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Comment nourrira-t-on 10 milliards de terriens en 2050 ? « Il faudra repenser les modèles de production et de consommation »

À partir du XXe siècle et surtout après la Seconde Guerre mondiale, afin de produire plus, on a changé de modèle en industrialisant le système alimentaire. ©Unsplash

Comment nourrira-t-on 10 milliards de terriens en 2050 ? « Il faudra repenser les modèles de production et de consommation »

Michel Bouffioux par Michel Bouffioux
14 octobre 2024
dans Planète
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Un entretien publié par l’hebdomadaire Paris Match Belgique le 10 octobre 2024 et repris par le site Paris Match.be, le 14 octobre 2024.

Le coût environnemental et sanitaire de l’agro-industrie est énorme, mais celle-ci promet de devenir plus vertueuse grâce aux progrès techniques. Face à elle, l’agroécologie propose une alternative pour nourrir durablement le monde dans les années à venir. Quel modèle l’emportera ? Pour Nicolas Bricas, chercheur en socio-économie de l’alimentation au Cirad (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement), cet enjeu crucial devrait faire l’objet de grandes consultations citoyennes dans le monde entier.

Sur le plan alimentaire, quel est l’état du monde ?

Nicolas Bricas. On serait en droit d’espérer un autre monde ! À l’échelle globale, depuis les années 1980, nous sommes en situation de surproduction alimentaire. Mais, dans le même temps, plus de 800 millions d’êtres humains n’arrivent pas à manger à leur faim.

La faim dans le monde n’a-t-elle pas tendance à régresser ?

Après la Seconde Guerre mondiale, ce fut le cas pendant plusieurs décennies. Les chiffres restaient alarmants, mais on observait une lente décroissance. Depuis six ou sept ans, la tendance s’est inversée. Cela résulte d’une combinaison de facteurs : les crises climatiques et environnementales mais aussi les conflits, qui génèrent des réfugiés, et des politiques agricoles qui pénalisent les petits producteurs — les maillons les plus mal rémunérés de la chaîne alimentaire — au profit de l’agrobusiness. Dans certaines régions du monde, en Afrique, en Asie, beaucoup de paysans migrent vers les villes. Mais celles-ci peinent à créer suffisamment d’emplois pour leur permettre de se nourrir correctement.

Nicolas Bricas est titulaire de la chaire Unesco d’alimentations du monde et codirecteur du master spécialisé « Innovations et politiques pour une alimentation durable » de l’Institut Agro Montpellier et du Cirad. (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement) ©DR

On surproduit à l’échelle mondiale. Autrement dit, le gâteau est assez grand, mais certains ne reçoivent pas leur part ?

Le dire ainsi pourrait laisser penser qu’il suffirait que les pays qui produisent beaucoup vendent leurs excédents aux pays qui n’arrivent pas à produire suffisamment pendant que leur population s’accroît. En réalité, c’est plus complexe, car les nations qui sont en situation d’insécurité alimentaire se préoccupent aussi de ne pas être totalement dépendantes des grands pays exportateurs. À cet égard, les nations du Maghreb ont connu une douloureuse expérience : devenues très dépendantes des céréales produites en Ukraine, elles ont particulièrement souffert de la guerre déclenchée par la Russie. Cela a remis en lumière l’impératif de souveraineté alimentaire : il est crucial de produire localement pour limiter la vulnérabilité vis-à-vis d’acteurs extérieurs.

« L’objectif, partout, a été de réduire le coût économique de l’alimentation. (…) Cela s’est traduit par de nombreuses dégradations, non seulement environnementales mais aussi sanitaires et sociales. »

Si la production agricole a fort augmenté à l’échelle internationale, n’est-ce pas au prix fort sur le plan environnemental ?

