Le blog de Michel Bouffioux
  • Enquêtes
  • Société
  • Planète
  • Justice
  • Politique
  • Sciences
  • Histoire
  • Psycho
  • Archives
  • A mon avis
Aucun résultat
Voir tous les résultats
Michel Bouffioux
  • Enquêtes
  • Société
  • Planète
  • Justice
  • Politique
  • Sciences
  • Histoire
  • Psycho
  • Archives
  • A mon avis
Aucun résultat
Voir tous les résultats
Le blog de Michel Bouffioux
Aucun résultat
Voir tous les résultats

« Viande » cultivée : les zones d’ombre d’un business naissant

Michel Bouffioux par Michel Bouffioux
13 avril 2023
dans Entetien, Paris Match Belgique, Paris Match.be, Planète, Sciences
Partager sur FacebookPartager sur Bluesky

Un entretien publié par l'hebdomadaire Paris Match Belgique, le 13 avril 2023 et par Paris Match.be, le 15 avril 2023.

La viande d’élevage va-t-elle être remplacée par de la « viande » fabriquée, in vitro, dans des bioréacteurs ? Souvent financées par des investisseurs déjà présents dans l’agrobusiness, quelque 200 start-up dans le monde tentent de mettre au point le processus industriel qui permettrait cette révolution alimentaire. Le biologiste Eric Muraille (ULB) questionne un certain discours technico-optimiste relatif à « cette pâte de cellules qui imite la viande »

Qu'entend-on par « viande cultivée » ?

Éric Muraille. C'est le produit de la culture in vitro de cellules souches prélevées dans un muscle d'animal vivant. La première phase du processus de fabrication consiste à isoler un petit nombre de cellules satellites musculaires qui participent à la régénération des muscles de l'animal. Elles sont ensuite cultivées dans des bioréacteurs, c'est-à-dire des enceintes stériles contenant des liquides nutritifs et des facteurs de croissance.

Toutes sortes d'"engrais" en quelque sorte ?

Oui, ceux-ci sont indispensables si l'on veut provoquer une multiplication très rapide des cellules souches et leur transformation en cellules musculaires. On s'inspire en fait d'une technologie développée pour la médecine régénérative, une discipline encore expérimentale dont l'objectif est de réparer des organes humains lésés – par exemple, ceux de patients atteints de maladies neurodégénératives – en utilisant leurs cellules souches, lesquelles sont aussi "cultivées" en laboratoire.

Sur le principe général, il n'y aurait donc rien de très nouveau ?

Non. Les premières cultures de fibres cellulaires ont été réalisées dans les années 1970. Aussi, quand le premier steak haché de synthèse a été présenté à la presse en 2013 par le chercheur hollandais Mark Post, il ne s'agissait pas exactement d'une révolution scientifique, mais d'une optimisation de techniques existantes pour atteindre un nouveau but.

Vous parlez de « facteurs de croissance ». En d'autres termes, on force la nature ?

On la dope. Il s'agit de fabriquer en quelques semaines un volume de muscle qu'un animal mettrait plusieurs années à produire. Pour y arriver, les cellules sont cultivées avec de très grandes concentrations de nutriments. Parmi les facteurs de croissance utilisés dans le milieu de culture, il y a notamment des hormones sexuelles anabolisantes. Initialement, les fabricants de viande de synthèse avaient recours à du sérum de veau fœtal prélevé lors de l'avortement de vaches gestantes. Toutefois, cette manière de faire couteuse et éthiquement discutable a disparu au profit de l'utilisation de milieux de culture synthétiques, fabriqués à partir de végétaux. Quoi qu'il en soit, c'est ce "traitement de choc" qui permet de multiplier et de différencier les cellules. Elles vont ensuite être mécaniquement assemblées pour former un tissu musculaire consommable.

« Ce produit cellulaire n'est, en définitive, que du muscle ».

Autrement dit, de la viande ?

C'est le mot qu'utilisent les producteurs. Mais il est contestable : ce produit cellulaire n'est, en définitive, que du muscle. Or, dans la viande d'élevage, il y a aussi de la graisse, des fibres extracellulaires, des vaisseaux sanguins… À mon sens, cette pâte de cellules, pour reprendre l'expression d'un confrère français, imite la viande, mais ce n'est pas à proprement parler de la viande. De plus, dans les premiers aliments de ce genre déjà sur le marché (NDLR : des nuggets de poulet vendus à Singapour), les cellules musculaires produites in vitro sont mixées avec des ingrédients végétaux afin de leur donner plus de masse.

