Un entretien publié le 6 juin 2024 par l’hebdomadaire Paris Match Belgique et le 7 juin 2024 par le site Paris Match.be
En Flandre, les nationalistes — et parmi eux, les plus radicaux — ont le vent en poupe. Le « dimanche noir » qui se profile est-il une menace pour l’avenir de l’État belge ? Que veulent les Flamands ? Voici les réponses d’un journaliste flamand aux questions d’un journaliste francophone. Ivan De Vadder travaille depuis de nombreuses années pour la chaîne de radio et de télévision publique flamande. Observateur aguerri de la politique belge, il est aussi l’auteur de plusieurs livres et de chroniques pour la presse écrite.
Si l’on en croit les sondages, 26 % des électeurs flamands s’apprêtent à voter pour l’extrême droite. Comment en est-on arrivé là ?
Ivan De Vadder. Faut-il y voir une spécificité de la Flandre ? Je ne le crois pas. Dans de nombreux pays européens, en France, en Allemagne, en Italie mais aussi en Scandinavie, on observe que des partis de la droite radicale ont le vent en poupe. En Flandre, ce discours s’articule principalement autour du débat sur la migration et de l’économie. Et bien sûr, le Vlaams Belang lie ces deux thématiques en affirmant que le pouvoir d’achat a diminué à cause de la migration. Il pourrait aussi tirer bénéfice de ce qui vient de se passer en Hollande où le vote pour un parti de droite radicale a été « utile », en ce sens que le PVV de Geert Wilders est parvenu à former un gouvernement. Or, ce qui se déroule aux Pays-Bas a une influence sur la société flamande.
Dans ce contexte, c’est l’absence d’une présence d’extrême droite significative dans la Belgique francophone qui fait figure d’exception ?
Oui, mais il y a un point commun entre les deux communautés : l’affaiblissement des partis traditionnels. En Flandre, où l’offre politique est plutôt à droite, le vote contestataire se dirige vers l’extrême droite. Du côté francophone où, à l’exception du MR qui a entamé un virage vers la droite, l’offre générale est plutôt de centre, centre-gauche, le vote de contestation se dirige vers l’extrême gauche. Des deux côtés, le centre est en train de disparaître (NDLR : on note tout de même un réveil dans les sondages du parti « Les Engagés » côté francophone). Comme les partis traditionnels font de moins bons scores électoraux, les coalitions gouvernementales, au fédéral, comptent de plus en plus de partenaires. Cela débouche sur des mélanges idéologiques improbables, par exemple entre des écologistes, des libéraux et des socialistes. La nécessité de compromis devient si importante qu’elle réduit la lisibilité de la politique. Les citoyens en arrivent à s’interroger sur ce qu’est la ligne du gouvernement. C’est un cercle vicieux qui fait le jeu des extrêmes, lesquels proposent des solutions « simples » et ne s’encombrent pas de compromis.
Vivons-nous une crise de la démocratie représentative ?
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