C’est l’une des dimensions incontournables de la question alimentaire. À partir du XXe siècle et surtout après la Seconde Guerre mondiale, afin de produire plus, on a changé de modèle en industrialisant le système alimentaire. On s’est mis à utiliser massivement des ressources non renouvelables — de l’engrais azoté chimiquement produit à l’aide de gaz naturel, des engrais minéraux issus des mines de phosphate et de potasse — pour remplacer la fertilisation qu’assuraient les légumineuses, les arbres et les animaux. On a remplacé le travail humain et animal par des moteurs thermiques, qui utilisent du pétrole, et ensuite électriques, qui nécessitent de l’uranium pour les centrales nucléaires et des terres rares pour les centrales solaires ou éoliennes. On a spécialisé les cultures, agrandi les parcelles, supprimé les haies pour faciliter la mécanisation. Mais les maladies des plantes et des animaux se sont développées et on les a gérées avec de la chimie : les produits phytosanitaires et les antibiotiques. On a coupé des forêts, épuisé les stocks de poisson. On a fait des économies d’échelle avec de grandes usines pour transformer les produits, pour en disposer toute l’année, partout, en grande quantité, à des prix toujours plus bas. On a tellement augmenté la production alimentaire que les excédents ont été utilisés pour nourrir des animaux. L’objectif, partout, a été de réduire le coût économique de l’alimentation, en ce compris le coût de la main-d’œuvre. S’il reste des zones rurales où la production est insuffisante, le fait est que la planète est globalement devenue surproductrice de nourriture. Mais, en effet, cela s’est traduit par de nombreuses dégradations, non seulement environnementales mais aussi sanitaires et sociales.

Plus précisément ?

Sur le plan environnemental, on épuise les ressources non renouvelables, l’énergie fossile, les engrais minéraux miniers, les terres rares, mais aussi et surtout on sature les milieux. On pollue avec trop d’azote et cela se traduit par la prolifération d’algues vertes. Les résidus de pesticides, le plastique détruisent de nombreux animaux. La biodiversité s’effondre. Le système alimentaire contribue à environ 30 % des émissions de gaz à effet de serre et donc au changement climatique. Sur le plan sanitaire, on s’intoxique à petit feu avec des résidus chimiques. L’offre de l’agro-industrie nous amène à manger trop sucré, trop gras, trop salé, trop transformé et les nouvelles pathologies qui en résultent deviennent de graves problèmes de santé publique : diabète de type 2, maladies cardiovasculaires, certains cancers, etc. Sur le plan social, notre système alimentaire repose sur des emplois très précaires : travailleurs agricoles, transporteurs, ouvriers d’abattoirs et d’usines agroalimentaires, cuisiniers, caissiers, livreurs, éboueurs. Leur sous-rémunération nous permet de manger pas cher et d’enrichir une poignée d’actionnaires de grandes entreprises qui accaparent les profits. Tout cela se paye, non pas dans le panier alimentaire, mais dans les dépenses publiques en santé, en réparation environnementale et en soutien social. Pour 100 euros d’achats alimentaires, on estime aujourd’hui qu’il y a 100 à 200 euros de coûts pour la société.

Ne faut-il pas dès lors réformer ce système de production ?

Si, parce qu’il nous mène droit dans le mur sur le plan environnemental et climatique. Mais soyons de bonne foi : on critique beaucoup le modèle agro-industriel, mais il faut aussi se souvenir qu’il a permis de nourrir à bas prix une population en forte croissance et de libérer de la main-d’œuvre pour aller travailler dans les usines et les bureaux. Un confort de vie a été ainsi créé qui nous semble évident, alors qu’il ne l’était pas du tout il y a à peine cent ans. Dans les pays riches, l’immense majorité des individus vivent désormais sans se préoccuper de produire leur nourriture, tout en ne souffrant pas de la faim.

Le discours de l’agro-industrie est qu’il ne faut pas changer de modèle, peut-être seulement l’améliorer dans une perspective de durabilité. Serait-ce la seule voie qui permettrait de nourrir le monde dans les années à venir ?

Ce que les acteurs du modèle industriel proposent est d’optimiser la production, de réduire le gaspillage de ressources par un pilotage très fin des process. C’est la promesse de l’agriculture de précision qui utilise des images satellitaires et de drones, des puces électroniques implantées dans les animaux et bientôt dans les plantes, de l’intelligence artificielle pour traiter des milliards de données. De fait, la surveillance généralisée et fine permet de réduire l’usage des engrais et des produits phytosanitaires. Toutefois, cette révolution du numérique, qui transforme de plus en plus le système alimentaire, comporte aussi des risques tels que l’usage de ressources non renouvelables comme les terres rares, extrêmement polluantes à extraire, et les pollutions par des nanoparticules. Ensuite, si ces innovations peuvent réduire la dépendance à certains intrants, elles en génèrent de nouvelles vis-à-vis des pays et des entreprises qui dominent les marchés des puces électroniques, des grandes bases de données (big data), des batteries, des algorithmes de l’IA. La concentration des pouvoirs économiques et technologiques dans ces secteurs est très importante. En outre, certains acteurs et investisseurs proposent de s’orienter vers une alimentation sans élevage, avec la viande in vitro, voire sans agriculture avec la production industrielle hors sol de protéines ou d’huiles à base de bactéries, d’algues, de levures, de cellules souches. Ces promoteurs considèrent que cela peut alléger la pression sur les forêts et les milieux, et donc à relever les enjeux environnementaux.

