Une invasion planifiée depuis près de dix ans!
Pendant que le gouvernement belge rédige sa réponse à l’ultimatum allemand, les troupes impériales des 1ère, 2ème et 3èmearmées ont déjà largement entamé leur concentration aux portes de notre territoire. C’est par dizaines de milliers que ces soldats souvent très jeunes, la tête enfumée par un nationalisme exacerbé leur donnant bonne conscience, se regroupent à Saint-Vith, Malmedy, Herbesthal, Aix-la-Chapelle et Eupen… Toutes villes encore allemandes à cette époque. Au total, l’aile droite de l’attaque allemande a prévu l’implication de 700.000 hommes qui ont pour mission de traverser la Belgique au plus vite : d’abord faire tomber les forteresses de Liège et de Namur et, après avoir franchi la Meuse, foncer sur Bruxelles puis le nord de la France. Il s’agit de s’emparer de Paris dès le trente-neuvième jour de combat…
Dans cette entreprise, un sous-groupe d’élite de 55.000 hommes, l’armée de la Meuse du général von Emmich, est chargé d’en finir au plus vite avec les douze forts de Liège qui se trouvent sur la route devant être empruntée par le gros des troupes allemandes dans leur marche vers la capitale belge. D’autres soldats allemands, en quantité moins importante, forment la partie gauche de la tenaille censée se refermer sur la capitale française. Ce sont les 6ème, 7èmeet 8èmearmées, qui se regroupent du côté de Mulhouse et dans la Sarre. Au centre du dispositif, les 4ème et 5èmearmées, qui sont rentrées sans aucune difficulté dans le Grand-Duché, s’apprêtent à attaquer le Luxembourg belge pour se diriger ensuite vers Châlons.
Au total, c’est une armée d’une puissance tout à fait inédite qui se met en marche : un million d’hommes possédant des armes nouvelles, notamment dans le domaine de l’artillerie – nous y reviendrons – mais aussi un sentiment de puissance et de supériorité. Les soldats allemands se sentent invincibles et ils sont renforcés dans ce sentiment par leur Kaiser qui leur a dit : « Vous serez de retour avant la chute des feuilles. » Cette idée de la guerre éclair est plus que partagée par l’état-major allemand : c’est d’ailleurs là toute l’essence d’un plan dont la première version, conçue par le général Alfred von Schlieffen, remonte à 1905 !
En 1913, cette planification d’une offensive sur la France a été légèrement modifiée par le général von Moltke, mais pas pour ce qui concerne sa philosophie principale : l’évitement des forteresses de l’est de la France (Belfort, Epinal, Toul, Verdun) pour préférer un passage de la plus grosse partie de l’armée allemande par la Belgique. Cette manière de voir implique de facto une remise en cause des accords internationaux garantissant la neutralité du Royaume et, de ce point de vue, on peut dire que l’Allemagne a prémédité sa violation du droit des gens.
Un point capital du plan est la rapidité de sa mise en œuvre. Vaincre vite les Français pour ensuite disposer de forces suffisantes pour combattre à l’Est, où les Allemands misent sur une mobilisation lente de l’armée du tsar Nicolas II. Cela implique aussi un passage très rapide en Belgique où l’agresseur espère une faible résistance, voire sur une politique de résignation face à son rouleau compresseur qui menace de tout écraser sur son passage. Les envahisseurs vont être surpris, très surpris par la combativité et l’intelligence tactique de l’armée belge. Et ils vont le faire payer aux populations civiles…