
En octobre 2013, le professeur belge François Englert recevait le prix Nobel pour ses découvertes dans le domaine de la physique des particules. Cette reconnaissance internationale a bouleversé son regard sur sa vie. D’un passé lointain, des souvenirs enfouis ont rejailli. Ceux d’un enfant juif qui fut « caché » pendant la guerre pour échapper aux persécutions nazies et à la déportation. Dans cet entretien, le savant exprime sa reconnaissance envers les personnes qui l’ont sauvé. Et il nous parle d’un proverbe mexicain qui traduit bien ce que fut son chemin de résilience : « Ils ont voulu nous enterrer, mais ils ne savaient pas que nous étions des graines. » (Photos : Ronald Dersin – Merci aussi à Maxime Daix pour sa participation au montage de la vidéo)
Monsieur le Professeur, peut-on dire que le terme « solidarité » est un des mots clés de votre existence ?
François Englert. De quelle solidarité voulez-vous parler ?
De celle qui vous a sauvé la vie pendant la guerre. Alors qu’enfant d’une famille juive, vous risquiez d’être déporté vers les camps d’extermination mis en place les barbares nazis.
En effet, cette solidarité-là été extraordinaire. Les familles belges qui m’ont caché pendant la guerre ont fait preuve d’un courage exemplaire. Mais c’est une longue histoire. Vous tenez vraiment à ce que j’en parle ?
Ce n’est pas facile d’évoquer ce passé ?
Non, ce ne l’est pas. Bientôt, j’aurai 85 ans, et je commence seulement à pouvoir parler publiquement de tout cela. M’étant intéressé à la question du silence, des non-dits de ceux qui furent des « enfants cachés », j’ai compris que ma réticence à raconter cette période de ma vie n’a rien d’unique. Sans doute s’agit-il d’une défense. Même quand on a eu la chance d’être sauvé, on ne ressort pas indemne de ce type d’expérience, qui vous a conduit à côtoyer d’assez près une forme de barbarie que l’on n’imaginerait pas possible dans des pays dits civilisés. Après la guerre, pour me protéger, j’ai eu tendance à effacer de ma mémoire cette tranche de mon existence.
Plutôt que d’« effacement », ne conviendrait-il pas de parler de « refoulement » ?
Certainement, on n’oublie rien ! C’est qu’au sortir de la guerre, pour aller de l’avant, pour entamer une « vie normale », je ne voulais pas prendre cette partie de mon existence dans mon bagage. Je l’ai donc laissée dans un tiroir que je croyais être bien fermé.
Un véritable choix, ou faut-il fouiller dans votre inconscient ?
Je crois qu’il y a certaines actions que l’on pose qui mériteraient une profonde analyse. Quoi qu’il en soit, ce choix a été très prégnant. Quand l’occasion se présentait d’évoquer cette enfance particulière, je m’y refusais avec beaucoup de conviction. Dans ma vie, je n’ai jamais fait de distinction entre juifs et non-juifs. J’ai eu la chance, durant mes études et plus tard dans mon travail, de vivre dans un environnement sans antisémitisme. Je crois que cela a contribué à ce que je ne parle pas de mon enfance. Avec mes amis et collègues, nous ne nous déterminions pas en tant que membres de telle ou telle communauté. Cela ne m’a pas empêché de me sentir juif, mais pas dans le sens religieux du terme, et pas dans le sens d’une altérité. Plutôt dans celui d’une identité culturelle à laquelle correspond un ressenti, une manière de raconter les choses, un intérêt pour le savoir, les sciences… En même temps, ce choix de discrétion nourrissait un malaise car il impliquait un non-dit sur mon enfance, alors qu’il est évident que j’éprouvais une immense gratitude pourles personnes qui m’avaient sauvé.
C’est un paradoxe mais, souvent, les hommes avançant en âge ont une tendance à se rapprocher de leurs souvenirs d’enfance ?
