Dans un monde pollué par la désinformation et influencé par les algorithmes des réseaux sociaux, ces médias hors de contrôle qui polarisent les opinions, les démocraties se fissurent. Comment résister ? Thomas Huchon, journaliste et spécialiste du fact-checking, démonte depuis des années les infox et les théories complotistes.
Un entretien publié par l’hebdomadaire Paris Match Belgique le 9 octobre 2025 et repris par le site Paris Match Belgique le 12 octobre 2025.
Paris Match. Vous déconstruisez les discours complotistes et les fake news depuis plus de dix ans. Alors que notre époque est saturée de contre-vérités, voire de vérités « alternatives » qui tournent le dos aux faits et déforment le réel, ne vous arrive-t-il pas de vous sentir comme Sisyphe, fatigué de recommencer sans fin le même combat ?
Thomas Huchon. Oui, le fact-checking est un combat épuisant. Sans cesse, il faut remettre l’ouvrage sur le métier. On a parfois le sentiment d’essayer de vider la mer avec une petite cuillère. À force, une forme de lassitude pourrait s’installer, un découragement. Chaque jour, nous perdons un peu plus de terrain sur le champ de bataille numérique. Des sondages révèlent qu’environ 20 % de Français adhèrent aujourd’hui à une des nombreuses théories du complot qui circulent sur le web. La plus populaire, ces derniers mois, a été l’immonde fake news niant que Brigitte Macron soit une femme. Et la situation risque d’empirer : dans son rapport de 2024 relatif aux menaces qui pèsent sur le monde, l’OCDE place en premier lieu les fausses informations générées par l’intelligence artificielle. L’OMS parle même d’une « infodémie », une pandémie de fake news. Pourtant, il ne faut pas céder au fatalisme. Maintenir la vigilance est affaire de dignité pour tout un chacun. Surtout, c’est une exigence démocratique, voire un enjeu civilisationnel.