 » Retrouver ces savoirs méprisés par la modernisation n’équivaut pas à revenir en arrière : il s’agit plutôt de se baser sur ceux-ci pour construire de nouvelles techniques, avec les apports de la recherche »

N’existe-t-il pas un autre modèle pour garantir notre avenir alimentaire ?

Oui, l’agroécologie. À l’origine de ce concept, il y a l’idée de repartir de savoirs agricoles ancestraux élaborés quand les paysans étaient des gestionnaires de biodiversité. Ils avaient une grande connaissance des milieux, du rôle de chaque plante, de chaque animal, des parcours de l’eau. Ils ont inventé des techniques adaptées à chaque milieu, qu’ils ont longuement expérimentées au cours de décennies, Certes, elles sont moins productives que l’agriculture de la chimie, mais elles sont plus résistantes aux aléas, plus robustes et surtout plus durables. Retrouver ces savoirs méprisés par la modernisation n’équivaut pas à revenir en arrière : il s’agit plutôt de se baser sur ceux-ci pour construire de nouvelles techniques, avec les apports de la recherche. Qu’il y ait autant de solutions que de milieux est une caractéristique de l’agroécologie, qui s’oppose radicalement aux moyens universels que proposent les révolutions génétiques, numériques et robotiques soutenues par l’agro-industrie.

 » Repartir de savoirs agricoles ancestraux élaborés quand les paysans étaient des gestionnaires de biodiversité » ©markus-spiske-ZSZ6wzNU12Q-unsplash.jpg

La population mondiale augmente : en 2050, il y aura quelque 10 milliards de bouches à nourrir. N’est-ce pas un énorme défi ?

Oui, bien sûr. Notons cependant que certains insistent sur cet enjeu pour justifier le besoin de continuer à produire toujours plus. Cela étant posé, pour relever ce défi, il faudra adapter nos modes de production alimentaire. Je vous parlais de revisiter des savoirs anciens et, à cet égard, l’exemple de l’azote est très instructif. Au début du siècle dernier, des recherches ont débouché sur le procédé industriel de fabrication de l’engrais chimique azoté. Grâce à ce nouvel apport, les cultures croissaient plus rapidement et plus abondamment, mais, on l’a dit, au prix d’une pollution considérable. Pourtant, avant la chimie et ses brevets commerciaux, on parvenait très bien à fertiliser les cultures. Comment ? En utilisant des légumineuses (haricot, soja, arachide, pois), qui fixent l’azote atmosphérique dans le sol. En plus, ces plantes-engrais améliorent la structure du terrain : leurs profondes racines l’aèrent, ce qui aide à retenir l’eau et facilite la croissance des plantes. On connaît donc depuis des lustres une méthode naturelle et durable de gestion des nutriments qui a pour avantage d’encourager la rotation des cultures. Dans le système agricole traditionnel, on cultivait ensemble ou en alternance céréales et légumineuses et on utilisait les animaux pour transférer, par leurs excréments, des fertilisants depuis les zones de pâturage vers les zones de culture. Cela permettait de maintenir la fertilité des sols sans appauvrir les ressources naturelles, et donc d’entretenir un cycle vertueux et durable. À l’inverse, les engrais chimiques ont plongé l’agriculture dans un cercle vicieux, en créant des terres toujours moins fertiles devant recevoir toujours plus d’intrants. À terme, c’est une voie sans issue.

‘L’épuisement des ressources est le talon d’Achille du modèle de développement actuel. À cet égard, il n’y a pas de fatalité, mais des choix politiques’

Ne l’est-ce pas aussi de creuser pour puiser du phosphate et de la potasse destinés à doper la croissance des plantes ?