C’est sans doute exact. Alors que je devenais nettement moins jeune qu’auparavant, ce passé est revenu. De plus en plus, il m’a préoccupé. Cependant, j’avais besoin de quelque chose qui me libère. Et ce fut le prix Nobel que j’ai reçu en 2013. Le doyen du jury m’a demandé de lui fournir une courte biographie. Il m’a dit que j’avais un devoir moral de mettre au jour cette partie de ma vie. C’est là que mes dernières résistances ont sauté.
L’écriture vous a libéré ?
Je ne sais pas si c’est l’acte d’écrire qui a ouvert une nouvelle porte sur ce passé. Je dirais plutôt que cela couvait depuis tout un temps. Je ne me sentais pas à l’aise avec ce constat de n’avoir pas transmis mon témoignage. Je culpabilisais de n’avoir pas entamé suffisamment de démarches pour rendre hommage aux personnes qui m’ont sauvé.
Jusqu’où est allé votre silence ? Concernait-il aussi votre femme et vos enfants ?
Ce silence a été très long. Jusqu’il y a peu, je ne leur avais pratiquement jamais parlé de l’enfant caché que je fus… Dans ce genre d’expérience, encore une fois, on n’est que très rarement innovant ! Il y a quelques années, j’ai vu un film intitulé « Les Enfants sans ombre » et je m’y suis retrouvé (1). C’est l’histoire d’un enfant caché en Belgique qui est devenu médecin en Israël… Lui aussi, il n’avait rien dit à sa famille. Arrivé au sommet de sa carrière de pédiatre, revenant en Belgique à l’occasion du tournage de ce film, il raconte pour la première fois à ses enfants et petits-enfants ce qu’il a vécu. C’est un beau document qui est bien complété par un commentaire du psychiatre Boris Cyrulnik.
Le spécialiste de la résilience… Un mot qui peut aussi qualifier votre trajectoire ?
Sans doute, puisqu’après un début de vie compliqué, je crois que j’ai fait un parcours universitaire et de la recherche à un niveau honorable. Il y a sans doute un sentiment de revanche qui est intervenu. La volonté de d’affirmer : « Ils ne m’ont pas eu ! » Un proverbe mexicain traduit bien cette idée : « Ils ont voulu nous enterrer, mais ils ne savaient pas que nous étions des graines »… Cela dit, si vous voulez en savoir plus sur mon cas, il faudrait sans doute le soumettre à monsieur Cyrulnik !
On tente de l’ouvrir, cette porte du passé ?
Entrouvrons-là, oui. Je suis né en Belgique en 1932. Mes parents étaient des juifs polonais. En 1924, avec mon grand frère qui était encore un nourrisson, ils ont quitté leur pays d’origine pour trouver de meilleures conditions de vie à Bruxelles. Un de mes oncles étant déjà installé dans la capitale, cela faciliterait leur installation. Bien qu’ils n’aient jamais été très diserts sur cette circonstance, je pense qu’avant leur migration, mes parents ont eu à souffrir de l’antisémitisme qui régnait en Pologne.
Ils ont été bien accueillis en Belgique ?
Oui, mais leur situation n’était pas facile. En arrivant, ils étaient très pauvres. Petit à petit, grâce à un commerce de tissus de plus en plus florissant, ils ont acquis un niveau de vie décent. Tout se passait bien, jusqu’au 10 mai 1940…
Le jour de l’invasion de la Belgique par les Allemands…
Ce jour-là, oui. Je n’avais que 7 ans et demi, mais je m’en souviens encore parfaitement. J’entends encore le bruit des avions ennemis survolant Bruxelles. Je me vois assis dans le fauteuil du salon. Blême et paralysé par l’angoisse, et puis vomissant. Comme si j’avais pressenti toute la dimension du malheur qui frappait à notre porte. Plus tard, j’ai dû porter l’étoile jaune, cousue sur le vêtement que je mettais pour me rendre à l’école. Heureusement pour moi, mes professeurs étaient de belles personnes qui m’ont manifesté de la solidarité.
En août 1942, les nazis commencent à déporter les Juifs de Belgique, principalement vers le camp d’extermination d’Auschwitz. Comment votre famille va-t-elle chercher à échapper à cette condamnation à mort ?