Peut-être s'agit-il aussi de leur procurer plus de saveur ?

C'est possible, car il est peu probable que ces morceaux de muscle issus de la culture cellulaire aient beaucoup de goût. Se pose alors la question des additifs qui sont ou seront utilisés pour rendre la « viande » de synthèse goûteuse. À cet égard, on sait que l'industrie agroalimentaire utilise souvent les mêmes recettes, qui posent des problèmes en termes de santé publique : le sel, le sucre et les autres exhausteurs de goût qu'on trouve dans tous les aliments ultra-transformés.

Une image d'usine à "viande" inventée par l'IA Dalle E 3....

Une image d'usine à "viande" inventée par l'IA Dalle E 3….

D'une manière générale, ne manque-t-on pas d'études scientifiques relatives à la qualité nutritionnelle de la viande cultivée ?

Les start-up disent que leurs produits de synthèse auront de meilleures qualités nutritionnelles que la viande d'élevage, mais pour l'heure, en effet, il s'agit plus d'un argument de marketing qu'une vérité scientifique. On ne dispose d'aucune étude sur le sujet. Au niveau des protéines, la viande in vitro devrait pouvoir supporter la comparaison avec la viande d'élevage, mais dans cette dernière, il y a aussi des vitamines, du fer, etc.

« Deux obstacles majeurs : comment produire en très grande quantité, et comment le faire à un coût abordable pour le consommateur ? »

L'entrecôte cellulaire en grande surface, c'est pour demain ?

Certainement pas. De même, les discours technico-optimistes et les arguments publicitaires qui laissent entendre que la viande de synthèse va mettre fin à l'élevage industriel doivent être fortement relativisés. Je dirais même que, dans l'état actuel des connaissances, ils doivent être démentis. Malgré de nombreuses promesses et annonces depuis dix ans, les start-up qui tentent de relever le défi de la viande cultivée restent confrontées à deux obstacles majeurs : comment produire en très grande quantité, et comment le faire à un coût abordable pour le consommateur ? Par exemple, le prix à l'unité des nuggets de synthèse vendus à Singapour est de l'ordre de 50 dollars et la société qui les fabrique ne parvient pas à en produire plus de quelques centaines de kilos par an. Le « Graal » pour ce secteur d'activité, c'est le passage à une production de masse permettant de réaliser des économies d'échelle, mais, à ce jour, le procédé n'a pas encore été trouvé. Cela dit, on ne sait pas tout.

Comment ça, "on ne sait pas tout" ?

Quelque 200 start-up dans le monde se sont lancées dans cette course. Chaque année, les investissements augmentent : 60 millions de dollars en 2019, 360 millions de dollars en 2021, 1,38 milliard de dollars en 2022. Le marché est hyperconcurrentiel et les recherches restent donc très secrètes.

Les acteurs du secteur évoquent un outil pour lutter contre la faim dans le monde.

C'est du marketing. Encore une fois, on n'arrive à produire que quelques centaines de kilos de viande de synthèse par an. Or, selon la FAO (Food and Agriculture Organization), la consommation annuelle de viande d'élevage était de 339 millions de tonnes en 2021. Des analyses prospectives prévoient une augmentation importante de la consommation de viande, particulièrement dans les pays en développement : on anticipe un accroissement de 200 % d'ici 2050 en Afrique. Des estimations ont été faites : si le secteur de la viande de synthèse voulait couvrir 10 % de la demande actuelle de viande mondiale, il lui faudrait construire plus de 4 000 usines géantes contenant chacune plus de 400 bioréacteurs. Pour donner une idée du gigantisme de l'investissement, on peut préciser qu'une seule de ces usines représenterait l'équivalent d'un tiers de la production en culture cellulaire de l'industrie pharmaceutique actuelle.

Suffirait-il de construire des milliers d'usines ? N'y a-t-il pas d'autres obstacles à la production de viande cultivée en grande quantité ?