Tout à fait. On va chercher ces éléments dans des mines, que ce soit au Maroc, au Canada ou en Russie, mais sans perspectives, car leur quantité est limitée. Encore une fois, l’épuisement des ressources est le talon d’Achille du modèle de développement actuel. À cet égard, il n’y a pas de fatalité, mais des choix politiques. Dans une optique d’agriculture durable, des solutions existent pour sortir de l’impasse minière : le compostage des matières organiques, des engrais verts comme les légumineuses, une amélioration de la gestion des sols pour mieux conserver les nutriments qui s’y trouvent, l’utilisation de champignons mycorhiziens qui forment des associations symbiotiques avec les racines des plantes et augmentent leur capacité à capter le phosphore et le potassium du sol, etc.

L’effondrement dramatique de la biodiversité menace-t-il à terme notre capacité à produire suffisamment de nourriture ?

Oui, c’est un enjeu crucial. Par exemple, l’usage excessif des pesticides et le changement climatique ont provoqué l’effondrement des populations d’insectes, qui n’ont cessé de perdre leurs lieux d’habitat. Or de nombreuses cultures dépendent de ces pollinisateurs (abeilles, papillons, etc.) pour produire des fruits et des graines, et certains insectes et oiseaux menacés de disparition sont essentiels pour contrôler naturellement les ravageurs. Des constats analogues peuvent être posés à propos de la manière de cultiver des sols qui ont été privés de la présence de certaines bactéries, champignons, vers de terre et bien d’autres organismes qui, par la décomposition des matières organiques et la régulation des nutriments, jouent un rôle crucial dans la fertilité. On peut encore évoquer l’impact de la déforestation sur le climat et le cycle de l’eau qui, en provoquant des sécheresses et des inondations plus fréquentes dans certaines parties du monde, affecte la production agricole.

Le problème n’est-il qu’agricole ?

Certainement pas, car le système agroalimentaire, ce sont aussi les industries de transformation, d’emballage, de réfrigération, de transport, de grande distribution. C’est en aval des chaînes alimentaires que s’accumulent les profits, au détriment des producteurs. C’est aussi l’aval qui impose une standardisation de la production agricole et réduit la biodiversité.

« On pourrait libérer de gigantesques quantités de céréales à destination des humains, alors qu’elles servent aujourd’hui à nourrir du bétail »

Ne faudra-t-il pas revoir nos modes de consommation ?

À l’évidence. Dans de nombreux pays du monde, on mange de la viande quasiment tous les jours, alors que les besoins nutritionnels d’un adulte ne nécessitent d’en consommer que deux fois par semaine. En mettant fin à cette surconsommation, on pourrait libérer de gigantesques quantités de céréales à destination des humains, alors qu’elles servent aujourd’hui à nourrir du bétail. Il y a là une très grande marge de manœuvre pour nourrir le monde dans les années à venir. C’est en outre une question de santé publique. En réduisant la surconsommation de protéines animales, on diminuera la prévalence des maladies cardiovasculaires, de certains cancers et de l’obésité. L’effort devrait d’abord être fait dans les pays qui surconsomment depuis longtemps et en mesurent désormais les coûts sociétaux. Toutefois, une telle perspective de frugalité, fut-elle heureuse, n’est pas facile à défendre politiquement. Le message passe difficilement. Et plus encore dans de nombreux pays émergents, où des populations ayant longtemps connu une alimentation moins riche et plus monotone souhaitent consommer davantage de viande, de produits laitiers, de produits industriels et de sodas, surtout quand la publicité les y incite. Ces constats sont regrettables, car toutes les études prospectives le montrent : on peut nourrir 10 milliards d’humains si l’on repense à la fois les modèles de production et les modèles de consommation.

On est foutu, on mange trop, comme le chantait Alain Souchon ?

Oui. C’est le scandale permanent de ce monde où certains meurent de faim et d’autres de trop ou mal manger. La prévalence du diabète de type 2 et des cancers colorectaux explose partout dans le monde. Cela a aussi un rapport avec un mode de vie stressant et un pouvoir d’achat limité qui favorisent la consommation d’aliments bon marché et prêts à l’emploi par nombre d’individus. S’y ajoute aussi ce que l’on « mange » malgré nous.