Quand mes parents ont senti que cela commençait à devenir de plus en plus dangereux, ils ont eu la lucidité de quitter Bruxelles. Nous nous sommes réfugiés chez Camille et Louise Jourdan qui, avec leur fille Yvonne, tenaient le Café-Restaurant de la Gare à Lustin. En accord avec eux, ma mère et mon père ont décidé qu’ils iraient se cacher ailleurs avec mon frère. Je devais rester avec les Jourdan et me comporter tel un membre de leur famille. Sans doute qu’ils se sont dit que cette séparation accroissait mes chances de survie. Tant que nous étions encore ensemble chez les Jourdan, je devais faire comme si je ne connaissais pas du tout mes parents !
Une consigne difficile à appliquer pour un enfant de 9 ans ?
On comprend déjà beaucoup de choses à 9 ans ! Il s’agit de circonstances de vie extraordinaires qui font mûrir les enfants plus vite. J’avais donc parfaitement conscience de ce qui se tramait, du péril qui guettait. Un jour, dans le café, un homme m’a questionné sur mon identité et je suis parvenu à lui inventer une histoire et une fausse adresse pour qu’il ne fasse pas de lien avec mes parents. Cette compréhension que j’avais des événements ne les rendait toutefois pas moins traumatisants.
L’intégralité de l’article est en accès libre (ouvrir PDF), un entretien publié dans Paris Match Belgique, le 6 avril 2017. Ici aussi la vidéo diffusée le même jour sur le site de Paris Match Belgique.

La famille Englert, peu de temps avant le départ forcé de Bruxelles. Le jeune François se trouve à droite.

Ils ont voulu nous enterrer, mais ils ne savaient pas que nous étions des graines » (Proverbe mexicain)
Les Jourdan tenaient le Café-Restaurant de la Gare à Lustin. A partir de 1942, ils ont caché François pendant un an. L’abbé Louis Warnon, curé d’Annevoie a aussi joué un rôle crucial dans la sauvegarde de la famille Englert. En 1943, il a notamment contribué à la rescolarisation de François et de son frère, sous un faux nom, au Collège Notre-Dame de Bellevue à Dinant.
« Mes nuits étaient peuplées de cauchemars où se répétaient des scènes de dénonciations, de poursuites et de mise à mort »

« Alors que je devenais nettement moins jeune qu’auparavant, ce passé est revenu. De plus en plus, il m’a préoccupé »
« Si j’arrivais à formuler des mots, je leur dirais que j’ai tout de même fait quelque chose de ma vie et que c’est à eux et à mes parents que je le dois »
/https%3A%2F%2Fs1.dmcdn.net%2FiauEw%2Fx240-eGm.jpg)
François Englert, L’enfant caché derrière le prix Nobel
Âgé de 85 ans, le scientifique belge parle pour la première fois d’un passé douloureux. Celui d’un enfant juif » caché » pendant la guerre pour échapper à la déportation et aux persécution…
/https%3A%2F%2Fparismatch.be%2Fapp%2Fuploads%2F2017%2F04%2FCF0I4034-e1491486947234.jpg)
François Englert : l’enfant caché derrière le prix Nobel · Paris Match.be
Âgé de 85 ans, le scientifique belge parle pour la première fois d’un passé douloureux. Celui d’un enfant juif » caché » pendant la guerre pour échapper à la déportation et aux persécution…
https://parismatch.be/actualites/societe/30172/francois-englert-lenfant-cache-derriere-prix-nobel
/https%3A%2F%2Fwww.canalc.be%2Fwp-content%2Fuploads%2F2017-04-27-02.jpg)
À Profondeville, 5 Lustinois ont été faits « Justes parmi les Nations »
Ce mercredi, l’ambassadeur d’Israël a récompensé 5 Lustinois pour leur courage pendant la seconde Guerre Mondiale. Ainsi, Camille et Louise Jourdan et leur fille Yvonne, l’Abbé Louis Warnon et …
http://www.canalc.be/a-profondeville-5-lustinois-ont-ete-faits-justes-parmi-les-nations/

En octobre 2013, le professeur belge François Englert recevait le prix Nobel pour ses découvertes dans le domaine de la physique des particules. Cette reconnaissance internationale a bouleversé son regard sur sa vie. D’un passé lointain, des souvenirs enfouis ont rejailli. Ceux d’un enfant juif qui fut « caché » pendant la guerre pour échapper aux persécutions nazies et à la déportation. Dans cet entretien, le savant exprime sa reconnaissance envers les personnes qui l’ont sauvé. Et il nous parle d’un proverbe mexicain qui traduit bien ce que fut son chemin de résilience : « Ils ont voulu nous enterrer, mais ils ne savaient pas que nous étions des graines. » (Photos : Ronald Dersin – Merci aussi à Maxime Daix pour sa participation au montage de la vidéo)
Monsieur le Professeur, peut-on dire que le terme « solidarité » est un des mots clés de votre existence ?