Si, et ils sont nombreux. Pour commencer, les milieux de culture synthétiques qui remplacent le sérum fœtal sont encore très coûteux. Une étude scientifique publiée en 2021 affirme d'ailleurs que la viande cultivée ne sera jamais économiquement viable. Elle évoque des prix de 17 dollars la livre de produit brut, de 40 dollars au magasin. Confrontés à cet écueil, certains acteurs de la filière argumentent que le prix de la viande d'élevage est appelé à fortement augmenter dans les années à venir, ce qui pourrait rendre la viande in vitro plus attractive. Toutefois, cela ne suffirait pas à résoudre un autre problème.

Lequel ?

Pour produire ces millions de tonnes de viande de synthèse, il faudrait disposer de quantités inédites d'acides aminés et de vitamines permettant de produire des milieux de culture synthétiques en suffisance. Cela peut se faire à partir d'éléments végétaux comme le soja, mais tout reste à faire : il faudrait réorienter la production agricole en ce sens.

« Se passer d'antibiotiques pour assurer la stérilité des cultures cellulaires demande des investissements énormes »

Que fait-on de ces « milieux de culture » après utilisation ?

Dans le cadre d'une production de masse, c'est une question essentielle. Car les milieux de culture représenteraient des millions de litres d'un liquide chargé d'hormones et éventuellement d'autres substances, peut-être aussi des antibiotiques, qu'on ne pourrait rejeter dans l'environnement. Il faudrait traiter ces résidus. Ce serait un coût supplémentaire.

Des antibiotiques, dites-vous ? Les producteurs de viande de synthèse ne pourraient-ils pas s'en passer ?

Théoriquement, oui. Et c'est d'ailleurs la promesse actuelle des acteurs de la filière. Mais il faut savoir que se passer d'antibiotiques pour assurer la stérilité des cultures cellulaires demande des investissements énormes . Celles-ci sont très sensibles aux bactéries : un seul de ces microbes, qui se reproduit beaucoup plus vite que les cellules, peut détruire toute une culture. C'est pour cela que dans les laboratoires universitaires, par facilité, les cultures cellulaires se font toujours avec adjonction d'antibiotiques, mais en l'occurrence, il ne s'agit pas de fabriquer un produit alimentaire qu'on proposerait à la consommation.

Quelle est la parade aux antibiotiques ?

C'est de travailler dans des structures très stériles, des salles blanches, comme il en existe dans l'industrie pharmaceutique. Mais les normes sont extrêmement strictes. Au plus haut niveau de stérilité, l'air doit être renouvelé et filtré jusqu'à 180 fois par heure. Il s'agit donc de locaux très coûteux à construire et à entretenir. Certes, pour limiter les risques de contamination, on peut utiliser des cuves de culture à usage unique, c'est-à-dire en plastique. C'est d'ailleurs ce que fait souvent l'industrie pharmaceutique. Toutefois, dans un processus de culture de viande de synthèse à très grande échelle, cela poserait un problème de pollution : les déchets plastiques sont aujourd'hui une menace majeure pour les écosystèmes. Le plastique pose aussi un problème de santé publique par sa toxicité, car il peut générer des perturbateurs endocriniens. Il est documenté que les emballages plastiques des aliments peuvent transporter ces substances néfastes pour notre système hormonal. Ce type de transmission existe aussi si l'on utilise des récipients en plastique pour faire de la culture cellulaire. Il est donc préférable de « cultiver » dans des cuves en acier inoxydable. Mais celles-ci doivent être désinfectées très régulièrement à haute température, ce qui est très énergivore et donc coûteux.

Une image d'usine à "viande" inventée par l'IA Dalle E 3....

Une image d'usine à "viande" inventée par l'IA Dalle E 3….

Un caillou de plus dans le plan d'affaires des apprentis producteurs de viande de synthèse. À un moment donné, les exigences de rentabilité ne pourraient-elles pas influer sur les techniques de production de certains acteurs de la filière, conduisant à une sélection de celles qui sont les moins onéreuses ?

Je ne veux faire aucun procès d'intention. L'avenir nous le dira. Mais, quand on investit, c'est logiquement dans l'espoir d'arriver à en retirer un profit (générer un profit). La tentation pourrait exister de remplacer les salles blanches par des antibiotiques, ainsi que les cuves en acier par des récipients en plastique, voire d'en finir avec les milieux de culture synthétiques.