Comment cela ?

On est en train de découvrir une véritable bombe à retardement : on s’intoxique progressivement par la consommation de résidus de pesticides et de microplastiques, qui peuvent générer des maladies dégénératives et d’autres pathologies.

« Le discours agro-industriel a fort imprégné les décideurs politiques et certains milieux académiques au cours des dernières décennies »

N’est-il pas dès lors urgent de développer massivement l’agroécologie et les circuits courts ?

Il faudrait construire un autre système alimentaire et, permettez-moi d’insister, en repartant des savoirs paysans qui ont été négligés depuis le milieu du XXe siècle et en y incorporant de l’innovation technique et de la science. C’est là le chemin qui peut nous conduire vers un système alimentaire durable. Quant aux circuits courts, j’y suis tout autant favorable. Ils réduisent le nombre d’intermédiaires entre le producteur et le consommateur, ce qui diminue les coûts. Mais ils sont aussi profitables en termes d’empreinte carbone, de qualité et de fraîcheur des produits, de soutien aux producteurs locaux qui peuvent mieux valoriser leur travail, de réduction du gaspillage alimentaire lié au stockage et au transport (NDLR : environ un tiers des aliments produits dans le monde sont perdus ou gaspillés), de souveraineté alimentaire et de diversification de l’agriculture locale.

Mais ce modèle plus vertueux suffirait-il pour nourrir le monde ?

Oui. Plusieurs recherches validées scientifiquement l’ont démontré : on pourrait nourrir le monde en basculant dans l’agroécologie. Par exemple, le rapport « Ten Years for Agroecology in Europe » de l’Institut du développement durable et des relations internationales, expose comment l’Europe pourrait basculer vers un système agroécologique en dix ans tout en continuant à nourrir sa population. Les auteurs avancent que l’agroécologie permettrait de réduire de 40 % les émissions de gaz à effet de serre dans le secteur agricole, tout en supprimant les pesticides et les engrais de synthèse. Cela favoriserait la restauration de la biodiversité et la protection des ressources naturelles. À l’instar de ce que je vous disais précédemment, ils soulignent aussi la nécessité de consommer moins de viande pour compenser la baisse prévue des rendements agricoles (NDLR : utiliser les protéines végétales pour nourrir les humains plutôt que le bétail). Ils avancent enfin que les productions locales de protéines devraient être renforcées, réduisant ainsi les importations et l’impact sur la déforestation mondiale. Enfin, ils mettent en exergue d’énormes bénéfices pour la santé publique.

Est-ce pour autant la direction que l’on prend ?

Très partiellement. Certes, l’agroécologie se développe mais, en face, les puissants acteurs de l’agroalimentaire soutiennent une autre voie. J’ai détaillé précédemment la fuite en avant technologique qu’ils proposent. Pour moi, cela déplace le mur un peu plus loin, mais on fonce toujours vers celui-ci. Cependant, le discours agro-industriel a fort imprégné les décideurs politiques et certains milieux académiques au cours des dernières décennies, et le rapport de force est défavorable au changement radical de système de production alimentaire. Il est donc raisonnable de penser que plusieurs modèles coexisteront dans les années à venir. Une véritable guerre de l’information est ouverte et pour voir cette question alimentaire évoluer, il faudrait qu’elle fasse l’objet d’un grand débat démocratique. À l’instar des conventions citoyennes pour le climat, on devrait initier une grande réflexion collective sur la manière de produire notre nourriture.


Pour en savoir plus : Bricas N., Conaré D., Walser M. (dir), « Une écologie de l’alimentation », Quae, 2021, 312 p. En accès libre sur www.quae-open.com

En 2050, comment nourrira-t-on 10 milliards de terriens ? "Il faudra repenser les modèles de production et de consommation"

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Michel Bouffioux

Michel Bouffioux

Curieux de beaucoup de choses, je m'intéresse notamment à des dossiers sociétaux, historiques, scientifiques et judiciaires. Depuis 1987, comme le temps passe, j'ai travaillé dans les rédactions de plusieurs quotidiens et hebdomadaires belges. J'ai aussi fondé l'hebdomadaire "Le Journal du Mardi" en 1999. Depuis 2007, je fais partie de l’équipe rédactionnelle de Paris Match Belgique.

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