François Englert. De quelle solidarité voulez-vous parler ?
De celle qui vous a sauvé la vie pendant la guerre. Alors qu’enfant d’une famille juive, vous risquiez d’être déporté vers les camps d’extermination mis en place les barbares nazis.
En effet, cette solidarité-là été extraordinaire. Les familles belges qui m’ont caché pendant la guerre ont fait preuve d’un courage exemplaire. Mais c’est une longue histoire. Vous tenez vraiment à ce que j’en parle ?
Ce n’est pas facile d’évoquer ce passé ?
Non, ce ne l’est pas. Bientôt, j’aurai 85 ans, et je commence seulement à pouvoir parler publiquement de tout cela. M’étant intéressé à la question du silence, des non-dits de ceux qui furent des « enfants cachés », j’ai compris que ma réticence à raconter cette période de ma vie n’a rien d’unique. Sans doute s’agit-il d’une défense. Même quand on a eu la chance d’être sauvé, on ne ressort pas indemne de ce type d’expérience, qui vous a conduit à côtoyer d’assez près une forme de barbarie que l’on n’imaginerait pas possible dans des pays dits civilisés. Après la guerre, pour me protéger, j’ai eu tendance à effacer de ma mémoire cette tranche de mon existence.
Plutôt que d’« effacement », ne conviendrait-il pas de parler de « refoulement » ?
Certainement, on n’oublie rien ! C’est qu’au sortir de la guerre, pour aller de l’avant, pour entamer une « vie normale », je ne voulais pas prendre cette partie de mon existence dans mon bagage. Je l’ai donc laissée dans un tiroir que je croyais être bien fermé.
Un véritable choix, ou faut-il fouiller dans votre inconscient ?
Je crois qu’il y a certaines actions que l’on pose qui mériteraient une profonde analyse. Quoi qu’il en soit, ce choix a été très prégnant. Quand l’occasion se présentait d’évoquer cette enfance particulière, je m’y refusais avec beaucoup de conviction. Dans ma vie, je n’ai jamais fait de distinction entre juifs et non-juifs. J’ai eu la chance, durant mes études et plus tard dans mon travail, de vivre dans un environnement sans antisémitisme. Je crois que cela a contribué à ce que je ne parle pas de mon enfance. Avec mes amis et collègues, nous ne nous déterminions pas en tant que membres de telle ou telle communauté. Cela ne m’a pas empêché de me sentir juif, mais pas dans le sens religieux du terme, et pas dans le sens d’une altérité. Plutôt dans celui d’une identité culturelle à laquelle correspond un ressenti, une manière de raconter les choses, un intérêt pour le savoir, les sciences… En même temps, ce choix de discrétion nourrissait un malaise car il impliquait un non-dit sur mon enfance, alors qu’il est évident que j’éprouvais une immense gratitude pourles personnes qui m’avaient sauvé.
C’est un paradoxe mais, souvent, les hommes avançant en âge ont une tendance à se rapprocher de leurs souvenirs d’enfance ?