C'est possible ?

On peut modifier génétiquement les cellules pour que leur multiplication ne dépende plus des facteurs de croissance. Les industriels parlent, en l'espèce, de les rendre "immortelles", car ces cellules peuvent se reproduire toutes seules en présence de nutriments, dans un cycle quasi infini. Mais dans la nature, les cellules cancéreuses sont les seules cellules animales à se multiplier de manière autonome. En termes de marketing, évidemment, les acteurs de la filière préféreront parler de cellules "immortelles" pour ne pas faire fuir les clients. Leur utilisation dans des produits alimentaires serait une première évidemment questionnable sur le plan sanitaire.

« Si on n'a pas recours aux cellules 'immortelles', il faut utiliser des facteurs de croissance »

Soit les cellules "cancéreuses", soit les hormones, si on vous comprend bien ?

Oui, c'est l'un ou l'autre. Si on n'a pas recours aux cellules "immortelles", il faut utiliser des facteurs de croissance. Et à propos de ces derniers, les dosages utilisés par les fabricants restent un mystère. Rappelons tout de même qu'en Europe, l'utilisation d'hormones anabolisantes est interdite dans l'élevage depuis 1980. C'est la directive 81/602, qui a été confirmée en 2003 par la directive 2003/74 et validée par l'Autorité européenne des aliments en 2007. Cela n'est plus sujet à débat depuis longtemps sur notre continent.

La viande de synthèse ne devrait donc pas se retrouver de sitôt dans nos assiettes ?

Elle s'en approche très lentement. Des start-up y travaillent déjà en France. L'une d'entre elles, vu les contraintes que nous avons évoquées, vise un produit qui est cher et se consomme en petite quantité : le foie gras de synthèse. Si des sociétés investissent en France et ailleurs, c'est évidemment dans l'espoir de vendre un jour leur production. Il y a eu des déclarations très anti-viande de synthèse de responsables politiques français, mais, en même temps, très récemment, les sénateurs français ont auditionné des acteurs de ce secteur naissant et n'ont pas fermé la porte à une réflexion approfondie sur les potentialités de la viande de synthèse.

En parallèle, de nombreux scientifiques français ont signé – c'était en février 2023 – une tribune relative à la "viande" cultivée dans laquelle ils appellent à la prudence.

Je partage leurs interrogations. Il y a encore beaucoup de zones d'ombre. En même temps, il ne faut pas être dupe : un processus s'est mis en marche et il sera difficile de faire marche arrière. On l'a dit, la vente de la viande de synthèse est déjà autorisée à Singapour. En 2022, la FDA américaine a donné son autorisation à la commercialisation d'une viande de poulet cellulaire. Ainsi donc, des normes se développent dans des pays où l'on n'a pas la même approche du principe de précaution qu'en Europe. Or, on en a fait l'expérience : quand l'Union Européenne veut empêcher l'entrée de produits controversés sur son territoire, l'OMC lui fait des procès pour entrave à la libre concurrence. L'Europe a plusieurs fois fait l'objet de plaintes parce qu'elle bloquait l'arrivée de viande hormonée des États-Unis, et il y a eu des contre-mesures de l'administration américaine. La capacité de régulation d'un État, voire d'une communauté d'États, est limitée par rapport à des produits qui sont en vente libre dans d'autres parties du monde.

« Le discours technico-optimiste sur la viande de synthèse apparaît un peu comme un leurre. »

Quoi qu'il en soit, la viande de synthèse pourrait être un produit de niche dans les années à venir, mais certainement pas une solution aux maux du temps présent ?

Sauf à transiger sur la qualité, les scientifiques les plus optimistes estiment qu'on pourra éventuellement produire de la viande de synthèse en très grande quantité dans trente ou quarante ans, le temps de trouver des issues aux nombreuses impasses technico-économiques que nous avons évoquées. Or, la question alimentaire, celles de l'environnement, du dérèglement climatique, de la raréfaction des espaces habitables, de l'eau et de nombre d'autres enjeux cruciaux demandent des réponses beaucoup plus rapides, dans les dix ans au plus. En ce sens, le discours technico-optimiste sur la viande de synthèse apparaît un peu comme un leurre, une manière de pouvoir continuer à faire l'autruche en se disant que le génie de l'homme va élaborer une parade technologique aux problèmes qu'il a créés.

