belgique avec des personnes qui ont assisté à la célébration d’un collaborateur, je suis très inquiète. J’ai connu l’horrible découverte des camps de concentration à la fin de la Seconde Guerre mondiale et cela ne passe pas (…) Je m’impose mon propre cordon sanitaire. Je n’accepte aucune invitation venant de Jan Jambon ou de Theo Francken. Je ne veux pas leur serrer la main. C’est au-dessus de mes forces. »
À propos de la montée du populisme, Antoinette Spaak affirme aussi que « la responsabilité du monde politique dans la percée de personnages comme Le Pen ou Trump est très grande ». Ajoutant aussitôt : « Je ne m’exclus pas personnellement de ce constat. Je plaide coupable. Nous n’avons pas compris l’énorme fossé qui se creusait entre l’élite et l’ensemble de la population. » Et de déplorer « un déficit d’humilité du monde politique. Un manque d’empathie pour les problèmes vécus quotidiennement par les gens. Hommes politiques, professeurs d’université, experts… Dans tous les pays, il y a une élite et elle n’est pas toujours en phase avec ce qui se passe réellement dans la société. »
La fille de Paul Henri Spaak affirme aussi de manière très tranchée ses convictions républicaines : « C’est tout à fait clair dans mon esprit : je suis républicaine. Je n’ai aucune critique à émettre sur les personnes qui exercent actuellement la fonction. Le Roi et la Reine le font très bien et c’est sympathique. Mais je trouve suranné le fait que des personnes puissent se voir octroyer des pouvoirs politiques par héritage – même s’ils sont très limités. »