C’est sans doute exact. Alors que je devenais nettement moins jeune qu’auparavant, ce passé est revenu. De plus en plus, il m’a préoccupé. Cependant, j’avais besoin de quelque chose qui me libère. Et ce fut le prix Nobel que j’ai reçu en 2013. Le doyen du jury m’a demandé de lui fournir une courte biographie. Il m’a dit que j’avais un devoir moral de mettre au jour cette partie de ma vie. C’est là que mes dernières résistances ont sauté.
L’écriture vous a libéré ?
Je ne sais pas si c’est l’acte d’écrire qui a ouvert une nouvelle porte sur ce passé. Je dirais plutôt que cela couvait depuis tout un temps. Je ne me sentais pas à l’aise avec ce constat de n’avoir pas transmis mon témoignage. Je culpabilisais de n’avoir pas entamé suffisamment de démarches pour rendre hommage aux personnes qui m’ont sauvé.
Jusqu’où est allé votre silence ? Concernait-il aussi votre femme et vos enfants ?
Ce silence a été très long. Jusqu’il y a peu, je ne leur avais pratiquement jamais parlé de l’enfant caché que je fus… Dans ce genre d’expérience, encore une fois, on n’est que très rarement innovant ! Il y a quelques années, j’ai vu un film intitulé « Les Enfants sans ombre » et je m’y suis retrouvé (1). C’est l’histoire d’un enfant caché en Belgique qui est devenu médecin en Israël… Lui aussi, il n’avait rien dit à sa famille. Arrivé au sommet de sa carrière de pédiatre, revenant en Belgique à l’occasion du tournage de ce film, il raconte pour la première fois à ses enfants et petits-enfants ce qu’il a vécu. C’est un beau document qui est bien complété par un commentaire du psychiatre Boris Cyrulnik.
Le spécialiste de la résilience… Un mot qui peut aussi qualifier votre trajectoire ?
Sans doute, puisqu’après un début de vie compliqué, je crois que j’ai fait un parcours universitaire et de la recherche à un niveau honorable. Il y a sans doute un sentiment de revanche qui est intervenu. La volonté de d’affirmer : « Ils ne m’ont pas eu ! » Un proverbe mexicain traduit bien cette idée : « Ils ont voulu nous enterrer, mais ils ne savaient pas que nous étions des graines »… Cela dit, si vous voulez en savoir plus sur mon cas, il faudrait sans doute le soumettre à monsieur Cyrulnik !
On tente de l’ouvrir, cette porte du passé ?
Entrouvrons-là, oui. Je suis né en Belgique en 1932. Mes parents étaient des juifs polonais. En 1924, avec mon grand frère qui était encore un nourrisson, ils ont quitté leur pays d’origine pour trouver de meilleures conditions de vie à Bruxelles. Un de mes oncles étant déjà installé dans la capitale, cela faciliterait leur installation. Bien qu’ils n’aient jamais été très diserts sur cette circonstance, je pense qu’avant leur migration, mes parents ont eu à souffrir de l’antisémitisme qui régnait en Pologne.
Ils ont été bien accueillis en Belgique ?
Oui, mais leur situation n’était pas facile. En arrivant, ils étaient très pauvres. Petit à petit, grâce à un commerce de tissus de plus en plus florissant, ils ont acquis un niveau de vie décent. Tout se passait bien, jusqu’au 10 mai 1940…
Le jour de l’invasion de la Belgique par les Allemands…
Ce jour-là, oui. Je n’avais que 7 ans et demi, mais je m’en souviens encore parfaitement. J’entends encore le bruit des avions ennemis survolant Bruxelles. Je me vois assis dans le fauteuil du salon. Blême et paralysé par l’angoisse, et puis vomissant. Comme si j’avais pressenti toute la dimension du malheur qui frappait à notre porte. Plus tard, j’ai dû porter l’étoile jaune, cousue sur le vêtement que je mettais pour me rendre à l’école. Heureusement pour moi, mes professeurs étaient de belles personnes qui m’ont manifesté de la solidarité.
En août 1942, les nazis commencent à déporter les Juifs de Belgique, principalement vers le camp d’extermination d’Auschwitz. Comment votre famille va-t-elle chercher à échapper à cette condamnation à mort ?