Malgré ces obstacles, certains industriels y voient un marché possible ?

On remarquera à cet égard que beaucoup de grands opérateurs de l'agroalimentaire, de l'élevage industriel, sont présents parmi les investisseurs qui misent sur l'avenir de la viande de synthèse.

Cela fait penser à l'industrie du tabac, qui investit dans la cigarette électronique ?

C'est un peu la même idée : on dit aux fumeurs : « Vous pouvez continuer la nicotine autrement. » Ici, on donne le message qu'il faut une alternative à la viande d'élevage, mais qu'on ne doit pas nécessairement se passer d'une grande consommation de viande.

Les promoteurs de la viande de synthèse ne posent-ils pas pour autant de bonnes questions ?

Bien sûr. Ils ont raison de prendre pour argument que la population mondiale ne cesse de s'accroître alors que les ressources sont limitées. Dans trente ans à peine, quelque dix milliards d'humains devront être nourris sur cette planète. Ils ont aussi raison de s'inquiéter de la souffrance animale : 65 milliards d'animaux sont abattus chaque année dans le monde pour nourrir les humains. Mais s'ils posent de bonnes questions, ils n'y apportent pas de vraies réponses.

L'argument est souvent avancé que la production de viande in vitro contribuerait à la protection de l'environnement ?

Il est vrai que l'élevage bovin pèse lourd en termes d'émissions de gaz à effet de serre, d'occupation des sols et de consommation d'eau. Toutefois, des études questionnent aussi les promesses environnementales de la viande de synthèse : si l'on prend en compte la construction et la maintenance des infrastructures nécessaires aux cultures cellulaires, le processus de fabrication devient très énergivore. Pour ne pas polluer autant que les éleveurs industriels, les fabricants de viande de synthèse devront produire avec 100 % d'énergie verte, ce qui n'est pas garanti.

« Ce qu'il faut absolument changer en premier, c'est notre surconsommation de viande »

Plutôt que de vouloir remplacer de la viande par une autre "viande", ne serait-il pas plus profitable de changer les modes de production actuels, mais aussi de consommer plus de protéines végétales ?

Bien sûr. L'agroécologie permet de produire autrement ce que nous consommons déjà à l'heure actuelle, c'est-à-dire en respectant beaucoup mieux l'environnement. Dans un système moins destructeur pour la planète et pour les animaux, la viande serait évidemment plus chère. Mais serait-ce un problème si la population était bien informée des vrais enjeux ?

Que voulez-vous dire ?

Que ce qu'il faut absolument changer en premier, c'est notre surconsommation de viande. Nous en mangeons cinq à six fois trop, selon la plupart des experts. Plutôt que de soutenir la création de 4 000 usines de viande de synthèse en espérant produire encore plus de viande, les États pourraient, à bien moindre coût, conscientiser les populations à propos d'habitudes alimentaires qui sont associées à des risques cardiovasculaires et suspectées d'être à l'origine d'une inflation impressionnante des cancers colorectaux. Proposer plus de protéines végétales dans les cantines scolaires et les restaurants d'entreprise, soutenir la promotion d'une alimentation saine et équilibrée, cela ne demande aucun progrès technologique et cela peut être fait tout de suite.

Ce n'est pas vraiment le chemin qu'on semble prendre. Encore une fois, quand des industriels cherchent à proposer un substitut à la viande d'élevage, n'entérinent-ils pas un point de vue pessimiste selon lequel on ne pourrait conduire les gens à modifier leurs comportements alimentaires ?

Exactement. Et pourtant, rien n'est plus faux. Les comportements peuvent évidemment évoluer. Souvenez- vous qu'il y a quelques années à peine, on fumait encore dans tous les espaces publics. Aujourd'hui, c'est devenu impensable. J'ajoute que l'idée qu'il faudrait manger de la viande tous les jours pour être en forme n'est rien d'autre qu'une construction des publicitaires du XXe siècle, en soutien au développement de l'industrie agroalimentaire et de l'élevage industriel. À partir des années 1950, on a fait des campagnes pour inciter les gens à manger plus de viande, et ça a marché. Le processus inverse est possible. D'ailleurs, ce devrait être une priorité pour un État qui veille à la santé de ses citoyens. Il s'agit d'un choix de santé publique, d'un choix politique.

