Un article publié dans Paris Match (Belgique), le 17 septembre 2015.

Comme d’autres pays européens, la Belgique est confrontée à un afflux important de demandeurs d’asile en provenance de Syrie, d’Afghanistan et d’autres zones de la planète dévastées par la guerre, l’insécurité et la misère. On parle d’une crise exceptionnelle… En réalité, l’Histoire ressert les plats. On l’a tout à fait oublié, mais, dans les rangs de « migrants », il y a eu, à certaines époques pas si lointaines, des centaines de milliers de Belges. Les réfugiés de guerre, bien sûr, mais aussi, au XIXe siècle, énormément d’ouvriers et de paysans qui fuyaient la misère. Des profils de « migrants » qui seraient aujourd’hui qualifiés de « réfugiés économiques ».
Un bel élan de solidarité se manifeste dans la population à l’endroit des demandeurs d’asile qui fuient les horreurs de la guerre en Syrie et ailleurs. Mais il y a aussi des Belges qui se montrent peu accueillants, voire dénigrants, pour les réfugiés. Sans doute ignorent-ils l’histoire de leurs ancêtres, car, à de nombreuses reprises, au fil des siècles passés, des centaines de milliers de personnes qui vivaient sur ce territoire devenu le Royaume de Belgique en 1830 ont migré à la recherche d’un destin meilleur.
« Les gens d’ici ont aussi fui la guerre, les persécutions religieuses et politiques, la misère et la famine… Et certains sont partis pour mieux gagner leur vie, bénéficier d’une existence plus confortable, ce qu’on appellerait aujourd’hui des réfugiés économiques. C’est un pan de l’Histoire qu’on a tendance à oublier ; parce que c’est celle de pauvres, d’exclus et de déshérités, pas celle de capitaines d’industrie qui vanteraient l’esprit d’entreprise ou le génie des Belges ; l’histoire d’hommes, de femmes et d’enfants en détresse qui ressemblaient tellement à ceux qui frappent aujourd’hui à notre porte », explique le professeur Anne Morelli (ULB) qui, il y a quelques années déjà, a coordonné un important livre sur les émigrants belges.
« En résumé, eux aujourd’hui, c’était nous hier »
En résumé, eux aujourd’hui, c’était nous hier. Qui sait encore qu’au cours du XVIe siècle, pas moins de 200 000 « Belges » se sont enfuis vers l’Allemagne, l’Angleterre et les Pays-Bas du Nord (NDLR : Par convention, nous utilisons la dénomination « Belges » pour
des personnes qui habitaient alors sur le territoire de l’actuelle Belgique.). Comme ces Syriens qui cherchent à échapper aux cruautés de Daesh, ces exilés du Plat Pays craignaient les persécutions religieuses et politiques d’une époque où, à Bruxelles, on brûlait encore les « hérétiques » sur le bûcher. C’est qu’il ne faisait vraiment pas bon être protestant dans cette ancienne Belgique très catholique, gouvernée par Charles-Quint et ensuite par son fils Philippe II.
Comme l’a démontré une étude approfondie du professeur de la KUL Gustaaf Janssens, cette émigration massive a largement contribué à l’essor démographique, commercial et même artistique des pays hôtes, même si, parfois, des voix critiques s’élevèrent à Amsterdam et ailleurs pour dénigrer ces réfugiés « belges » dont un certain nombre, venant notamment d’Anvers, étaient accusés de se servir du statut de persécuté religieux alors que leurs visées étaient purement économiques : à savoir, s’insérer dans une société plus prospère que celle qu’ils quittaient.
La thématique du « vrai » et du « faux » réfugié n’est donc pas neuve. Ce qui a changé, c’est que, quelques siècles plus tard, en Belgique comme ailleurs en Europe, elle a été institutionnalisée, les États effectuant des tris entre « vrais » et « faux » réfugiés, refusant l’hospitalité à ceux qui ne viendraient que pour chercher un meilleur avenir économique et social.
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Réfugiés belges, 1914.

Des centaines de milliers de Belges ont cherché une meilleure vie ailleurs pendant tout le 19ème siècle. Ce tableau d’Eugène Laermans conservé au Musée Fin-de-Siècle à Bruxelles en témoigne.

Réfugiés belges sur les route en 1914

Réfugiés belges, août 1914

Réfugiés belges en Hollande, 1914 (Cegesoma)

Population belge fuyant Tirlemont, 1914 (Cegesoma)
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comme quoi il est toujours bon de pouvoir se remontrer l’histoire et se rendre compte que finalement c’est l’éternel recommencement
bravo Michel pour cet excellent article !
Malheureusement l’homme a la mémoire courte