Quand mes parents ont senti que cela commençait à devenir de plus en plus dangereux, ils ont eu la lucidité de quitter Bruxelles. Nous nous sommes réfugiés chez Camille et Louise Jourdan qui, avec leur fille Yvonne, tenaient le Café-Restaurant de la Gare à Lustin. En accord avec eux, ma mère et mon père ont décidé qu’ils iraient se cacher ailleurs avec mon frère. Je devais rester avec les Jourdan et me comporter tel un membre de leur famille. Sans doute qu’ils se sont dit que cette séparation accroissait mes chances de survie. Tant que nous étions encore ensemble chez les Jourdan, je devais faire comme si je ne connaissais pas du tout mes parents !
Une consigne difficile à appliquer pour un enfant de 9 ans ?
On comprend déjà beaucoup de choses à 9 ans ! Il s’agit de circonstances de vie extraordinaires qui font mûrir les enfants plus vite. J’avais donc parfaitement conscience de ce qui se tramait, du péril qui guettait. Un jour, dans le café, un homme m’a questionné sur mon identité et je suis parvenu à lui inventer une histoire et une fausse adresse pour qu’il ne fasse pas de lien avec mes parents. Cette compréhension que j’avais des événements ne les rendait toutefois pas moins traumatisants.
L’intégralité de l’article est en accès libre (ouvrir PDF), un entretien publié dans Paris Match Belgique, le 6 avril 2017. Ici aussi la vidéo diffusée le même jour sur le site de Paris Match Belgique.

La famille Englert, peu de temps avant le départ forcé de Bruxelles. Le jeune François se trouve à droite.

Ils ont voulu nous enterrer, mais ils ne savaient pas que nous étions des graines » (Proverbe mexicain)
Les Jourdan tenaient le Café-Restaurant de la Gare à Lustin. A partir de 1942, ils ont caché François pendant un an. L’abbé Louis Warnon, curé d’Annevoie a aussi joué un rôle crucial dans la sauvegarde de la famille Englert. En 1943, il a notamment contribué à la rescolarisation de François et de son frère, sous un faux nom, au Collège Notre-Dame de Bellevue à Dinant.
« Mes nuits étaient peuplées de cauchemars où se répétaient des scènes de dénonciations, de poursuites et de mise à mort »

« Alors que je devenais nettement moins jeune qu’auparavant, ce passé est revenu. De plus en plus, il m’a préoccupé »
« Si j’arrivais à formuler des mots, je leur dirais que j’ai tout de même fait quelque chose de ma vie et que c’est à eux et à mes parents que je le dois »
/https%3A%2F%2Fs1.dmcdn.net%2FiauEw%2Fx240-eGm.jpg)
François Englert, L’enfant caché derrière le prix Nobel
Âgé de 85 ans, le scientifique belge parle pour la première fois d’un passé douloureux. Celui d’un enfant juif » caché » pendant la guerre pour échapper à la déportation et aux persécution…
/https%3A%2F%2Fparismatch.be%2Fapp%2Fuploads%2F2017%2F04%2FCF0I4034-e1491486947234.jpg)
François Englert : l’enfant caché derrière le prix Nobel · Paris Match.be
Âgé de 85 ans, le scientifique belge parle pour la première fois d’un passé douloureux. Celui d’un enfant juif » caché » pendant la guerre pour échapper à la déportation et aux persécution…
https://parismatch.be/actualites/societe/30172/francois-englert-lenfant-cache-derriere-prix-nobel
/https%3A%2F%2Fwww.canalc.be%2Fwp-content%2Fuploads%2F2017-04-27-02.jpg)
À Profondeville, 5 Lustinois ont été faits « Justes parmi les Nations »
Ce mercredi, l’ambassadeur d’Israël a récompensé 5 Lustinois pour leur courage pendant la seconde Guerre Mondiale. Ainsi, Camille et Louise Jourdan et leur fille Yvonne, l’Abbé Louis Warnon et …
http://www.canalc.be/a-profondeville-5-lustinois-ont-ete-faits-justes-parmi-les-nations/