Pour poursuivre la réflexion : les arguments des promoteurs de la viande cultivée, portés notamment par l'association Agriculture cellulaire France, se trouvent ici. Et le compte-rendu du débat sur la viande in vitro qui s'est tenu au Sénat français est ici.

" Viande " cultivée : les zones d'ombre d'un business naissant

" Viande " cultivée : les zones d'ombre d'un business naissant

La viande d’élevage va-t-elle être remplacée par de la  » viande  » fabriquée, in vitro, dans des bioréacteurs ? Souvent financées par des investisseurs déjà présents dans l’agrobusiness, qu…

https://www.parismatch.be/actualites/societe/2023/04/15/viande-cultivee-les-zones-dombre-dun-business-naissant-ZBUAJRCTVJEJDEJNZANHCLIJ74/

Michel Bouffioux

Michel Bouffioux

Curieux de beaucoup de choses, je m'intéresse notamment à des dossiers sociétaux, historiques, scientifiques et judiciaires. Depuis 1987, comme le temps passe, j'ai travaillé dans les rédactions de plusieurs quotidiens et hebdomadaires belges. J'ai aussi fondé l'hebdomadaire "Le Journal du Mardi" en 1999. Depuis 2007, je fais partie de l’équipe rédactionnelle de Paris Match Belgique.

Vous aimerez aussi

Expériences de mort imminente : quand les limites de la science invitent à la spiritualité

Expériences de mort imminente : quand les limites de la science invitent à la spiritualité

par Michel Bouffioux
4 mai 2025

Personne ne revient de la mort, mais nombre de ceux qui s'en sont approchés de très près témoignent de visions...

Climat, le temps de l’adaptation : « Nous devons bien mieux nous préparer à survivre dans un monde plus chaud »

Climat, le temps de l’adaptation : « Nous devons bien mieux nous préparer à survivre dans un monde plus chaud »

par Michel Bouffioux
27 janvier 2025

Un entretien publié par l'hebdomadaire Paris Match Belgique, le 23 janvier 2025 et par le site Paris Match.be, le 26...

Jeunes aidants proches, ces héros invisibles

Jeunes aidants proches, ces héros invisibles

par Michel Bouffioux
9 janvier 2025

Ils ont moins de 26 ans. Ils apportent une aide constante à un membre de leur famille en situation de...

Il y a 80 ans, les civils dans le feu de la bataille des Ardennes

Il y a 80 ans, les civils dans le feu de la bataille des Ardennes

par Michel Bouffioux
16 décembre 2024

Quarante-cinq jours de terreur. Un déluge de feu dans le froid polaire d'un hiver maudit. Du sang, des larmes. Des...

Enfants du divorce : « Plus il y en a, moins on les voit »

par Michel Bouffioux
9 décembre 2024

Pendant deux ans, l'essayiste Catherine Tobin a rencontré des dizaines d'adultes qui, dans leur enfance, ont vécu l'expérience de la...

« Il y a un parfum d’années 1930 en Allemagne « : l’historien Emmanuel Droit analyse la préoccupante montée de l’extrême droite en République fédérale

par Michel Bouffioux
18 novembre 2024

Un entretien publié par l'hebdomadaire Paris Match Belgique, le 14 novembre 2024 et par le site Paris Match.be le 18 novembre...

Voir plus
Article suivant

Quand le Covid est sans fin : Valérie en souffre depuis 31 mois

Laisser un commentaire Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Le blog de Michel Bouffioux

Enquêtes, reportages, entretiens, archives

© 2025 Michel Bouffioux – Site réalisé par Michaël Perrin

Aucun résultat
Voir tous les résultats
  • Enquêtes
  • Société
  • Planète
  • Justice
  • Politique
  • Sciences
  • Histoire
  • Psycho
  • Archives
  • A mon avis

© 2025 Michel Bouffioux – Site réalisé par Michaël Perrin

Ce site web utilise des cookies. En continuant à l'utiliser, vous consentez à l'utilisation des cookies.